Interprétation de l’ECG : caractéristiques d’un tracé électrocardiographique normal, incluant l’onde P, le complexe QRS, le segment ST et l’onde T
Interprétation de l’ECG : définitions, critères diagnostiques et caractéristiques morphologiques des ondes, ainsi que valeurs normales des intervalles, des durées et des rythmes
- Aperçu de l’électrocardiogramme normal
- L’onde P
- Intervalle PR et segment PR
- Le complexe QRS
- Implications et étiologies d’un complexe QRS élargi
- Amplitude du complexe QRS
- L’onde Q
- Le segment ST : Dépression et élévation du segment ST
- Modifications primaires et secondaires du segment ST-T
- Dépression du segment ST
- Le sus-décalage du segment ST
- L’onde T
- Onde U
- Durée du QT et durée du QT corrigé (QTc)
- L’axe électrique du cœur (axe cardiaque)
Ce chapitre constitue sans doute l’un des volets les plus essentiels de cet ouvrage. L’interprétation de l’électrocardiogramme (ECG) repose avant tout sur la capacité à évaluer la normalité des ondes et des intervalles. L’accent est mis ici sur l’analyse morphologique des ondes (apparence), ainsi que sur la mesure précise de leurs durées et des intervalles correspondants. Une présentation détaillée est proposée afin de fournir au lecteur une compréhension approfondie des tracés normaux, des variantes physiologiques moins fréquentes et des anomalies pathologiques. Ce chapitre expose ainsi les bases physiologiques de chaque onde de l’ECG et les critères permettant de distinguer un tracé normal d’un tracé anormal. Bien que l’étude approfondie du rythme cardiaque soit développée dans les chapitres suivants, les principes fondamentaux relatifs au rythme seront également abordés ici.

Aperçu de l’électrocardiogramme normal
L’interprétation de l’électrocardiogramme (ECG) repose sur l’analyse systématique de la morphologie des ondes et des intervalles enregistrés. Elle nécessite une approche structurée permettant d’évaluer chaque composante de manière méthodique. Avant d’aborder en détail chacune d’elles, un bref rappel des principales ondes et intervalles s’impose.

L’onde P, l’intervalle PR et le segment PR
L’interprétation de l’électrocardiogramme (ECG) débute classiquement par l’analyse de l’onde P, qui traduit la dépolarisation auriculaire. L’intervalle PR correspond à la durée séparant le début de l’onde P du début du complexe QRS et permet d’évaluer la normalité de la conduction de l’influx des oreillettes vers les ventricules. Le segment PR, portion isoélectrique comprise entre la fin de l’onde P et le début du complexe QRS, reflète le ralentissement physiologique de la conduction au niveau du nœud auriculo-ventriculaire. Ce segment sert de ligne de base (ou ligne isoélectrique) pour l’ECG, à partir de laquelle est mesurée l’amplitude de toute onde ou déviation. Voir figure 1.
Le complexe QRS
Le complexe QRS correspond à la dépolarisation (activation) des ventricules. Il est désigné comme « complexe QRS » même lorsqu’il ne comporte pas les trois ondes typiques. Comme le vecteur électrique généré par le ventricule gauche est nettement plus important que celui du ventricule droit, le complexe QRS reflète essentiellement la dépolarisation ventriculaire gauche. La durée du complexe QRS correspond à l’intervalle entre le début et la fin de celui-ci. Un complexe QRS de courte durée traduit une dépolarisation ventriculaire rapide, suggérant un fonctionnement normal du système de conduction intraventriculaire. À l’inverse, un complexe QRS élargi indique un ralentissement de la dépolarisation ventriculaire, pouvant résulter d’un trouble de conduction intraventriculaire.
Le point J et le segment ST
Le segment ST correspond à la phase plateau (phase 2) du potentiel d’action ventriculaire. Son analyse doit être réalisée avec attention, car il peut être modifié dans de nombreuses situations cliniques, dont certaines induisent des altérations caractéristiques. L’étude du segment ST revêt une importance particulière dans le contexte de l’ischémie myocardique aiguë, celle-ci pouvant entraîner une déviation du segment ST. On distingue deux types de déviations : la dépression et l’élévation du segment ST. La dépression correspond à un abaissement du segment ST en dessous du niveau de référence, généralement défini par le segment PR. L’élévation correspond à un déplacement du segment ST au-dessus de ce niveau. L’amplitude de la déviation, qu’il s’agisse d’une élévation ou d’une dépression, se mesure en millimètres entre le point J — qui marque le début du segment ST — et la ligne de base. Lorsque le segment PR est difficile à identifier, l’intervalle TP peut servir de référence.
L’onde T
L’onde T reflète la phase de repolarisation rapide des myocytes contractiles (phase 3 du potentiel d’action), et ses altérations peuvent survenir dans un large éventail de situations cliniques. Ces modifications, souvent mal interprétées en pratique, seront clarifiées dans la discussion qui suit. La transition entre le segment ST et l’onde T doit être progressive, sans rupture abrupte. L’onde T normale présente une légère asymétrie, caractérisée par une pente descendante plus abrupte que la pente ascendante.
L’onde U
L’onde U est une déflexion positive de l’ECG, apparaissant immédiatement après l’onde T, dont l’amplitude correspond généralement à environ un quart de celle de l’onde T. Elle est le plus souvent visible dans les dérivations précordiales V2 à V4. Sa présence est plus fréquente chez les patients présentant des ondes T proéminentes ou une bradycardie. La physiopathologie exacte de l’onde U demeure incertaine.
Intervalle QT et intervalle QT corrigé (QTc)
La durée de l’intervalle QT correspond à la période totale de dépolarisation et de repolarisation ventriculaires. Elle se mesure depuis le début du complexe QRS jusqu’à la fin de l’onde T. L’intervalle QT varie en fonction de la fréquence cardiaque : il s’allonge lorsque la fréquence cardiaque diminue et se raccourcit lorsqu’elle augmente. Il est donc indispensable, pour évaluer la normalité de cet intervalle, de corriger sa valeur en fonction de la fréquence cardiaque, ce qui donne l’intervalle QT corrigé (QTc). Un allongement du QTc est associé à un risque accru de survenue d’arythmies ventriculaires potentiellement graves.
Nous présentons à présent une analyse détaillée de chacun des composants de l’électrocardiogramme (ECG).
L’onde P
L’interprétation de l’électrocardiogramme (ECG) débute généralement par l’analyse de l’onde P. Celle-ci correspond à la dépolarisation auriculaire et se présente habituellement comme une petite onde positive, lisse et arrondie. Sa faible amplitude s’explique par la masse musculaire relativement réduite des oreillettes. En rythme sinusal — c’est-à-dire dans des conditions physiologiques normales — le vecteur de dépolarisation auriculaire est orienté vers le bas et vers la gauche dans le plan frontal, ce qui se traduit par une onde P positive en dérivation II (figure 2, partie droite). En rythme sinusal, l’onde P est donc constamment positive dans cette dérivation. Cela s’explique aisément par le fait que l’axe de la dérivation II est globalement aligné avec le vecteur de l’onde P, l’électrode exploratrice se trouvant en position distale par rapport à la direction de propagation de l’activation auriculaire.
Le vecteur de l’onde P présente une légère courbure dans le plan horizontal. Il est initialement orienté vers l’avant, puis se dévie vers la gauche afin d’activer l’oreillette gauche (figure 2, côté gauche). En conséquence, la dérivation V1 peut enregistrer une onde P biphasique, caractérisée par une composante initiale majoritairement positive suivie d’une composante terminale légèrement négative, cette dernière correspondant au vecteur d’activation de l’oreillette gauche s’éloignant de V1. Dans certains cas, une déflexion terminale négative peut également être observée en V2. La dérivation V5, quant à elle, ne capte que les vecteurs se dirigeant vers l’électrode exploratrice (avec des angles légèrement variables), ce qui se traduit par une onde P entièrement positive.

La figure 2 (ci-dessus) ne met pas en évidence que l’onde P, dans la dérivation II, peut présenter une légère asymétrie avec deux sommets distincts. Ce phénomène, fréquemment mais non systématiquement observé sur les tracés ECG standards, s’explique par la dépolarisation séquentielle des oreillettes : l’oreillette droite se dépolarise en premier, suivie de l’oreillette gauche. Ainsi, la première moitié de l’onde P reflète la dépolarisation de l’oreillette droite, tandis que la seconde moitié correspond à celle de l’oreillette gauche, comme illustré dans la figure 3 (panneau supérieur). Il convient également de rappeler que l’onde P en dérivation V1 est souvent biphasique, ce qui est également représenté dans la figure 3.

En cas de dilatation d’une oreillette, le plus souvent par un mécanisme compensatoire, sa contribution à l’onde P est accentuée. L’hypertrophie auriculaire gauche ou droite induit des modifications caractéristiques de l’onde P, particulièrement visibles dans les dérivations II et V1 (figure 3).
L’hypertrophie de l’oreillette droite résulte le plus souvent d’une augmentation de la résistance à l’éjection du sang vers le ventricule droit, comme en cas de sténose valvulaire pulmonaire ou d’hypertension artérielle pulmonaire. Cette surcharge de pression conduit à une augmentation de la masse myocardique auriculaire droite afin de maintenir un débit sanguin adéquat vers le ventricule droit. L’hypertrophie auriculaire droite se traduit par une intensification des forces électriques générées, augmentant ainsi la contribution de l’oreillette droite à l’onde P sur l’électrocardiogramme. Il en résulte une onde P de plus grande amplitude, particulièrement visible dans les dérivations II et V1. Ce morphotype électrocardiographique, appelé « P pulmonale », est fréquemment associé à des pathologies pulmonaires chroniques, qui en constituent la cause la plus courante (figure 3).
En présence d’une résistance accrue à l’évacuation de l’oreillette gauche — par exemple en cas de sténose mitrale — celle-ci se dilate (hypertrophie atriale gauche), ce qui accentue sa contribution à l’onde P. Dans la dérivation II, la seconde composante de l’onde P devient plus ample que la première et s’élargit, tandis que dans V1, la composante négative terminale s’accentue. Ce tableau électrocardiographique, appelé « P mitrale », est fréquemment observé dans les valvulopathies mitrales (figure 25, P mitrale).
Lorsque la dépolarisation auriculaire est déclenchée par des impulsions issues de cellules situées en dehors du nœud sinusal (foyer ectopique), la morphologie de l’onde P peut différer de celle observée en rythme sinusal. Si le foyer ectopique est localisé à proximité immédiate du nœud sinusal, l’onde P présentera une morphologie proche de celle du rythme sinusal. En revanche, un foyer ectopique peut se situer en tout point des oreillettes ; lorsqu’il est implanté près du nœud auriculo-ventriculaire, l’activation auriculaire se propage en direction rétrograde, entraînant l’apparition d’ondes P inversées.
Liste de vérification de l’onde P
- En rythme sinusal, l’onde P est constamment positive en dérivation II.
- L’onde P est presque toujours positive dans les dérivations aVL, aVF, I, V4, V5 et V6, et négative dans la dérivation aVR.
- L’onde P est fréquemment biphasique en dérivation V1, et parfois en V2. La composante négative présente une amplitude normale inférieure à 1 mm.
- La durée de l’onde P doit être inférieure ou égale à 0,12 seconde.
- L’amplitude de l’onde P doit être inférieure à 2,5 mm dans les dérivations périphériques.
- La P pulmonale désigne une onde P d’amplitude anormalement élevée, généralement supérieure à 2,5 mm, observée en dérivation II et souvent présente dans d’autres dérivations, traduisant une hypertrophie auriculaire droite.
- La P mitrale se caractérise par une accentuation de la seconde composante de l’onde P en dérivation II, associée à une augmentation de la composante négative terminale de l’onde P en dérivation V1.
Intervalle PR et segment PR
L’intervalle PR débute au commencement de l’onde P et se termine au début du complexe QRS (figure 1). Il correspond à la durée séparant le début de la dépolarisation auriculaire du début de la dépolarisation ventriculaire. Son analyse permet d’évaluer la vitesse de conduction de l’influx électrique des oreillettes vers les ventricules. L’intervalle PR doit rester dans des limites physiologiques, ni prolongé ni raccourci. Chez l’adulte, sa valeur normale se situe entre 0,12 s et 0,22 s.
Le segment PR, défini comme l’intervalle isoélectrique compris entre la fin de l’onde P et le début du complexe QRS, reflète le ralentissement de la conduction de l’influx électrique à travers le nœud auriculo-ventriculaire. Il constitue la ligne de base (ou ligne isoélectrique) de l’ECG, à partir de laquelle l’amplitude de toute onde ou déviation est mesurée.

De nombreuses affections peuvent réduire la capacité du nœud auriculo‑ventriculaire à transmettre l’influx auriculaire vers les ventricules. Une diminution de la conduction se traduit par un allongement de l’intervalle PR. Lorsque celui‑ci dépasse 0,22 seconde, on parle de bloc auriculo‑ventriculaire (AV) du premier degré. Le terme « bloc » est toutefois quelque peu impropre, puisqu’il s’agit d’un retard anormal de conduction plutôt que d’une interruption complète. La cause la plus fréquente de ce trouble est la fibrose dégénérative du système de conduction, généralement liée à l’âge. L’ischémie ou l’infarctus du myocarde, ainsi que certains médicaments (notamment les bêta‑bloquants), peuvent également en être responsables. Il convient de noter que la valeur seuil de 0,22 seconde doit être adaptée à l’âge du patient : chez le jeune adulte, une limite de 0,20 seconde est plus appropriée en raison d’une conduction physiologiquement plus rapide. Voir la figure 4 (deuxième panneau). Les blocs AV sont détaillés plus loin dans ce chapitre.
Le nœud auriculo‑ventriculaire (nœud AV) constitue normalement l’unique connexion électrique entre les oreillettes et les ventricules, ces derniers étant isolés par les anneaux fibreux (annulus fibrosus). Toutefois, il n’est pas rare qu’existe une voie de conduction accessoire reliant directement les oreillettes aux ventricules. Cette voie, vestige embryologique, peut se situer à divers niveaux de la jonction auriculo‑ventriculaire. Elle permet à l’influx auriculaire de gagner prématurément le myocarde ventriculaire, déclenchant ainsi une dépolarisation ventriculaire anticipée. Lorsque l’influx emprunte cette voie accessoire, le délai physiologique imposé par le nœud AV est contourné, ce qui entraîne un raccourcissement de l’intervalle PR (< 0,12 s). Ce phénomène, qualifié de préexcitation, se traduit sur l’ECG par une activation ventriculaire précoce (figure 4, troisième panneau). Comme illustré, la dépolarisation initiale débute au point d’insertion de la voie accessoire dans le ventricule et se propage lentement, car elle ne suit pas le réseau rapide de His‑Purkinje. Cette conduction lente se manifeste par une onde delta caractéristique. Au‑delà de cette phase initiale, l’onde R retrouve un aspect normal dès que l’influx transmis par le nœud AV atteint le système de His‑Purkinje, permettant une dépolarisation ventriculaire rapide et homogène.
Liste de vérification de l’intervalle PR
- Intervalle PR normal : 0,12 à 0,22 seconde, avec une limite supérieure de référence de 0,20 seconde chez les jeunes adultes.
- Un intervalle PR prolongé, supérieur à 0,22 seconde, est évocateur d’un bloc auriculo-ventriculaire (AV) de premier degré.
- Un intervalle PR raccourci (< 0,12 s) suggère la présence d’un phénomène de préexcitation, généralement lié à une voie de conduction accessoire, et s’accompagne typiquement d’une onde delta sur l’ECG.
Le complexe QRS
Un complexe QRS complet se compose classiquement d’une onde Q, d’une onde R et d’une onde S. Toutefois, ces trois composantes ne sont pas toujours présentes simultanément, et leur morphologie peut varier selon les dérivations. Certaines dérivations peuvent présenter l’ensemble des ondes, tandis que d’autres n’en montrent qu’une seule. Quelle que soit la configuration observée, toute onde ou combinaison d’ondes représentant la dépolarisation ventriculaire est désignée sous le terme de complexe QRS.
Dénomination des ondes du complexe QRS :
La nomenclature des ondes composant le complexe QRS est relativement simple, mais demeure fréquemment source de confusion. Les principes suivants régissent l’attribution de leur dénomination :
- Une déviation n’est qualifiée d’onde que si elle franchit la ligne isoélectrique.
- Si la première déflexion du complexe QRS est négative, il s’agit d’une onde Q. En revanche, si la première déflexion n’est pas négative, le complexe QRS est dépourvu d’onde Q, quelle que soit sa morphologie.
- Toutes les déflexions positives du complexe QRS sont désignées sous le terme d’ondes R. La première déflexion positive est appelée « onde R » (R). La seconde déflexion positive est nommée « onde R prime » (R’). En présence exceptionnelle d’une troisième déflexion positive, celle-ci est désignée comme « onde R double prime » (R’’).
- Toute déflexion négative apparaissant immédiatement après une déflexion positive sur l’ECG est définie comme une onde S.
- Les déflexions de grande amplitude sont notées par des lettres majuscules (Q, R, S), tandis que celles de faible amplitude sont indiquées par des lettres minuscules (q, r, s).
La figure 5 illustre différents exemples de nomenclature du complexe QRS.

Orientation nette du complexe QRS
Le complexe QRS peut être qualifié de positif net ou de négatif net en fonction de sa déflexion prédominante. Il est considéré comme positif net lorsque la somme des surfaces des déflexions positives (au-dessus de la ligne isoélectrique) excède celle des déflexions négatives (au-dessous de la ligne isoélectrique), comme illustré dans la figure 6, panneau A. Cette estimation est réalisée de manière visuelle, à l’œil nu. Le panneau B de la figure 6 présente un complexe QRS négatif net, les surfaces négatives y étant supérieures aux surfaces positives.

Vecteurs électriques à l’origine du complexe QRS
La dépolarisation ventriculaire génère trois vecteurs principaux, ce qui explique que le complexe QRS comporte trois ondes distinctes. Il est essentiel de comprendre le mécanisme de formation de ces ondes et, bien que ce point ait été abordé précédemment, il convient d’en rappeler brièvement les principes. La figure 7 illustre la disposition des vecteurs dans le plan horizontal. Examinez attentivement cette figure, car elle montre de manière schématique comment l’onde P et le complexe QRS résultent de l’activité des vecteurs électriques cardiaques.

Il convient de noter que le premier vecteur illustré à la figure 7 n’est pas traité dans cette section, car il correspond à l’activité électrique auriculaire.
Le deuxième vecteur : le septum ventriculaire (interventriculaire)
Le septum interventriculaire reçoit principalement des fibres de Purkinje issues de la branche gauche du faisceau de His, ce qui entraîne une dépolarisation se propageant de gauche vers droite. Le vecteur résultant est orienté vers l’avant et la droite. En raison de la petite taille du septum, la dérivation V1 enregistre une onde r de faible amplitude, tandis que la dérivation V5 présente une onde q discrète. Ainsi, un même vecteur électrique est responsable de l’onde r observée en V1 et de l’onde q observée en V5.
Le troisième vecteur : la paroi libre du ventricule gauche
Les vecteurs résultant de l’activation des parois libres des ventricules sont orientés vers la gauche et vers le bas (figure 7). L’explication en est la suivante :
- Le vecteur résultant de l’activation du ventricule droit n’est pas visible, car il est masqué par le vecteur, beaucoup plus important, généré par le ventricule gauche. Ainsi, lors de l’activation des parois libres ventriculaires, le vecteur observé correspond en réalité à celui produit par le ventricule gauche.
- L’activation de la paroi libre ventriculaire s’effectue de l’endocarde vers l’épicarde. Les fibres de Purkinje, situées dans l’endocarde, transmettent le potentiel d’action aux myocytes contractiles. Celui-ci se propage ensuite de cellule en cellule, de l’endocarde vers l’épicarde, assurant une dépolarisation coordonnée de la paroi ventriculaire.
Comme l’illustre la figure 7, le vecteur d’activation de la paroi libre du ventricule gauche est orienté vers la gauche et vers le bas. L’électrode précordiale V5 enregistre ainsi un vecteur de grande amplitude se dirigeant vers elle, ce qui se traduit par une onde R marquée. À l’inverse, l’électrode V1 capte un vecteur s’éloignant, générant une onde S profonde.
Le quatrième vecteur : régions basales des ventricules
Le dernier vecteur résulte de l’activation des segments basaux des ventricules. Il est orienté vers l’arrière et vers le haut, s’éloignant ainsi de l’électrode V5, qui enregistre une déflexion négative correspondant à l’onde S. L’électrode V1 ne capte pas ce vecteur.
Implications et étiologies d’un complexe QRS élargi
L’allongement de la durée du complexe QRS traduit un ralentissement de la dépolarisation ventriculaire par rapport à la normale. La durée physiologique du QRS est généralement inférieure à 0,10 seconde et doit rester inférieure à 0,12 seconde. Lorsque la durée du QRS est ≥ 0,12 seconde (120 millisecondes), le complexe est considéré comme anormalement large. Il s’agit d’une constatation fréquente et cliniquement significative. L’étiologie d’un QRS élargi doit toujours être identifiée. Bien que cette démarche diagnostique soit souvent perçue comme complexe par les cliniciens, la liste des diagnostics différentiels reste relativement restreinte. Les causes suivantes de complexes QRS larges doivent être parfaitement connues de tout praticien.
- Bloc de branche : Les branches gauche et droite du faisceau de His sont constituées de fibres de Purkinje qui s’étendent dans le myocarde ventriculaire. Ce réseau assure une conduction rapide de l’influx électrique, permettant la dépolarisation quasi simultanée de l’ensemble du myocarde ventriculaire. Un bloc de branche survient lorsqu’une des branches est altérée et ne peut transmettre l’influx. Le ventricule correspondant reçoit alors l’activation électrique par conduction transseptale à partir de l’autre ventricule. Cette propagation, se faisant partiellement ou totalement en dehors du système spécialisé de conduction, est plus lente, ce qui entraîne un élargissement de la durée du complexe QRS.
- Hyperkaliémie : L’hyperkaliémie induit un ralentissement de la conduction de l’influx électrique dans l’ensemble des cellules myocardiques et des structures du système de conduction, ainsi qu’un élargissement du complexe QRS.
- Médicaments : les antiarythmiques de classe I, les antidépresseurs tricycliques ainsi que d’autres agents pharmacologiques peuvent induire un élargissement du complexe QRS.
- Rythme ventriculaire, extrasystolie ventriculaire et stimulation ventriculaire par stimulateur cardiaque :
- Les potentiels d’action spontanés générés au sein du myocarde ventriculaire peuvent entraîner la dépolarisation des ventricules. La cellule ou structure à l’origine de ce potentiel d’action est désignée sous le terme de foyer ectopique. Ce foyer peut émettre une ou plusieurs impulsions, de manière consécutive ou intermittente. Une impulsion isolée se traduit par un battement ventriculaire prématuré, tandis que des impulsions répétées peuvent instaurer un rythme ventriculaire soutenu, voire une tachycardie ventriculaire. Dans tous ces cas, le complexe QRS apparaît élargi, car l’activation ventriculaire débute et se propage en dehors du système de conduction intraventriculaire normal.
- Les stimulateurs cardiaques externes (artificiels) disposent généralement d’une électrode positionnée à l’apex du ventricule droit. La stimulation électrique en ce site induit un potentiel d’action se propageant à partir de cette région, en partie ou totalement en dehors du système de conduction physiologique, ce qui se traduit par des complexes QRS élargis à l’ECG.
- Pré-excitation (syndrome de Wolff-Parkinson-White) : la pré-excitation correspond à la présence d’une voie de conduction accessoire, en plus du nœud auriculo-ventriculaire, reliant directement les oreillettes aux ventricules. Ces voies se connectent presque toujours au myocarde ventriculaire, à partir duquel le potentiel d’action se propage. Cette conduction, se déroulant en dehors du système spécifique de conduction, est plus lente et entraîne un élargissement du complexe QRS.
- Conduction ventriculaire aberrante (aberrance) : La conduction ventriculaire aberrante correspond à un bloc de branche transitoire survenant lors de modifications rapides de la durée du cycle cardiaque, notamment à des fréquences cardiaques élevées. Les branches du faisceau de His, en particulier la branche droite, peuvent ne pas ajuster leur période réfractaire à la nouvelle durée du cycle, entraînant ainsi un retard de conduction. Ce mécanisme est décrit en détail dans l’article consacré à la conduction ventriculaire aberrante.
La figure 8 illustre des complexes QRS de morphologie normale et des complexes QRS élargis, enregistrés à des vitesses de défilement du papier de 25 mm/s et de 50 mm/s.

Amplitude du complexe QRS
Un complexe QRS de grande amplitude peut résulter d’une hypertrophie ventriculaire, d’un élargissement ventriculaire ou d’une combinaison des deux. Les courants électriques générés par le myocarde ventriculaire sont proportionnels à la masse musculaire. Ainsi, l’hypertrophie, en augmentant la masse myocardique, entraîne une production accrue de potentiels électriques. Toutefois, la distance entre le cœur et les électrodes d’enregistrement influence également l’amplitude du complexe QRS. Par exemple, chez les sujets minces, cette distance est généralement réduite par rapport aux sujets obèses, ce qui peut se traduire par des amplitudes QRS plus élevées. À l’inverse, chez les patients atteints de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), l’hyperinflation pulmonaire augmente la distance cœur-électrodes et tend à diminuer l’amplitude des QRS. Une hypothyroïdie peut également être responsable de faibles amplitudes. Enfin, en contexte de collapsus circulatoire, la présence d’amplitudes QRS très basses doit faire évoquer en priorité une tamponnade cardiaque.
Amplitude de l’onde R
Il est essentiel d’évaluer l’amplitude des ondes R sur l’ECG. Une augmentation marquée de cette amplitude peut traduire une hypertrophie ventriculaire, un élargissement des cavités cardiaques ou, plus rarement, certaines conditions pathologiques spécifiques. Pour déterminer si l’amplitude est anormalement élevée, il convient de se référer aux critères diagnostiques établis dans la littérature spécialisée.
- L’onde R doit être < 26 mm dans V5 et V6.
- L’amplitude de l’onde R dans V5 et l’amplitude de l’onde S dans V1 doivent être < 35 mm.
- L’amplitude de l’onde R dans le V6 et l’amplitude de l’onde S dans le V1 doivent être < 35 mm.
- L’amplitude de l’onde R dans l’aVL doit être ≤ 12 mm.
- L’amplitude de l’onde R dans les dérivations I, II et III doit être ≤ 20 mm.
- Si l’onde R dans V1 est plus importante que l’onde S dans V1, l’onde R doit être < 5 mm.
Sur une grille ECG standard, une amplitude de 1 mm correspond à 0,1 mV.
Temps de culmination de l’onde R
Le temps de culmination de l’onde R (figure 9) correspond à l’intervalle séparant le début du complexe QRS du sommet de l’onde R. Il reflète la durée nécessaire à la propagation de la dépolarisation ventriculaire depuis l’endocarde jusqu’à l’épicarde. Ce paramètre est prolongé en cas d’hypertrophie ventriculaire ou de troubles de la conduction intraventriculaire.
Les valeurs normales du temps de culmination de l’onde R sont les suivantes :
- Conduites V1-V2 (ventricule droit) <0,035 seconde
- Conduites V5-V6 (ventricule gauche) <0,045 seconde

Progression de l’onde R
La progression de l’onde R est évaluée dans les dérivations thoraciques (précordiales). En conditions physiologiques, l’amplitude de l’onde R augmente progressivement de V1 à V5, puis décroît de V5 à V6 (figure 10, panneau de gauche), tandis que l’onde S suit une évolution inverse. Une progression anormale de l’onde R est une constatation fréquente, pouvant résulter de l’une des situations cliniques suivantes :
- Infarctus du myocarde : le myocarde nécrosé ne génère pas de potentiels électriques et il y a donc une perte d’amplitude de l’onde R dans les dérivations ECG reflétant la zone nécrosée (figure 10, côté droit).
- La cardiomyopathie peut entraîner une perte ou un gain d’amplitude de l’onde R, selon le type de cardiomyopathie. Les amplitudes peuvent être augmentées dans la cardiomyopathie hypertrophique, alors qu’elles sont typiquement diminuées dans les stades avancés de la cardiomyopathie dilatée.
- L’hypertrophie ventriculaire droite et gauche amplifie également l’amplitude de l’onde R. L’hypertrophie ventriculaire gauche entraîne une augmentation de l’amplitude de l’onde R dans les segments V4-V6 et des ondes S plus profondes dans les segments V1-V3. L’hypertrophie ventriculaire droite provoque de grandes ondes R en V1-V3 et des ondes R plus petites en V4-V6.
- La préexcitation, le bloc de branche et la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) peuvent également affecter la progression de l’onde R. Ces conditions sont examinées en détail plus loin.
Il convient de noter que l’onde R peut parfois être absente en dérivation V1, notamment en cas de positionnement incorrect de l’électrode précordiale. Cette observation reste compatible avec la normalité physiologique, à condition qu’une onde R soit nettement identifiable en dérivation V2.

Onde R dominante en V1/V2
Comme l’illustre la figure 10 (partie gauche), l’amplitude de l’onde R dans les dérivations V1 et V2 est nettement inférieure à celle de l’onde S. La présence d’une onde R dominante dans V1 ou V2 — c’est‑à‑dire d’une amplitude supérieure à celle de l’onde S — suggère une anomalie. Dans des conditions normales, l’onde R dans ces dérivations ne dépasse pas 5 mm ; au‑delà de cette valeur, elle est considérée comme anormalement élevée. Ce profil électrocardiographique peut être observé notamment en cas de bloc de branche droit, d’hypertrophie ventriculaire droite, de cardiomyopathie hypertrophique, d’ischémie myocardique ou d’infarctus postéro‑latéral (en particulier en présence de douleur thoracique), de syndrome de pré‑excitation, de dextrocardie ou encore lors d’un positionnement incorrect des électrodes précordiales.
L’onde Q
Il est essentiel de différencier les ondes Q physiologiques des ondes Q pathologiques, ces dernières représentant un marqueur électrocardiographique fiable d’infarctus du myocarde antérieur. Cependant, de nombreuses autres causes, qu’elles soient bénignes ou pathologiques, peuvent générer des ondes Q, et leur identification précise demeure cruciale pour un diagnostic exact.
L’amplitude (profondeur) et la durée (largeur) de l’onde Q permettent d’en déterminer le caractère normal ou pathologique. Une onde Q est considérée comme pathologique lorsqu’elle présente une durée ≥ 0,03 s et/ou une amplitude ≥ 25 % de celle de l’onde R correspondante. Ces ondes Q pathologiques doivent être observées dans au moins deux dérivations anatomiquement contiguës (par exemple, II et III, ou V4 et V5) afin de confirmer une anomalie morphologique authentique. La présence d’ondes Q pathologiques dans deux dérivations contiguës est suffisante pour établir le diagnostic d’infarctus du myocarde avec ondes Q, comme illustré à la figure 11.

Variantes normales des ondes Q
Les ondes Q septales correspondent à de petites ondes Q, fréquemment observées dans les dérivations latérales (V5, V6, aVL, I), et résultent de la dépolarisation physiologique du septum interventriculaire (voir discussion précédente). Deux ondes Q septales discrètes sont visibles dans V5 et V6 sur la figure 10 (panneau de gauche).
Une onde Q isolée, souvent de grande amplitude, peut parfois être observée en dérivation III. Son amplitude varie généralement au rythme des mouvements respiratoires, ce qui justifie l’appellation d’« onde Q respiratoire ». Il convient de souligner que cette onde Q doit demeurer strictement isolée en dérivation III, c’est-à-dire que la dérivation adjacente aVF ne doit présenter aucune onde Q pathologique.
Comme indiqué précédemment, la petite onde r en dérivation V1 peut parfois être absente, donnant lieu à un complexe QS (complexe QRS constitué uniquement d’une onde Q). Cette configuration est considérée comme physiologique si la dérivation V2 présente une onde r. En revanche, l’absence d’onde R en V2, associée à son absence en V1, constitue un critère pathologique correspondant à la présence de deux complexes QS.
De petites ondes Q, ne répondant pas aux critères diagnostiques d’onde Q pathologique, peuvent être observées dans l’ensemble des dérivations des membres ainsi que dans les dérivations précordiales gauches V4 à V6. Lorsqu’elles ne présentent pas de caractère pathologique, elles sont considérées comme une variante de la normale. En revanche, les dérivations précordiales droites V1 à V3 ne doivent, en aucune circonstance, comporter d’ondes Q, quelle qu’en soit l’amplitude.
Ondes Q anormales (pathologiques)
La cause la plus fréquente des ondes Q pathologiques est l’infarctus du myocarde. Lorsqu’un infarctus du myocarde s’accompagne d’ondes Q pathologiques persistantes, on parle d’« infarctus avec ondes Q ». Les critères diagnostiques de ces ondes Q sont présentés à la figure 11. Il convient de souligner que les ondes Q pathologiques doivent être présentes dans au moins deux dérivations anatomiquement contiguës.
Les autres étiologies susceptibles de provoquer l’apparition d’ondes Q pathologiques sont les suivantes :
- Pneumothorax gauche
- Dextrocardie
- Périmyocardite
- Cardiomyopathie
- Amyloïdose
- Blocs de branche, blocs fasciculaires
- Pré-excitation (syndrome de WPW)
- Hypertrophie ventriculaire
- Infarctus aigu du myocarde
Pour différencier les causes d’ondes Q anormales de celles associées à un infarctus du myocarde avec ondes Q, les recommandations suivantes peuvent être proposées :
- S’il est peu probable que le patient souffre d’une maladie coronarienne, d’autres causes sont plus probables. Il convient toutefois de noter que jusqu’à 20 % des infarctus à onde Q peuvent se développer sans symptômes (The Framingham Heart Study).
- Si une maladie coronarienne est probable, l’infarctus est la cause la plus probable des ondes Q. Plus la durée de l’onde Q est longue, plus le risque d’infarctus est élevé.
- Plus la durée de l’onde Q est longue, plus il est probable que l’infarctus en soit la cause. Les ondes Q de l’infarctus sont généralement supérieures à 40 ms.
Des exemples d’ondes Q, tant physiologiques que pathologiques — ces dernières étant notamment observées après un infarctus aigu du myocarde — sont présentés dans la figure 12 ci-dessous.

Le segment ST : Dépression et élévation du segment ST

Le segment ST correspond à la phase de plateau du potentiel d’action (figure 13) et s’étend du point J jusqu’au début de l’onde T. En raison de la durée prolongée de cette phase, la majorité des cellules myocardiques contractiles s’y trouvent simultanément, tandis que le potentiel de membrane reste relativement stable. Ces caractéristiques expliquent que le segment ST apparaisse plat et isoélectrique, c’est‑à‑dire aligné sur la ligne de base.
Le déplacement du segment ST revêt une importance clinique majeure, en particulier dans le contexte d’une ischémie myocardique aiguë. L’ischémie, le plus souvent localisée, modifie le potentiel de membrane des myocytes durant la phase 2 du potentiel d’action, générant ainsi une différence de potentiel électrique entre les zones ischémiques et les zones saines. Cette hétérogénéité de potentiel se traduit sur l’électrocardiogramme par une déviation du segment ST, pouvant se manifester soit par une élévation (élévation du segment ST), soit par une dépression (dépression du segment ST). Le terme « déviation du segment ST » regroupe ces deux anomalies. L’ampleur de cette déviation se mesure en millimètres, en comparant la hauteur du point J à celle du segment PR. Des exemples illustratifs sont présentés à la figure 13.
La figure 14 ci-dessous illustre la méthode de mesure du sus- ou du sous-décalage du segment ST.

Il convient de rappeler les éléments essentiels suivants pour l’interprétation du segment ST :
- Le segment ST normal est plat et isoélectrique. La transition entre le segment ST et l’onde T est douce et non abrupte.
- La déviation du segment ST (élévation, dépression) est mesurée comme la différence de hauteur (en millimètres) entre le point J et la ligne de base (le segment PR). La déviation du segment ST se produit dans un grand nombre de cas, en particulier en cas d’ischémie myocardique aiguë.
- Le segment ST et l’onde T étant liés sur le plan électrophysiologique, les modifications du segment ST s’accompagnent souvent de modifications de l’onde T. Le terme “modifications du segment ST-T” (ou simplement “modifications du segment ST-T”) est utilisé pour désigner ces modifications de l’ECG.
Il convient de rappeler que le point J n’est pas toujours le repère le plus approprié pour mesurer la déviation du segment ST. En effet, il peut ne pas être isoélectrique lorsque persistent des différences de potentiel électrique intramyocardique à la fin du complexe QRS, se traduisant le plus souvent par une dépression du point J. Cette hétérogénéité de potentiel résulte du fait que toutes les cellules myocardiques ventriculaires ne terminent pas leur potentiel d’action simultanément : les cellules dépolarisées précocement au début du QRS ne se trouvent pas exactement dans la même phase de repolarisation que celles dépolarisées plus tardivement. Pour cette raison, il est parfois recommandé de mesurer la déviation du segment ST au point J+60 ms ou J+80 ms, correspondant respectivement à 60 et 80 millisecondes après le point J, moments où la probabilité de différences de potentiel résiduelles est minimale. Néanmoins, les recommandations actuelles continuent de privilégier l’utilisation du point J pour l’évaluation de l’ischémie myocardique aiguë. Une exception notable concerne l’épreuve d’effort, pour laquelle la mesure au point J+60 ms ou J+80 ms est systématiquement adoptée, l’exercice induisant fréquemment une dépression du point J.
Comme mentionné précédemment, de nombreuses affections peuvent entraîner des modifications du segment ST-T, qu’il est essentiel de différencier avec précision. À cette fin, il est pertinent de classer ces altérations en deux catégories : primaires et secondaires.
Modifications primaires et secondaires du segment ST-T
Les altérations primaires du segment ST-T correspondent à des anomalies de la repolarisation ventriculaire. Elles peuvent être observées en contexte d’ischémie myocardique, de troubles électrolytiques — notamment liés à des concentrations anormales de potassium ou de calcium —, de tachycardie, d’hypertonie sympathique ou encore comme effets indésirables de certains médicaments.
Les modifications secondaires du segment ST et de l’onde T apparaissent lorsqu’une dépolarisation ventriculaire anormale entraîne une repolarisation également altérée. Ce phénomène est observé notamment en présence d’un bloc de branche gauche ou droit, d’une pré-excitation ventriculaire, d’une hypertrophie ventriculaire, de complexes ventriculaires prématurés ou de battements induits par un dispositif de stimulation cardiaque. Dans chacune de ces situations, l’anomalie de la dépolarisation perturbe le processus de repolarisation, empêchant son déroulement physiologique.
La section suivante sera consacrée à la caractérisation des altérations du segment ST et de l’onde T, qu’elles soient fréquentes ou d’importance clinique.
Dépression du segment ST
La dépression du segment ST se mesure au niveau du point J, en prenant comme référence habituelle le segment PR. Une dépression inférieure à 0,5 mm est généralement considérée comme physiologique dans l’ensemble des dérivations. En revanche, une dépression du segment ST ≥ 0,5 mm est considérée comme pathologique. Selon certains documents de consensus d’experts, toute dépression du segment ST observée en V2-V3 doit être interprétée comme anormale, car elle est exceptionnellement présente chez les sujets sains. Chaque étiologie de dépression du segment ST décrite ci-après est illustrée dans la figure 15, qu’il convient d’examiner attentivement.

Dépressions primaires du segment ST
Les dépressions physiologiques du segment ST peuvent survenir au cours de l’exercice physique. Elles se caractérisent par un sous-décalage ascendant du segment ST, généralement inférieur à 1 mm mesuré au point J + 60 ms, et se normalisent rapidement après l’arrêt de l’effort. L’hyperventilation peut également induire des modifications similaires du segment ST à celles observées pendant l’exercice (voir figure 15A).
La digoxine induit typiquement une dépression diffuse du segment ST, présentant un aspect concave vers le bas (« en cuillère »), visible dans la majorité des dérivations de l’ECG (voir figure 15B).
Une élévation du tonus sympathique, associée à une hypokaliémie, peut entraîner des sous-décalages du segment ST, généralement inférieurs à 0,5 mm.
L’insuffisance cardiaque peut entraîner un sous-décalage du segment ST dans les dérivations latérales gauches (V5, V6, aVL et I), le plus souvent de morphologie horizontale ou descendante.
Les tachycardies supraventriculaires peuvent également provoquer des sous-décalages du segment ST, le plus souvent visibles dans les dérivations V4 à V6, caractérisés par une morphologie horizontale ou légèrement ascendante. Ces anomalies de la repolarisation disparaissent généralement dans les minutes qui suivent l’arrêt de la tachycardie.
Les dépressions ischémiques du segment ST se caractérisent par un segment ST horizontal ou descendant, conformément aux recommandations des sociétés savantes nord-américaines et européennes. La dépression horizontale du segment ST constitue la présentation la plus typique de l’ischémie myocardique (figure 15C). Les dépressions du segment ST à morphologie ascendante sont rarement d’origine ischémique. Toutefois, une exception notable existe : dans certains cas, un segment ST ascendant peut être associé à une ischémie aiguë et représenter un signe de gravité. En particulier, des dépressions ascendantes du segment ST accompagnées d’ondes T proéminentes dans la majorité des dérivations précordiales peuvent traduire une occlusion aiguë de l’artère interventriculaire antérieure (LAD). Cette association — dépression ascendante du segment ST et ondes T proéminentes dans les dérivations précordiales, survenant lors d’un épisode de douleur thoracique — correspond au signe de Wellens de type B, également désigné sous le nom de signe de Winter (figure 15C).
Dépression secondaire du segment ST
Les sous-décalages secondaires du segment ST se rencontrent dans les situations suivantes :
- Hypertrophie ventriculaire gauche
- Hypertrophie ventriculaire droite
- Bloc de branche gauche
- Bloc de branche droit
- Pré-excitation
- Stimulation du stimulateur cardiaque dans le ventricule (droit)
Il s’agit d’affections fréquentes dans lesquelles une dépolarisation ventriculaire anormale, se traduisant par une modification morphologique du complexe QRS, induit des anomalies secondaires de la repolarisation, telles que des altérations du segment ST et de l’onde T. Par exemple, dans le bloc de branche gauche, l’activation du ventricule gauche ne se fait pas via le réseau de Purkinje, mais par la propagation de l’onde de dépolarisation en provenance du ventricule droit. Cette activation ventriculaire aberrante entraîne une repolarisation également anormale. Comme l’illustre la figure 35 (panneau D), ces situations se caractérisent par une orientation opposée des vecteurs du complexe QRS et du segment ST-T (discordance). Ainsi, dans les dérivations ECG présentant des complexes QRS nettement positifs, on observe typiquement une dépression du segment ST, souvent associée à des anomalies morphologiques de l’onde T.
Les modifications électrocardiographiques associées à l’ischémie myocardique sont présentées en détail dans la section 3 (« Ischémie myocardique aiguë et chronique, et infarctus »), tandis qu’un chapitre distinct est consacré à l’analyse spécifique de la dépression du segment ST.
Le sus-décalage du segment ST
Le sus-décalage du segment ST se mesure au niveau du point J. En présence de douleurs thoraciques ou d’autres symptômes évocateurs d’ischémie myocardique, il constitue un signe d’alerte majeur, traduisant une ischémie myocardique étendue et un risque accru d’arythmies ventriculaires malignes. Toutefois, de nombreuses autres étiologies peuvent également être à l’origine d’un sus-décalage du segment ST, et il est essentiel de savoir les différencier. La figure 16 illustre les caractéristiques distinctives des sus-décalages ischémiques et non ischémiques du segment ST, et mérite une analyse approfondie.

L’ischémie myocardique se manifeste le plus souvent par un sus-décalage du segment ST, dont la morphologie est rectiligne ou convexe (figure 16, panneau A). Un segment ST rectiligne peut présenter une pente ascendante, horizontale ou, plus rarement, descendante. En revanche, les élévations du segment ST d’origine non ischémique présentent typiquement une morphologie concave (figure 16, panneau B). Ces élévations concaves du segment ST sont très fréquentes dans la population générale ; par exemple, un sus-décalage du segment ST dans les dérivations V2-V3 est observé chez environ 70 % des hommes de moins de 70 ans. Aucun critère morphologique ne permet, à lui seul, d’exclure une ischémie myocardique sur la seule base de l’aspect du segment ST. Ainsi, les recommandations nord-américaines et européennes soulignent que la morphologie du segment ST ne doit pas être utilisée isolément pour écarter le diagnostic d’ischémie. Les modifications électrocardiographiques associées à l’ischémie sont détaillées dans la section 3.
L’onde T
L’évaluation de l’onde T constitue un élément à la fois complexe et fondamental de l’interprétation électrocardiographique. Chez l’adulte, l’onde T normale est généralement positive dans la majorité des dérivations précordiales et des dérivations des membres, avec une amplitude maximale le plus souvent observée en V2 et V3. Cette amplitude tend à diminuer avec l’avancée en âge. Comme indiqué précédemment, la transition entre le segment ST et l’onde T doit être progressive et harmonieuse. L’onde T présente habituellement une légère asymétrie, sa phase descendante (seconde moitié) étant plus abrupte que sa phase ascendante (première moitié). Chez la femme, l’onde T est souvent plus symétrique, la transition ST–T plus nette et l’amplitude globalement plus faible.
L’onde T doit être concordante avec le complexe QRS, c’est-à-dire qu’un complexe QRS nettement positif doit être suivi d’une onde T positive, et qu’un complexe QRS nettement négatif doit être suivi d’une onde T négative (figure 17). En cas de discordance, définie par des polarités opposées du QRS et de l’onde T, il convient de suspecter une anomalie pathologique. Une onde T négative est également qualifiée d’onde T inversée.

Les anomalies de l’onde T, en particulier son inversion, sont fréquemment sujettes à des interprétations erronées. La discussion qui suit a pour objectif de clarifier certains des malentendus les plus fréquents. L’ensemble des morphologies de l’onde T est illustré à la figure 18.

Ondes T positives
Les ondes T positives dépassent rarement 6 mm dans les dérivations des membres, avec une amplitude généralement plus marquée en dérivation II. Dans les dérivations précordiales, l’amplitude maximale est habituellement observée en V2-V3, pouvant atteindre jusqu’à 10 mm chez l’homme et 8 mm chez la femme. En moyenne, elle est d’environ 6 mm chez l’homme et 3 mm chez la femme. Des amplitudes supérieures à 10 mm chez l’homme et à 8 mm chez la femme doivent être considérées comme pathologiques. L’hyperkaliémie représente une cause fréquente d’ondes T anormalement amples, caractérisées par une morphologie haute, pointue et légèrement asymétrique. Il est essentiel de les différencier des ondes T hyperaiguës observées au tout début d’un épisode d’ischémie myocardique aiguë. Ces dernières sont larges, hautes et symétriques, et leur apparition est transitoire : elles disparaissent généralement en quelques minutes après une occlusion coronaire totale, moment où l’élévation du segment ST devient manifeste.
Inversion de l’onde T (ondes T inversées/négatives)
L’inversion de l’onde T correspond à une déflexion négative de cette onde sur l’électrocardiogramme, caractérisée par une portion terminale située sous la ligne isoélectrique, quelle que soit la morphologie initiale de l’onde. Ce signe électrocardiographique est fréquemment sujet à des erreurs d’interprétation, notamment dans le contexte d’un syndrome coronarien aigu ou d’une ischémie myocardique.
Inversion normale de l’onde T
Une inversion isolée de l’onde T en dérivation V1 est fréquente et généralement considérée comme une variante normale, le plus souvent concordante avec le complexe QRS, lui-même habituellement négatif dans cette dérivation. Des inversions isolées de l’onde T peuvent également être observées en V2, en DIII ou en aVL. Dans tous les cas, il est essentiel de confirmer le caractère strictement isolé de l’anomalie, car la présence d’une inversion de l’onde T dans deux dérivations anatomiquement contiguës doit être interprétée comme un signe pathologique.
Inversion de l’onde T en cas d’ischémie myocardique
L’ischémie myocardique ne provoque jamais une inversion isolée de l’onde T. Il est fréquent, mais erroné, de considérer qu’une inversion de l’onde T, en l’absence de toute déviation concomitante du segment ST, témoigne d’une ischémie myocardique aiguë en cours. En réalité, une inversion isolée de l’onde T ne possède pas de valeur diagnostique pour l’ischémie. En revanche, lorsque cette inversion s’accompagne d’une déviation du segment ST — qu’il s’agisse d’une élévation ou d’une dépression —, le tableau devient compatible avec une ischémie, la déviation du segment ST constituant alors le marqueur principal de l’ischémie active. Il est donc légitime de s’interroger sur la pertinence de l’inclusion des inversions de l’onde T parmi les critères diagnostiques de l’infarctus du myocarde. Cette inclusion se justifie par le fait que des inversions de l’onde T peuvent apparaître après un épisode ischémique ; elles sont alors qualifiées d’ondes T post‑ischémiques. Ces dernières sont typiquement observées après une ischémie transitoire, un infarctus du myocarde ou une reperfusion coronarienne réussie, notamment à la suite d’une intervention coronarienne percutanée (ICP).
L’inversion post-ischémique de l’onde T résulte d’une altération de la repolarisation ventriculaire. Ces inversions, généralement symétriques, présentent une amplitude variable, pouvant être très marquées (≥ 10 mm) ou discrètes (< 1 mm). Dans ce contexte, des ondes U négatives peuvent également être observées. Après un infarctus du myocarde, l’inversion de l’onde T peut persister de manière chronique. La normalisation de l’onde T après un infarctus constitue un indicateur pronostique favorable (voir figure 37).
Inversion secondaire de l’onde T
Les inversions secondaires de l’onde T – analogues aux sous-décalages secondaires du segment ST – sont observées en présence d’un bloc de branche, d’un syndrome de préexcitation, d’une hypertrophie ventriculaire ou d’une stimulation ventriculaire par pacemaker. Ces inversions, consécutives à des anomalies de la dépolarisation ventriculaire, sont généralement symétriques et associées à un sous-décalage du segment ST. Il convient de noter que l’inversion de l’onde T peut persister après la normalisation de la dépolarisation, phénomène désigné sous le terme de « mémoire de l’onde T » ou « mémoire cardiaque ». Des exemples d’inversions secondaires de l’onde T sont illustrés aux figures 19 et 18D.

Ondes T plates
Les ondes T de très faible amplitude sont fréquemment observées en phase post-ischémique. Elles se manifestent le plus souvent dans les dérivations précordiales droites V1 à V3 lorsque la sténose ou l’occlusion intéresse l’artère interventriculaire antérieure gauche. En revanche, lorsque la lésion concerne l’artère circonflexe gauche ou l’artère coronaire droite, un aplatissement des ondes T est typiquement observé dans les dérivations II, III et aVF.
Ondes T biphasiques (diphasiques)
Une onde T biphasique se caractérise par une déflexion initiale positive suivie d’une déflexion négative (figure 37, panneau C). Il convient de noter que le terme « biphasique » est d’un intérêt diagnostique limité, car (1) les ondes T biphasiques ne possèdent pas de signification diagnostique spécifique et (2) la classification d’une onde T comme positive ou inversée repose sur la polarité de sa portion terminale : si celle-ci est positive, l’onde T est considérée comme positive, et inversement. Par conséquent, une onde T biphasique doit être classée selon la polarité de sa partie terminale.
Les ondes T chez les enfants et les adolescents
Chez l’enfant et l’adolescent, le vecteur de l’onde T est généralement orienté vers la gauche, le bas et l’arrière, ce qui explique la fréquence des inversions de l’onde T observées dans les dérivations précordiales. Ces inversions peuvent concerner l’ensemble des dérivations thoraciques, mais tendent à se normaliser progressivement au cours de la puberté. Chez certains sujets, la persistance d’une inversion de l’onde T dans les dérivations V1 à V4 correspond au profil dit d’onde T juvénile persistante. Lorsque l’inversion de l’onde T persiste dans toutes les dérivations précordiales à l’âge adulte, on parle d’inversion globale idiopathique de l’onde T.
Progression des ondes T
L’évolution de l’onde T suit les mêmes principes électrophysiologiques que ceux décrits pour l’onde R (voir section précédente).
Liste de contrôle de l’onde T
- I, II, -aVR, V5 et V6 : doivent présenter des ondes T positives chez les adultes. aVR présente une onde T négative.
- III et aVL : ces dérivations présentent parfois une inversion de l’onde T isolée (unique).
- aVF : onde T positive, mais parfois plate.
- V1 : Une onde T inversée ou plate est assez fréquente, en particulier chez les femmes. L’inversion est concordante avec le complexe QRS.
- V7-V9 : doivent présenter une onde T positive.
Onde U
L’onde U, parfois observée après l’onde T sur l’électrocardiogramme, demeure d’étiologie incertaine. Elle est le plus souvent visible, avec une amplitude plus marquée, dans les dérivations précordiales V2 et V3. Sa présence est généralement plus prononcée chez les sujets jeunes, les athlètes, ainsi qu’en situation de bradycardie. L’amplitude de l’onde U correspond habituellement à environ un tiers de celle de l’onde T. Sur le plan morphologique, sa phase initiale présente une pente ascendante plus abrupte que la phase descendante.
L’inversion de l’onde U est un phénomène rare qui, lorsqu’il est observé, constitue un marqueur électrocardiographique pertinent, notamment évocateur d’une cardiopathie ischémique ou d’une hypertension artérielle.
Durée du QT et durée du QT corrigé (QTc)
L’interprétation de l’électrocardiogramme (ECG) comprend systématiquement l’évaluation de l’intervalle QT corrigé (QTc). L’intervalle QT correspond à la durée totale de la dépolarisation et de la repolarisation ventriculaires, mesurée du début du complexe QRS jusqu’à la fin de l’onde T. Un allongement du QT est associé à un risque accru d’arythmies ventriculaires potentiellement létales, ce qui justifie son analyse systématique. Cet allongement peut être d’origine congénitale (mutations génétiques, syndrome du QT long) ou acquise (prise de certains médicaments, désordres électrolytiques). L’intervalle QT est inversement corrélé à la fréquence cardiaque : il s’allonge lorsque la fréquence diminue et se raccourcit lorsqu’elle augmente. Il est donc nécessaire de corriger la valeur mesurée en fonction de la fréquence cardiaque, ce qui définit le QT corrigé (QTc). La formule de Bazett, classiquement utilisée pour ce calcul, s’exprime ainsi (toutes les valeurs étant exprimées en secondes) :

Valeurs normales pour l’intervalle QTc
- Hommes : <0,450 secondes
- Femmes : <0,460 secondes
Cependant, la formule de Bazett, développée il y a plusieurs décennies, a été critiquée pour son manque de précision aux fréquences cardiaques extrêmes, qu’elles soient très basses ou très élevées. Les formules plus récentes, intégrées aux électrocardiographes modernes, sont à privilégier. Dans ces dispositifs, la durée du QT corrigé (QTc) est calculée automatiquement à partir de la dérivation présentant l’intervalle le plus long, le plus souvent V2 ou V3.
Causes de l’allongement de l’intervalle QT corrigé (QTc) : médicaments antiarythmiques de classe Ia et III (procaïnamide, disopyramide, amiodarone, sotalol) ; psychotropes (antidépresseurs tricycliques, inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, lithium, etc.) ; antibiotiques et antiparasitaires (macrolides, fluoroquinolones, atovaquone, chloroquine) ; antiviraux (amantadine, foscarnet, atazanavir) ; troubles électrolytiques (hypokaliémie, hypocalcémie, hypomagnésémie) ; affections neurologiques aiguës (notamment accident vasculaire cérébral hémorragique) ; ischémie myocardique ; cardiomyopathies ; bradycardie ; hypothyroïdie ; hypothermie.
Le syndrome du QTc court (QTc < 0,39 s) constitue une entité rare, observée notamment en cas d’hypercalcémie ou au cours d’un traitement par digoxine. Bien que peu fréquent, il peut être associé à un risque accru d’arythmies ventriculaires potentiellement létales.
Dispersion de l’intervalle QT
L’intervalle QT peut varier légèrement selon les différentes dérivations de l’électrocardiogramme. L’écart entre l’intervalle QT le plus court et le plus long est appelé « dispersion du QT ». Une augmentation de cette dispersion est corrélée à une morbidité et une mortalité accrues, probablement en raison d’une incidence plus élevée d’arythmies ventriculaires malignes. Ce risque accru semble résulter d’une vulnérabilité myocardique liée à des hétérogénéités marquées de la repolarisation ventriculaire.
L’axe électrique du cœur (axe cardiaque)
Bien que souvent sous-estimée, l’évaluation de l’axe électrique constitue un élément fondamental de l’interprétation de l’électrocardiogramme (ECG). L’axe électrique correspond à la direction moyenne de la dépolarisation ventriculaire durant la systole. Cette direction, et donc l’axe électrique, est généralement orientée le long de l’axe longitudinal du cœur, vers la gauche et vers le bas. La figure 38 illustre le système de coordonnées, où la zone verte délimite l’intervalle correspondant à un axe cardiaque normal.

Comme l’illustre la figure, l’axe électrique cardiaque normal se situe entre –30° et +90°. Une valeur supérieure à +90° définit une déviation axiale droite, tandis qu’une valeur inférieure à –30° correspond à une déviation axiale gauche. L’axe est généralement calculé, au degré près, par l’appareil d’électrocardiographie, mais peut également être estimé manuellement en analysant l’orientation globale du complexe QRS dans les dérivations I et II. Les principes suivants s’appliquent :
- Axe normal : complexe QRS positif net dans les dérivations I et II.
- Déviation de l’axe droit : complexe QRS négatif net dans la dérivation I mais positif dans la dérivation II.
- Déviation de l’axe gauche : complexe QRS positif net dans la dérivation I mais négatif dans la dérivation II.
- Déviation extrême de l’axe (-90° à 180°) : complexe QRS négatif net dans les dérivations I et II.
Déviation de l’axe : déviation de l’axe droit (RAD) et déviation de l’axe gauche (LAD)
Causes de la déviation de l’axe droit
Causes possibles d’une déviation axiale droite : situation physiologique chez le nouveau-né ; hypertrophie ventriculaire droite ; cœur pulmonaire aigu (par exemple en cas d’embolie pulmonaire) ; cœur pulmonaire chronique (notamment lié à une BPCO, une hypertension pulmonaire ou une sténose valvulaire pulmonaire) ; infarctus du ventricule latéral ; pré-excitation ; inversion des électrodes des membres supérieurs (ondes P, QRS et T négatives en dérivation I) ; situs inversus. Un bloc fasciculaire postérieur gauche est diagnostiqué lorsque l’axe électrique frontal est compris entre +90° et +180°, avec un complexe rS en dérivations I et aVL, un complexe qR en dérivations III et aVF, une durée du QRS < 0,12 s, et après exclusion des autres causes de déviation axiale droite.
Causes de déviation de l’axe gauche
Bloc de branche gauche. Hypertrophie ventriculaire gauche. Infarctus inférieur. Pré-excitation. Le bloc fasciculaire antérieur gauche est diagnostiqué lorsque l’axe électrique frontal est compris entre –45° et –90°, avec un complexe QR en dérivation aVL et une durée du QRS inférieure à 0,12 s, après exclusion des autres causes de déviation axiale gauche.
Causes de déviation extrême de l’axe
Ces anomalies, rares, sont très probablement imputables à un positionnement incorrect des électrodes périphériques. En présence d’un rythme tachycarde avec des complexes QRS larges, la tachycardie ventriculaire demeure l’hypothèse diagnostique la plus probable.