Tachycardie ventriculaire (TV) : critères électrocardiographiques, étiologies, classification et prise en charge
Tachycardie ventriculaire (TV) : classification, étiologies, caractéristiques électrocardiographiques et prise en charge
- Causes de la tachycardie ventriculaire
- Tachycardie ventriculaire au cours des syndromes coronariens aigus (infarctus du myocarde)
- Critères électrocardiographiques de la tachycardie ventriculaire
- Types de tachycardies ventriculaires
- Tachycardie ventriculaire associée à une cardiopathie ischémique
- Localisation des foyers ventriculaires ectopiques responsables de la tachycardie ventriculaire
- Différencier une tachycardie ventriculaire d’une tachycardie supraventriculaire à complexes QRS larges
- Cas 1 : Arythmies ventriculaires au cours d’un arrêt cardiaque soudain
- Prise en charge de la tachycardie ventriculaire
- Traitement des effets proarythmiques : arythmies causées par des agents antiarythmiques
- Manuel des médicaments
- Médicaments antiarythmiques de classe III
- Bêta-bloquants
- Agents de la classe IC
- Agents de la classe IC
- Agents de classe IV (inhibiteurs calciques)
- Agents de la classe IA
- Autres agents
- Références
Ce chapitre aborde la tachycardie ventriculaire sous un angle clinique, en mettant l’accent sur le diagnostic électrocardiographique, les définitions, la prise en charge et les caractéristiques cliniques. La tachycardie ventriculaire est une arythmie complexe, prenant naissance au sein du myocarde ventriculaire. Un large éventail de pathologies peut en être à l’origine, et l’ECG reflète cette diversité étiologique par des présentations variées. Quelle que soit la cause ou l’aspect électrocardiographique, la tachycardie ventriculaire demeure une arythmie potentiellement létale nécessitant une prise en charge urgente. La fréquence ventriculaire est généralement très élevée (100 à 250 battements par minute) et le débit cardiaque est presque toujours diminué. Cette arythmie impose au myocarde ventriculaire un stress hémodynamique considérable, alors même que la pathologie sous-jacente altère déjà la fonction cellulaire. Cette situation favorise une instabilité électrique pouvant évoluer vers une fibrillation ventriculaire. En l’absence de traitement, la fibrillation ventriculaire conduit rapidement à l’asystolie et à l’arrêt cardiaque. Il est donc impératif que tous les professionnels de santé, quelle que soit leur spécialité, soient capables de reconnaître une tachycardie ventriculaire.
Causes de la tachycardie ventriculaire
Les patients présentant une tachycardie ventriculaire présentent presque toujours une cardiopathie sous-jacente significative. Les étiologies les plus fréquentes incluent la maladie coronarienne (syndromes coronariens aigus ou cardiopathie ischémique chronique), l’insuffisance cardiaque, les cardiomyopathies — notamment la cardiomyopathie dilatée et la cardiomyopathie hypertrophique obstructive — ainsi que les valvulopathies. Parmi les causes moins fréquentes figurent la cardiomyopathie ou dysplasie ventriculaire droite arythmogène (ARVC/ARVD), le syndrome de Brugada, le syndrome du QT long, la sarcoïdose cardiaque, l’angor de Prinzmetal (vasospasme coronarien), les troubles électrolytiques, certaines cardiopathies congénitales et la tachycardie ventriculaire induite par les catécholamines.
La majorité des patients présentant une tachycardie ventriculaire présentent une cardiopathie ischémique, une insuffisance cardiaque, une cardiomyopathie ou une valvulopathie. Dans ces populations, la fonction ventriculaire gauche constitue l’un des principaux facteurs prédictifs de mort subite d’origine cardiaque. Les patients dont la fonction ventriculaire gauche est altérée — définie, par exemple, par une fraction d’éjection inférieure à 40 % — présentent un risque élevé d’arrêt cardiaque soudain.
Tachycardie ventriculaire idiopathique (TVI)
La tachycardie ventriculaire est qualifiée d’idiopathique lorsqu’aucune étiologie identifiable n’est mise en évidence. Ce type de tachycardie ventriculaire présente généralement un pronostic plus favorable que les formes secondaires à une cardiopathie structurelle ou ischémique.
Mécanismes de la tachycardie ventriculaire
La tachycardie ventriculaire (TV) peut résulter d’une automaticité accrue ou anormale, d’un mécanisme de réentrée ou d’une activité déclenchée. L’ensemble des types cellulaires myocardiques peut être impliqué dans l’initiation et le maintien de cette arythmie. Comme mentionné précédemment, la TV induit un compromis hémodynamique : la fréquence ventriculaire élevée, souvent associée à une fonction ventriculaire déjà altérée, limite le remplissage diastolique, ce qui réduit le volume d’éjection systolique et, par conséquent, le débit cardiaque.
La plupart des patients présentent une présyncope ou une syncope lorsque l’arythmie est soutenue. Dans ses formes fulminantes, la tachycardie ventriculaire (TV) peut évoluer vers une fibrillation ventriculaire, laquelle progresse ensuite vers l’asystolie et l’arrêt cardiaque. Il convient de souligner que cette progression peut être interrompue, soit spontanément, soit grâce à une intervention thérapeutique appropriée. Le traitement de la TV constitue l’un des progrès majeurs de la cardiologie moderne. Jusqu’en 1961, les patients présentant un infarctus aigu du myocarde (IAM) étaient installés dans des chambres éloignées des postes de soins afin de préserver leur repos, car l’on pensait que la présence du personnel médical et infirmier pouvait induire un stress délétère. À cette époque, environ 30 % des patients hospitalisés décédaient, les tachyarythmies ventriculaires létales étant vraisemblablement la cause principale. Des travaux expérimentaux réalisés chez l’animal à la fin des années 1950 et au début des années 1960 ont démontré qu’un choc électrique pouvait interrompre une TV. Ces découvertes ont conduit à la création des unités de soins coronariens, où les patients atteints d’IAM bénéficiaient d’une surveillance électrocardiographique continue et d’une prise en charge immédiate des tachyarythmies ventriculaires par réanimation et défibrillation.
Tachycardie ventriculaire au cours des syndromes coronariens aigus (infarctus du myocarde)
Les syndromes coronariens aigus se divisent en trois entités : l’angor instable (UA), l’infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST (STEMI) et l’infarctus du myocarde sans sus-décalage du segment ST (NSTEMI). Le risque de tachycardie ventriculaire (TV) est particulièrement élevé dans ces situations, atteignant son maximum durant la phase hyperaiguë, c’est-à-dire dans les premières minutes ou heures suivant l’apparition des symptômes. La majorité des décès survenant au cours de la phase aiguë d’un infarctus du myocarde sont imputables à des tachyarythmies ventriculaires, tandis que la mortalité liée à une défaillance hémodynamique par choc cardiogénique est moins fréquente. En raison de ce risque maximal précoce, la plupart des décès se produisent en dehors du milieu hospitalier. Par la suite, le risque de TV — et donc de fibrillation ventriculaire — décroît progressivement avec le temps. Outre la dimension temporelle, l’étendue de l’ischémie ou de la nécrose myocardique constitue le principal déterminant du risque arythmique : plus la zone myocardique atteinte est vaste, plus la probabilité de survenue d’une arythmie ventriculaire est élevée.
Critères électrocardiographiques de la tachycardie ventriculaire
Caractéristiques électrocardiographiques de la tachycardie ventriculaire
- Une tachycardie ventriculaire est définie par la survenue d’au moins trois battements ventriculaires consécutifs, avec une fréquence comprise entre 100 et 250 battements par minute (généralement supérieure à 120 bpm). Lorsque la fréquence se situe entre 100 et 120 bpm, on parle de tachycardie ventriculaire lente. Au-delà de 250 bpm, on utilise le terme de flutter ventriculaire.
- Complexes QRS larges (durée ≥ 0,12 s).
Types de tachycardies ventriculaires
L’électrocardiogramme (ECG) permet de distinguer et de sous-classer différents types de tachycardies ventriculaires. La discussion qui suit, bien que d’un niveau avancé, ne vise pas à exiger de tous les cliniciens la capacité de classifier précisément ces arythmies ; la compétence essentielle demeure leur reconnaissance. L’objectif est donc de présenter, à titre de référence, plusieurs formes de tachycardies ventriculaires afin d’en faciliter l’identification et la compréhension.
Tachycardie ventriculaire, soutenue ou non soutenue
La tachycardie ventriculaire d’une durée inférieure à 30 secondes est définie comme une tachycardie ventriculaire non soutenue, tandis qu’une durée supérieure ou égale à 30 secondes correspond à une tachycardie ventriculaire soutenue.
Tachycardie ventriculaire monomorphe.
Dans la tachycardie ventriculaire monomorphe, l’ensemble des complexes QRS présente une morphologie identique, à l’exception de variations mineures tolérées. Cette uniformité traduit l’origine des impulsions à partir d’un même foyer ectopique. En présence d’une cardiopathie structurelle (maladie coronarienne, insuffisance cardiaque, cardiomyopathie, valvulopathie, etc.), la tachycardie ventriculaire monomorphe est le plus souvent liée à un mécanisme de réentrée. Voir figure 1.

Les fibres de Purkinje du septum interventriculaire jouent un rôle majeur dans la genèse de certaines tachycardies ventriculaires chez les patients présentant une cardiopathie ischémique, notamment en contexte de maladie coronarienne. Elles sont particulièrement arythmogènes lors d’un épisode d’ischémie myocardique aiguë ou de ré‑ischémie. Comme toute activation issue du septum interventriculaire se propage rapidement au réseau de Purkinje, les complexes QRS observés sont généralement plus courts que ceux des tachycardies ventriculaires originant des parois libres des ventricules. Dans ce contexte septal, la durée du QRS se situe habituellement entre 120 et 145 ms.
La tachycardie ventriculaire fasciculaire est une forme idiopathique de tachycardie ventriculaire, résultant d’un mécanisme de réentrée localisé au sein des fascicules de la branche gauche du faisceau de His, c’est-à-dire dans les fibres de Purkinje. Elle survient le plus souvent chez des patients de moins de 50 ans, avec une prédominance masculine. À l’ECG, les complexes QRS présentent une morphologie évoquant un bloc de branche droit, associée à une déviation axiale gauche.
La tachycardie ventriculaire de la voie de sortie du ventricule droit (TV-VSVD) est une tachycardie ventriculaire monomorphe prenant naissance au niveau de la voie de sortie du ventricule droit. Cette arythmie est le plus souvent idiopathique, bien que certains patients puissent présenter une cardiomyopathie arythmogène du ventricule droit (CAVD). Du fait de son origine ventriculaire droite, le morphotype des complexes QRS évoque un bloc de branche gauche, avec un axe électrique généralement orienté autour de +90°. Voir figure 2.

Tachycardie ventriculaire polymorphe
Une tachycardie ventriculaire caractérisée par une morphologie des QRS variable ou par des variations de l’axe électrique est classée comme polymorphe. Le rythme peut être irrégulier. La tachycardie ventriculaire polymorphe est généralement très rapide (100 à 320 battements par minute) et souvent hémodynamiquement instable. On distingue plusieurs formes de tachycardie ventriculaire polymorphe. L’étiologie la plus fréquente est l’ischémie myocardique aiguë, suivie par l’allongement de l’intervalle QT corrigé (syndrome du QT long).
La tachycardie ventriculaire polymorphe catécholaminergique familiale (TVPC) est une forme héréditaire de tachycardie ventriculaire déclenchée par un stress émotionnel ou un effort physique, pouvant évoluer vers un collapsus hémodynamique et un arrêt cardiaque. Cette arythmie peut se manifester sous forme bidirectionnelle (voir ci-dessous). Le diagnostic repose principalement sur l’épreuve d’effort, l’activation du système nerveux sympathique induisant la survenue des troubles du rythme.
Le syndrome de Brugada peut induire une tachycardie ventriculaire polymorphe, survenant le plus souvent durant le sommeil ou en contexte fébrile.
La repolarisation précoce et la cardiomyopathie hypertrophique obstructive peuvent également être à l’origine de tachycardies ventriculaires polymorphes.
La tachycardie ventriculaire bidirectionnelle se caractérise par une alternance, d’un battement à l’autre, de la morphologie des complexes QRS, le plus souvent entre deux configurations distinctes. Elle est classiquement observée dans la tachycardie ventriculaire polymorphe catécholergique familiale (TVPC), lors d’un surdosage en digoxine ou dans le cadre d’un syndrome du QT long. Voir figure 3.

Tachycardie ventriculaire associée à une cardiopathie ischémique
La cardiopathie ischémique (ou maladie coronarienne) constitue de loin la cause la plus fréquente de tachycardie ventriculaire, dont le mécanisme est le plus souvent lié à un phénomène de réentrée. Comme indiqué précédemment dans ce chapitre, la réentrée survient lorsqu’un bloc de conduction central empêche la propagation initiale de l’onde de dépolarisation, tandis que les cellules myocardiques périphériques présentent des vitesses de conduction hétérogènes. Dans le contexte de la cardiopathie ischémique, ce bloc central correspond généralement à une zone de myocarde ischémique ou nécrotique, incapable de conduire l’influx électrique, alors que les tissus adjacents présentent une conduction altérée en raison de l’ischémie. La tachycardie ventriculaire d’origine ischémique comporte un risque élevé de dégénérescence en fibrillation ventriculaire, pouvant conduire à un arrêt cardiaque.
Par conséquent, dans le contexte d’une cardiopathie ischémique, la tachycardie ventriculaire est le plus souvent monomorphe. Elle peut toutefois être polymorphe en présence de foyers ectopiques multiples ou lorsque la conduction de l’impulsion issue d’un foyer unique présente des variations de trajectoire.
Localisation des foyers ventriculaires ectopiques responsables de la tachycardie ventriculaire
L’électrocardiogramme (ECG) fournit des informations essentielles permettant de localiser le foyer ectopique à l’origine d’une tachycardie. À cette fin, les tachycardies ventriculaires sont classées en deux types morphologiques : « aspect de bloc de branche gauche » et « aspect de bloc de branche droite ». Les tachycardies ventriculaires présentant une morphologie évoquant un bloc de branche gauche (onde S dominante en dérivation V1) proviennent généralement du ventricule droit. Inversement, celles dont la morphologie rappelle un bloc de branche droite (onde R dominante en V1) prennent le plus souvent naissance dans le ventricule gauche. Cette distinction morphologique peut contribuer à orienter l’identification de la cause de la tachycardie ventriculaire. Les figures 4 et 5 ci-dessous en illustrent des exemples.


Différencier une tachycardie ventriculaire d’une tachycardie supraventriculaire à complexes QRS larges
Parfois, les tachycardies supraventriculaires — habituellement caractérisées par des complexes QRS fins (durée < 0,12 seconde) — peuvent se manifester avec des complexes QRS larges. Cette présentation peut résulter d’un bloc de branche concomitant, d’une conduction aberrante, d’une hyperkaliémie, d’un syndrome de pré-excitation ou d’un effet indésirable médicamenteux (notamment lié aux antidépresseurs tricycliques ou aux antiarythmiques de classe I). Il est essentiel de distinguer une tachycardie supraventriculaire à QRS large d’une tachycardie ventriculaire, car cette dernière est potentiellement létale, alors que les arythmies supraventriculaires le sont rarement. Ainsi, la présence de complexes QRS larges ne permet pas, à elle seule, de conclure à une origine ventriculaire du rythme.
Heureusement, plusieurs critères permettent de différencier les tachycardies ventriculaires des tachycardies supraventriculaires (TSV). Ces critères peuvent être utilisés isolément ou intégrés dans des algorithmes simples d’application, afin de déterminer si une tachycardie à complexes QRS larges (souvent désignée sous le terme de tachycardie à complexe large) correspond à une tachycardie ventriculaire ou à une TSV. Avant d’aborder en détail ces critères et l’algorithme correspondant, il convient de rappeler qu’environ 90 % des tachycardies à complexe large sont d’origine ventriculaire. Chez un patient présentant l’un des facteurs de risque précédemment mentionnés pour la tachycardie ventriculaire, il est donc prudent de privilégier ce diagnostic.
Les caractéristiques électrocardiographiques de la tachycardie ventriculaire sont à présent examinées.
Dissociation auriculo-ventriculaire (AV)
La dissociation auriculo‑ventriculaire correspond à une activité électrique indépendante des oreillettes et des ventricules. Sur l’ECG, elle se traduit par la présence d’ondes P sans relation fixe avec les complexes QRS : les intervalles P‑P diffèrent des intervalles R‑R, l’intervalle PR varie, et aucune corrélation constante n’existe entre les ondes P et les QRS. Il convient de noter qu’il est souvent difficile d’identifier clairement les ondes P lors d’une tachycardie ventriculaire (TV) ; dans ce contexte, l’ECG œsophagien peut s’avérer particulièrement utile. Lorsque la dissociation auriculo‑ventriculaire est confirmée, la probabilité que l’arythmie soit une TV est très élevée. Toutefois, il peut arriver que les impulsions ventriculaires soient conduites rétrogradement via le faisceau de His et le nœud auriculo‑ventriculaire, entraînant une dépolarisation auriculaire synchrone avec l’activité ventriculaire ; la TV peut alors présenter des ondes P synchronisées. L’ECG ci‑après illustre une TV avec dissociation auriculo‑ventriculaire, les flèches indiquant les ondes P.

Déclenchement des tachyarythmies
Lorsqu’il est possible d’enregistrer le début de la tachycardie, l’analyse des premiers complexes QRS est particulièrement informative. Une irrégularité des intervalles R‑R au déclenchement de l’épisode évoque une tachycardie ventriculaire. Ce phénomène, désigné sous le terme de « phénomène d’échauffement », est typique des tachycardies ventriculaires. Les tachycardies supraventriculaires, à l’exception des tachycardies auriculaires, ne présentent généralement pas ce phénomène.
Initiation par des extrasystoles auriculaires.
Les tachycardies ventriculaires ne sont généralement pas déclenchées par des extrasystoles auriculaires, contrairement aux tachycardies supraventriculaires qui le sont fréquemment. Lorsqu’il est possible d’enregistrer le début de la tachycardie, il convient de vérifier si celui-ci a été précédé d’une extrasystole auriculaire.
Battements de fusion et battements de capture
Lorsqu’une impulsion ventriculaire est émise simultanément à l’arrivée de l’impulsion auriculaire dans le système de His-Purkinje, la dépolarisation ventriculaire résulte de la contribution des deux voies. Le complexe QRS obtenu présente alors des caractéristiques intermédiaires entre un QRS normal et un QRS élargi. Ce phénomène, appelé battement de fusion, constitue un élément diagnostique important en faveur d’une tachycardie ventriculaire. La figure 6 en illustre un exemple.
Parfois, au cours d’une tachycardie ventriculaire, une impulsion auriculaire parvient à se propager jusqu’aux ventricules et à les dépolariser, produisant ainsi un complexe QRS d’aspect normal au sein de la séquence tachycardique. Ces battements, appelés battements de capture, constituent un élément diagnostique important en faveur d’une tachycardie ventriculaire.

Régularité du rythme
La tachycardie ventriculaire est le plus souvent régulière, bien qu’une légère variabilité des intervalles R‑R puisse être observée. Une telle variabilité discrète des intervalles R‑R constitue d’ailleurs un argument en faveur du diagnostic de tachycardie ventriculaire. En revanche, la tachycardie ventriculaire polymorphe présente fréquemment un rythme irrégulier. Certaines tachycardies supraventriculaires peuvent également être irrégulières, la fibrillation auriculaire étant la plus fréquente. Il convient de noter que, en présence d’une préexcitation, la fibrillation auriculaire peut se manifester par une tachycardie à complexes larges et irrégulière, avec une fréquence cardiaque dépassant généralement 190 battements par minute.
Bloc de branche préexistant.
Chez les patients présentant des anomalies de conduction préexistantes (bloc de branche droit ou gauche) ou d’autres causes de complexes QRS larges (préexcitation, prise de certains médicaments, hyperkaliémie), l’ECG enregistré pendant la tachyarythmie doit être comparé à celui obtenu en rythme sinusal (ou à tout ECG antérieur disponible). Si la morphologie du complexe QRS pendant la tachyarythmie est similaire à celle observée en rythme sinusal, une tachycardie supraventriculaire est probable. En revanche, si le patient a récemment présenté des complexes ventriculaires prématurés et que la morphologie du QRS pendant la tachyarythmie est identique à celle de ces extrasystoles ventriculaires, le diagnostic le plus probable est celui d’une tachycardie ventriculaire.
Axe électrique cardiaque
Un axe électrique compris entre –90° et –180° est fortement évocateur d’une tachycardie ventriculaire (même si une tachycardie antidromique par voie accessoire, telle qu’une TAVR, constitue un diagnostic différentiel possible). Une différence supérieure à 40° entre l’axe électrique en tachycardie et celui observé en rythme sinusal renforce également la suspicion de tachycardie ventriculaire. En présence d’un aspect de bloc de branche droit associé à un axe électrique inférieur à –30°, le diagnostic de tachycardie ventriculaire est probable. De même, un aspect de bloc de branche gauche avec un axe supérieur à +90° oriente vers une tachycardie ventriculaire. De façon générale, une déviation axiale gauche constitue un argument supplémentaire en faveur de ce diagnostic.
Durée du complexe QRS
Une durée du QRS supérieure à 0,14 s évoque une tachycardie ventriculaire, tandis qu’une durée excédant 0,16 s en constitue un argument fortement évocateur. Il convient de noter que certaines tachycardies ventriculaires d’origine septale interventriculaire peuvent présenter un complexe QRS relativement étroit (0,120 à 0,145 s). Par ailleurs, l’administration d’antiarythmiques de classe I, la prise d’antidépresseurs tricycliques ou la présence d’une hyperkaliémie peuvent également entraîner un élargissement marqué des complexes QRS.
Concordance des complexes QRS dans les dérivations précordiales V1 à V6
La concordance désigne une situation où tous les complexes QRS, de la dérivation V1 à la dérivation V6, présentent une déflexion orientée dans la même direction, qu’elle soit entièrement positive ou entièrement négative. La présence, dans l’une des dérivations, d’un complexe QRS biphasique (par exemple un complexe qR ou RS) exclut la notion de concordance. Une concordance négative, caractérisée par des complexes QRS uniformément négatifs, est fortement suggestive d’une tachycardie ventriculaire. Une concordance positive, avec des complexes QRS uniformément positifs, est le plus souvent liée à une tachycardie ventriculaire, mais peut également être observée dans le cadre d’une tachycardie antidromique par voie accessoire (TAVR). La figure suivante illustre ce concept. En résumé, la présence d’une concordance est un critère hautement évocateur de tachycardie ventriculaire.


Absence de complexe RS.
En l’absence de tout complexe RS (comportant à la fois une onde R et une onde S) dans l’ensemble des dérivations précordiales de V1 à V6, la probabilité d’une tachycardie ventriculaire est très élevée.
Adénosine
Il n’est pas recommandé d’administrer de l’adénosine en cas de suspicion de tachycardie ventriculaire, car celle-ci peut augmenter la fréquence cardiaque et aggraver l’arythmie. L’adénosine peut toutefois être envisagée lorsque l’on suspecte une tachycardie supraventriculaire à complexes QRS larges. L’absence de réponse au traitement, ou l’accélération de la tachycardie après administration, oriente fortement vers le diagnostic de tachycardie ventriculaire.
Outre ces caractéristiques, plusieurs algorithmes ont été développés par les chercheurs afin de distinguer les tachycardies ventriculaires des tachycardies supraventriculaires. Ces algorithmes sont brièvement présentés ci-dessous ; pour une description détaillée, se reporter à la section « Prise en charge et diagnostic des tachyarythmies ».
Algorithme diagnostique de Brugada
Il s’agit de l’algorithme le plus couramment utilisé. La présence d’au moins un des cinq critères suivants permet de poser le diagnostic de tachycardie ventriculaire.
Algorithme diagnostique de Brugada
- En l’absence de complexe RS dans l’une des dérivations précordiales (V1 à V6), le diagnostic de tachycardie ventriculaire peut être retenu ; dans le cas contraire, il convient de passer à l’évaluation des critères suivants.
- Évaluez l’intervalle RS, défini comme le temps séparant le début de l’onde R du nadir de l’onde S. Si l’un de ces intervalles est supérieur à 100 ms et que l’amplitude de l’onde R excède celle de l’onde S, le diagnostic de tachycardie ventriculaire peut être retenu. Dans le cas contraire, poursuivez l’évaluation selon les critères suivants.
- En présence d’une dissociation auriculo-ventriculaire, le diagnostic de tachycardie ventriculaire peut être retenu ; à défaut, il convient de poursuivre l’évaluation selon les critères suivants.
- Évaluer la morphologie du complexe QRS dans les dérivations V1, V2, V5 et V6 (voir ci-dessous). Si cette morphologie est compatible avec une tachycardie ventriculaire, le diagnostic retenu est celui de tachycardie ventriculaire.
- En l’absence de tout critère diagnostique spécifique, le diagnostic de tachycardie supraventriculaire peut être retenu.
Analyse morphologique du complexe QRS (critère n° 4 de l’algorithme de Brugada)
Si le complexe QRS enregistré en V1-V2 présente un aspect évoquant un bloc de branche droit (c.-à-d. un QRS prédominant positif),
- V1 :
- La présence d’un complexe R monophasique à l’ECG est évocatrice d’une tachycardie ventriculaire.
- La présence d’un complexe qR est évocatrice d’une tachycardie ventriculaire.
- Si l’amplitude de l’onde R dépasse celle de l’onde R’, la présence d’une tachycardie ventriculaire doit être envisagée.
- La présence de complexes triphasiques (rSr’, rsr’, rSR’, rsR’) évoque une tachycardie supraventriculaire (TSV).
- V6 :
- La présence d’un complexe rS, QS, R ou Rs à l’ECG est évocatrice d’une tachycardie ventriculaire (TV).
Si le complexe QRS enregistré en dérivations V1 et V2 présente une morphologie évoquant un bloc de branche gauche (c’est-à-dire un QRS prédominant négatif),
- V1 :
- Dans la tachycardie ventriculaire, la portion initiale du complexe QRS apparaît généralement lisse, avec un début abrupt du complexe.
- Une durée de l’onde R ≥ 40 ms est évocatrice d’une tachycardie ventriculaire.
- Un intervalle entre le début du complexe QRS et le nadir de l’onde S supérieur ou égal à 60 ms est évocateur d’une tachycardie ventriculaire.
- V6:
- La présence d’un complexe QR ou QS sur l’ECG est évocatrice d’une tachycardie ventriculaire.
- La présence d’un complexe R ou d’un intervalle RR sans onde Q initiale évoque une tachycardie ventriculaire soutenue (TVS).
Dans l’ensemble, les critères de Brugada présentent une sensibilité d’environ 90 % et une spécificité comprise entre 60 et 90 %, ce qui en fait un outil diagnostique performant pour la tachycardie ventriculaire.
Algorithme de Brugada pour la différenciation entre la tachycardie ventriculaire et la tachycardie antidromique par voie accessoire (TAVR)
L’algorithme présenté ci-dessus ne permet pas, dans de nombreux cas, de distinguer une tachycardie ventriculaire d’une EAVR (entrée atrioventriculaire réciproque) antidromique. Bien que l’ETRV (entrée ventriculo-atriale réciproque) antidromique soit une cause rare de tachycardie à QRS larges, il demeure essentiel de différencier ces deux entités. Plus l’âge du patient est avancé et plus la cardiopathie sous-jacente est sévère, plus la probabilité d’une tachycardie ventriculaire est élevée. L’équipe de Brugada a également développé un algorithme spécifique visant à distinguer l’EAVR antidromique de la tachycardie ventriculaire. Cet algorithme se présente comme suit :
Algorithme de Brugada pour différencier la tachycardie ventriculaire et l’EAVR antidromique
- Si le complexe QRS est nettement négatif en dérivations V4 à V6, la probabilité d’une tachycardie ventriculaire est accrue.
- Si le complexe QRS est positif en V4 à V6 et qu’au moins l’une des dérivations précordiales V2 à V6 présente un complexe qR, la probabilité d’une tachycardie ventriculaire est élevée.
- En présence d’une dissociation atrioventriculaire, la probabilité d’une tachycardie ventriculaire est élevée.
- En l’absence de signes évocateurs de tachycardie ventriculaire, la possibilité d’une tachycardie par réentrée ventriculo-auriculaire antidromique (ETRV antidromique) doit être envisagée avec attention.
Cas 1 : Arythmies ventriculaires au cours d’un arrêt cardiaque soudain
Enregistrement Holter d’un patient de 62 ans, porteur d’antécédents de coronaropathie : le tracé débute par un rythme sinusal, interrompu par un épisode de tachycardie ventriculaire polymorphe évoluant vers une fibrillation ventriculaire grossière, puis vers une fibrillation ventriculaire fine.






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ECG 7. Asystolie après le choc.


Prise en charge de la tachycardie ventriculaire
Principes généraux
- Le risque de dégénérescence en fibrillation ventriculaire (FV) est nettement plus élevé dans les tachycardies polymorphes que dans les tachycardies monomorphes. L’ischémie myocardique permanente est la cause la plus fréquente de la TV polymorphe.
- Il faut toujours rechercher et corriger les causes réversibles des arythmies ventriculaires. Celles-ci doivent être traitées simultanément avec l’administration d’agents antiarythmiques. L’insuffisance cardiaque aiguë décompensée, l’ischémie myocardique aiguë, les troubles électrolytiques (hypokaliémie, hypomagnésémie), etc. sont de telles causes.
- Dans le contexte des médicaments antiarythmiques, la cardiopathie structurelle est définie comme une cardiopathie ischémique, une cardiopathie valvulaire, une cardiopathie congénitale, une hypertrophie ventriculaire ou une maladie myocardique. Les cardiopathies structurelles confèrent un risque substantiel d’arythmies ventriculaires et un risque important d’effets proarythmiques des médicaments antiarythmiques. Bien que plusieurs classes de médicaments antiarythmiques soient disponibles pour le traitement d’urgence de la TV/FV chez ces patients, le traitement à long terme se limite principalement à l’amiodarone, aux bêta-bloquants ou au sotalol. Chez les patients souffrant d’une cardiopathie structurelle, seuls l’amiodarone et les bêta-bloquants sont considérés comme sûrs (en ce qui concerne les effets proarythmiques) pour une utilisation à long terme sans l’implantation d’un DAI.
- L’amiodarone est sûr et efficace en présence d’une cardiopathie structurelle significative (y compris une fraction d’éjection sévèrement réduite), à l’exception des patients souffrant de tachycardie ventriculaire ou de fibrillation ventriculaire causée par un allongement de l’intervalle QT (syndrome du QT long). Il est peu probable que l’amiodarone induise un allongement dangereux de l’intervalle QT chez les patients dont l’intervalle QT est normal. L’amiodarone peut cependant provoquer des arythmies mortelles chez les patients présentant un allongement préexistant de l’intervalle QT (congénital ou acquis). La lidocaïne est sûre et efficace dans les arythmies ventriculaires causées par un allongement de l’intervalle QT (syndrome du QT long).
- Il est important de distinguer les torsades de pointes polymorphes des torsades de pointes, car l’amiodarone (le traitement de première intention le plus courant) est contre-indiquée dans les torsades de pointes en raison du fait qu’un allongement supplémentaire de l’intervalle QT (induit par l’amiodarone) peut entraîner une dégénérescence en fibrillation ventriculaire et en asystolie. Cependant, une TV polymorphe peut présenter la torsion caractéristique des points observée dans les torsades de pointes. Un diagnostic de torsades de pointes doit être posé si une TV polymorphe survient chez un patient dont l’intervalle QTc est > 480 ms (QTc > 500 ms chez la plupart des patients).
- Les agents de classe III (amiodarone, dronédarone, dofétilide, ibutilide, sotalol) doivent être évités chez les personnes présentant un risque élevé d’allongement de l’intervalle QT. Un allongement du QT > 60 ms par rapport à la ligne de base ou un QTc > 500 ms, des alternances d’ondes T, une distorsion prononcée de l’onde T-U après une pause et une nouvelle ectopie ventriculaire sont des facteurs de risque de torsades de pointes après l’instauration d’agents de classe III (Dan et al).
- Parmi les antiarythmiques, seuls les bêta-bloquants ont démontré qu’ils offraient une protection à long terme contre les arrêts cardiaques soudains (ACS) et les morts cardiaques soudaines (MSC). D’autres médicaments antiarythmiques n’ont pas démontré leur efficacité dans la prévention de la mort cardiaque subite dans le cadre d’essais contrôlés randomisés. Les DAI sont efficaces pour la prévention à long terme de la MSC (Zipes et al, Priori et al). Les bêta-bloquants sont également efficaces pour traiter la tachycardie ventriculaire aiguë, quel qu’en soit le type.
- Si les antiarythmiques ne parviennent pas à traiter la TV monomorphe, l’ablation par cathéter doit être considérée comme une alternative efficace (Tung et al).
- Arythmie ventriculaire d’apparition récente en l’absence d’une cause claire (non ischémique).
- Chez les patients qui développent des arythmies ventriculaires après avoir subi récemment une intervention coronarienne (la thrombose du stent est très probable dans ces scénarios).Une coronarographie aiguë doit être envisagée chez tous les patients présentant des arythmies ventriculaires potentiellement causées par une ischémie myocardique. La coronarographie doit également être envisagée dans les cas suivants :
- L’administration prophylactique de lidocaïne lors du retour à la circulation spontanée après un arrêt cardiaque extrahospitalier (OHCA) est associée à une moindre récurrence des arrêts de FV/TV. La lidocaïne peut donc être utilisée comme prophylaxie après un ACSH. On ne sait pas s’il en va de même pour l’amiodarone(Kudenchuck et al).
Tachycardie ventriculaire non soutenue (NSVT)
- Patients sans maladie cardiaque structurelle :
- Traitement de première intention : les bêta-bloquants ou le vérapamil sont généralement efficaces.
- Traitement de deuxième intention : amiodarone ou sotalol.
- Patients souffrant d’une maladie cardiaque structurelle :
- Traitement de première intention : bêta-bloquants, vérapamil et amiodarone.
- Le sotalol peut être administré aux patients présentant une cardiopathie structurelle modérée, y compris une cardiopathie ischémique. Envisagez l’implantation d’un DAI si le sotalol est nécessaire pour la prophylaxie.
- Les médicaments de classe IC (flécaïnide, propafénone) ne sont utilisés qu’en l’absence d’ischémie, d’antécédents d’infarctus du myocarde et de maladie structurelle du myocarde.
Tachycardie ventriculaire soutenue
- Traitement de première intention : bêta-bloquants, amiodarone, lidocaïne, procaïnamide.
- Traitement de deuxième intention : sotalol.
Tachycardie ventriculaire idiopathique
- La tachycardie ventriculaire idiopathique est définie comme une tachycardie ventriculaire en l’absence de maladie cardiaque structurelle, de formes génétiques de tachycardie ventriculaire, y compris les channelopathies. Ces arythmies trouvent principalement leur origine dans la voie de sortie du ventricule droit (RVOT), le système fasciculaire du ventricule gauche (LVFS) ou l’anneau mitral.
- Traitement de première intention : Les bêta-bloquants sont généralement efficaces pour traiter la TV idiopathique. Les bêta-bloquants doivent être titrés jusqu’à la dose maximale tolérée.
- Traitement de deuxième intention : Agents de classe IV (vérapamil).
- Traitement de troisième intention : amiodarone, sotalol, flécaïnide, mexilétine ou propafénone sont disponibles comme alternatives de troisième intention.
- L’ablation par cathéter doit être envisagée en cas d’échec des bêta-bloquants.
Tachycardie ventriculaire en cas de cardiopathie structurelle
- Traitement de première intention : Bêta-bloquants.
- Traitement de deuxième intention : Les bêta-bloquants sont souvent insuffisants et peuvent donc nécessiter un traitement combiné avec l’amiodarone.
- Traitement de troisième intention : Monothérapie par le sotalol.
- La monothérapie par bêta-bloquant est inférieure à la monothérapie par sotalol ou à la thérapie combinée par amiodarone et bêta-bloquant (Connolly et al.).
Tachycardie et fibrillation ventriculaires polymorphes en cas de maladie cardiaque structurelle avec intervalle QT normal
- Traitement de première intention : Bêta-bloquants, amiodarone (150-300 mg i.v. en bolus sur 10 minutes) ou lidocaïne (1 mg/kg i.v. en bolus sur 5 minutes). Une coronarographie immédiate est indiquée lorsque l’ischémie est une cause probable.
- Thérapies supplémentaires :
- Amiodarone ou lidocaïne.
- Sédation profonde et ventilation mécanique
- Ablation par cathéter
- Modulation neuraxiale (Tung et al.).
- La TV polymorphe catécholaminergique (TVPC) répond généralement aux bêta-bloquants. La flécaïnide peut être envisagée en cas d’échec des bêta-bloquants. Un DAI doit être envisagé en cas d’échec des bêta-bloquants.
- Le syndrome de Brugada provoque une tachycardie ventriculaire polymorphe qui répond à la quinidine et à l’isoprotérénol.
Tachycardie ventriculaire polymorphe chez les patients présentant un allongement de l’intervalle QT
La tachycardie ventriculaire polymorphe survenant lors d’un allongement de l’intervalle QT, avec la torsion caractéristique des pointes, est appelée torsade de pointes (TdP). Le risque de dégénérescence en fibrillation ventriculaire et en arrêt cardiaque est élevé. La torsade de pointes est traitée comme suit :
- Sulfate de magnésium 2 g i.v., quel que soit le taux de magnésium sérique. Les injections de magnésium peuvent être répétées et une perfusion doit être mise en place.
- Réapprovisionner le potassium sérique à des niveaux d’environ 4,5 à 5,0 mmol/L.
- Les torsades de pointes survenant lors d’une bradycardie ou de longues pauses peuvent être contrées en augmentant la fréquence cardiaque (>70 battements par minute [bpm]) :
- Si le patient est équipé d’un stimulateur cardiaque, augmentez la fréquence de stimulation.
- En l’absence de stimulateur cardiaque, commencez la perfusion d’isoprénaline.
- Une stimulation temporaire peut être nécessaire jusqu’à ce que l’isoprénaline puisse être mise en route.
- La lidocaïne 1 mg/kg i.v. doit être envisagée chez tous les patients présentant des torsades de pointes.
Arythmies ventriculaires dans les syndromes coronariens aigus (angor instable, NSTEMI, STEMI)
- L’utilisation des bêta-bloquants dans les syndromes coronariens aigus est encore débattue. Les premières études ont suggéré que les bêta-bloquants pouvaient limiter la taille de l’infarctus et prévenir la mort cardiaque subite (Braunwald et al). Les bêta-bloquants sont considérés comme sûrs dans la phase initiale des syndromes coronariens aigus (en l’absence d’insuffisance cardiaque aiguë) et sont susceptibles de réduire l’incidence des arythmies ventriculaires (TV, FV) et des arrêts cardiaques. Les bêta-bloquants à courte durée d’action peuvent être administrés rapidement (dans les 48 heures).
- Les bêta-bloquants sont efficaces pour le traitement des TV monomorphes et polymorphes.
- La revascularisation est très importante pour prévenir les arythmies ventriculaires récurrentes (TV, FV) et la mort cardiaque subite.
- L’amiodarone doit être envisagée si les bêta-bloquants et la revascularisation ne suffisent pas à éliminer les arythmies.
- La lidocaïne est aussi efficace que l’amiodarone et doit être préférée chez les patients souffrant d’hypotension (l’amiodarone peut aggraver l’hypotension et provoquer un choc cardiogénique).
Dysfonctionnement ventriculaire gauche
- Les bêta-bloquants réduisent le risque d’arrêt cardiaque soudain chez les personnes souffrant d’insuffisance cardiaque (Packer et al).
- Des essais randomisés ont démontré qu’un DAI augmente la survie des patients souffrant d’insuffisance cardiaque. L’amiodarone est le traitement de première intention uniquement si un DAI n’est pas disponible.
- L’optimisation du traitement de l’insuffisance cardiaque avec des médicaments fondés sur des preuves (bêta-bloquants, ARNI, ACEi/ARB, ARM, inhibiteurs du SGLT2) est probablement le moyen le plus efficace de réduire l’incidence des arythmies ventriculaires.
Traitement antiarythmique dans les cardiomyopathies héréditaires et les canalopathies
Les arythmies ventriculaires dans les cardiomyopathies arythmogènes et les canalopathies sont principalement traitées par des agents antiarythmiques.
- Cardiomyopathie ventriculaire droite arythmogène (CVDA) : La cardiomyopathie ventriculaire droite arythmogène provoque généralement une TV monomorphe. Ces arythmies peuvent être contrôlées par l’amiodarone ou le sotalol.
- CMH (cardiomyopathie hypertrophique) : La CMH provoque généralement une fibrillation auriculaire, un flutter auriculaire et une fibrillation ventriculaire (FV). La fibrillation ventriculaire est traitée par l’amiodarone.
- Syndrome du QT long (LQTS) : Plusieurs bêta-bloquants sont très efficaces, par exemple le propranolol, le nadolol, le métoprolol et le bisoprolol. La mexilétine, la flécaïnide et la ranolazine sont utilisées dans le syndrome LQT3.
- Syndrome de Brugada : les arythmies ventriculaires (TV polymorphes) sont prévenues et traitées par la quinidine. Le traitement aigu comprend la perfusion d’isoprénaline. Un DAI peut être justifié.
- TVPC (TV polymorphe catécholaminergique) : le bêta-blocage (de préférence le nadolol) est le traitement de première intention et la flécaïnide peut être ajoutée.
- Syndrome de repolarisation précoce, syndrome du QT court : la quinidine est le traitement de première intention.
Traitement des effets proarythmiques : arythmies causées par des agents antiarythmiques
- Facteurs de risque : dose élevée de médicament, traitement combiné avec plusieurs antiarythmiques, maladie cardiaque structurelle (cardiopathie ischémique, insuffisance cardiaque, etc.), sexe féminin, âge avancé, insuffisance rénale, insuffisance hépatique. Les médicaments antiarythmiques peuvent révéler des arythmies génétiques sous-jacentes (par exemple, la flécaïnide et le syndrome de Brugada).
- Surveillez le rythme cardiaque, la durée du QRS et l’intervalle QTc lors de l’instauration d’un traitement antiarythmique (comparez plusieurs ECG à 12 dérivations avant et après l’administration du médicament). Pour les agents de classe III, un allongement de l’intervalle QT > 60 ms par rapport à la ligne de base ou un QTc > 500 ms, des alternances d’ondes T, une distorsion prononcée de l’onde T-U après une pause et une nouvelle ectopie ventriculaire sont des facteurs de risque de torsades de pointes(Dan et al). Les agents de classe IA (ajmaline, cibenzoline, disopyramide, pilsicaïnide, procaïnamide, quinidine) et de classe III (amiodarone, dronédarone, dofétilide, ibutilide, sotalol) sont les plus susceptibles de provoquer des torsades de pointes.
- La flécaïnide, la propafénone, la mexilétine, la disopyramide et la quinidine sont contre-indiquées chez les patients ayant des antécédents d’infarctus du myocarde.
- L’amiodarone provoque rarement des TdP.
- Les digitaliques peuvent provoquer la plupart des bradyarythmies et des tachyarythmies, y compris la TV.
Prise en charge
- Cessez d’utiliser l’agent incriminé.
- Recherchez et corrigez l’ischémie myocardique en cours, l’hypokaliémie, l’hypomagnésémie, la bradycardie, l’allongement de l’intervalle QT.
- Traitement des TdP d’origine médicamenteuse :
- Sulfate de magnésium 2 g i.v., quel que soit le taux de magnésium sérique. Les injections de magnésium peuvent être répétées et une perfusion doit être mise en place.
- Réapprovisionnez le potassium sérique à des niveaux d’environ 4,5 à 5,0 mmol/L.
- Les torsades de pointes survenant lors d’une bradycardie ou de longues pauses peuvent être contrées en augmentant la fréquence cardiaque (>70 battements par minute [bpm]) :
- Si le patient est équipé d’un stimulateur cardiaque, augmentez la fréquence de stimulation.
- En l’absence de stimulateur cardiaque, commencez la perfusion d’isoprotérénol.
- Une stimulation temporaire peut être nécessaire jusqu’à ce que l’isoprotérénol puisse être mis en route.
- La lidocaïne 1 mg/kg i.v. doit être envisagée chez tous les patients présentant des torsades de pointes.
- Traitement des arythmies causées par des agents de classe I :
- Traitement de première intention : bêta-bloquants ou antagonistes du calcium (IV) pour contrôler la fréquence ventriculaire. La perfusion de bicarbonate de sodium peut mettre fin à la TV.
- Traitement des arythmies causées par la flécaïnide :
- Traitement de première intention : bêta-bloquants.
- Arythmies dues à la toxicité des digitaliques :
- Administrer du potassium, viser un taux de potassium normal élevé (4,5-5,0 mEq/L).
- Administrer des bêta-bloquants, de la lidocaïne et/ou des anticorps spécifiques des digitaliques.
- La perfusion d’isoprotérénol ou la stimulation cardiaque est efficace lorsque les digitaliques provoquent des bradyarythmies.
Manuel des médicaments
Médicaments antiarythmiques de classe III
Amiodarone
Médicament | Amiodarone |
Nom de marque | Nexterone, Pacerone, Cordarone |
Indications | Tachycardie ventriculaire (TV) Fibrillation ventriculaire (FV) Battements ventriculaires prématurés (PVB) Tachyarythmie auriculaire (fibrillation auriculaire) Réanimation cardiopulmonaire (RCP) |
Mécanisme d’action | L’amiodarone est un agent antiarythmique de classe III qui prolonge la phase 3 du potentiel d’action cardiaque. |
Cibles des récepteurs | INa,ICa, IKr, IK1, IKs,Ito, récepteur bêta, récepteur alpha, récepteur nucléaire T3 |
Effets ECG | Ralentissement du rythme sinusal PR prolongé QRS prolongé QTc prolongé Augmentation de la capacité de réfraction du nœud AV |
Administration | IV, PO |
Dose | FV/TV sans impulsion (arrêt cardiaque) : 300 mg en bolus IV dans 20 ml de glucose. Peut être répété. TV stable : 150 mg en bolus sur 10 minutes, puis 1 mg/min sur 6 heures, puis 0,5 mg/min sur 18 heures. La dose d’entretien est de 0,5 mg/min IV. Dose quotidienne de perfusion : 1200 mg par 24 heures. Passez au régime oral lorsque les arythmies ventriculaires sont contrôlées : 400 mg toutes les 8 à 12 heures pendant 1 à 2 semaines, puis 300 à 400 mg par jour. Si possible, utilisez la dose de 200 mg par jour PO pour une utilisation à long terme. Obtenez des études de la fonction thyroïdienne si un traitement à long terme peut être nécessaire. |
T1/2 | L’amiodarone a une demi-vie très longue (26-107 jours) et persiste dans l’organisme pendant des mois. |
Contre-indications | Pré-excitation (syndrome de WPW) Syndrome du QT long (congénital ou acquis) |
Effets indésirables | Cardiaque : bradycardie. Hypotension. Thyréotoxique (hypothyroïdie). Allongement de l’intervalle QT (torsade de pointes, TdP). Blocs AV. L’amiodarone peut ralentir la fréquence de la TV en dessous de la fréquence de détection programmée du DAI. L’amiodarone augmente le DFT (seuil de défibrillation). Autres : microdépôts cornéens, anomalies thyroïdiennes, ataxie, nausées, vomissements, constipation, photosensibilité, décoloration de la peau, ataxie, étourdissements, neuropathie périphérique, tremblements, hépatite, cirrhose, fibrose pulmonaire ou pneumopathie. |
Comparaison | L’amiodarone a entraîné des taux de survie jusqu’à l’admission à l’hôpital nettement plus élevés dans une étude randomisée comparant l’amiodarone à la lidocaïne en cas de fibrillation ventriculaire extrahospitalière résistante au choc (Dorian et al., NEJM, 2002). |
Sotalol
Médicament | Sotalol |
Nom de marque | Betapace, Sorine, Sotylize, Sotacor |
Indications | TV (tachycardie ventriculaire) PVC (complexes ventriculaires prématurés) FV (fibrillation ventriculaire) |
Mécanisme d’action | Agent antiarythmique de classe III avec activité bêta-bloquante. |
Cibles des récepteurs | IKr, récepteurs bêta 1 et 2 |
Effets ECG | Ralentissement du rythme sinusal QTc prolongé Augmentation de la capacité de réfraction du nœud AV |
Administration | IV, PO |
Dose | IV : 75 mg toutes les 12 heures PO : 40-120 mg toutes les 12 h. Peut augmenter la dose tous les trois jours jusqu’à un maximum de 320 mg/j |
T1/2 | 12 h |
Effets indésirables | Cardiaques : bradycardie, hypotension, HF, syncope, TdP Autres : fatigue, vertiges, faiblesse, dyspnée, bronchite, dépression, nausées, diarrhée Le sotalol diminue le seuil défibrillatoire. |
Bêta-bloquants
Métoprolol
Médicament | Métoprolol |
Nom de marque | Dutoprol, Kapspargo, Lopressor, Lopressor Hct, Toprol, Toprol XL, Seloken |
Indications | TV (tachycardie ventriculaire) PVC (complexes ventriculaires prématurés) |
Mécanisme d’action | Abaisse la pression artérielle, réduit la fréquence cardiaque, la consommation d’oxygène du myocarde et la contractilité du myocarde. Bloque l’activité sympathique proarythmique. |
Cibles des récepteurs | Bloqueur des récepteurs adrénergiques bêta 1. |
Effets ECG | Ralentissement de la fréquence sinusale Augmentation de la réfraction du nœud AV |
Administration | IV ou PO |
Dose | IV (en cas d’urgence) : 5 mg toutes les 5 minutes jusqu’à 15 mg. PO (patients stables) : 25-200 mg par jour à libération prolongée. |
T1/2 | 3-4 h (libération immédiate). 8 heures (libération prolongée). |
Effets indésirables | Cardiaques : bradycardie, hypotension, bloc AV. Autres : étourdissements, fatigue, diarrhée, dépression, dyspnée. |
Nadolol
Médicament | Nadolol |
Nom de marque | Corgard |
Indications | TV (tachycardie ventriculaire) PVC (complexes ventriculaires prématurés) Syndrome du QT long (LQTS) TVPC (tachycardie polymorphe catécholaminergique) |
Mécanisme d’action | Bêta-1 et bêta-2 adrénergiques. Abaisse la tension artérielle, réduit la fréquence cardiaque, la consommation d’oxygène du myocarde et la contractilité du myocarde. Bloque l’activité sympathique proarythmique. |
Cibles des récepteurs | Récepteurs bêta-1 et bêta-2 |
Effets ECG | Ralentissement de la fréquence sinusale Augmentation de la réfraction du nœud AV |
Administration | IV, PO |
Dose | PO : 40-320 mg par jour |
T1/2 | 20-24 h |
Effets indésirables | Cardiaque : bradycardie, hypotension, insuffisance cardiaque, bloc AV. Autres : œdème, vertiges, extrémités froides, bronchospasme. |
Esmolol
Médicament | Esmolol |
Nom de marque | Brevibloc |
Indications | TV (tachycardie ventriculaire) |
Mécanisme d’action | Bêta-1 adrénergique. Abaisse la pression artérielle, réduit la fréquence cardiaque, la consommation d’oxygène du myocarde et la contractilité du myocarde. Bloque l’activité sympathique proarythmique. |
Cibles moléculaires | Récepteurs bêta-1 |
Effets ECG | Ralentissement de la fréquence sinusale Augmentation de la réfraction du nœud AV |
Administration | IV, PO |
Dose | IV : bolus de 0,5 mg/kg, puis perfusion de 0,05 mg/kg/min. |
T1/2 | 9 minutes |
Effets indésirables | Bradycardie, hypotension, insuffisance cardiaque, bloc AV. Vertiges, nausées. |
Bisoprolol
Médicament | Bisoprolol |
Nom de marque | Ziac, Zebeta, Emconcor, Bisomyl |
Indications | TV (tachycardie ventriculaire) PVC (complexes ventriculaires prématurés) |
Mécanisme d’action | Bloqueur bêta-1 adrénergique. Abaisse la pression artérielle, réduit la fréquence cardiaque, la consommation d’oxygène du myocarde et la contractilité du myocarde. Bloque l’activité sympathique proarythmique. |
Cibles moléculaires | Récepteurs bêta-1 |
Effets ECG | Ralentissement de la fréquence sinusale Augmentation de la réfraction du nœud AV |
Administration | IV, PO |
Dose | PO : 2,5-10 mg une fois par jour |
T1/2 | 9-12 h |
Effets indésirables | Cardiaque : Douleur thoracique, bradycardie, bloc AV. Autres : Fatigue, insomnie, diarrhée |
Carvédilol
Médicament | Carvédilol |
Nom de marque | Coreg |
Indications | TV (tachycardie ventriculaire) PVC (complexes ventriculaires prématurés) Syndrome du QT long (LQTS) |
Mécanisme d’action | Bloque les récepteurs adrénergiques bêta-1 et bêta-2, ainsi que les récepteurs adrénergiques alpha. Abaisse la pression artérielle, réduit la contractilité et bloque l’activité sympathique proarythmique. |
Cibles moléculaires | Récepteurs bêta-1, bêta-2, récepteur alpha. |
Effets ECG | Ralentissement du rythme sinusal Augmentation de la réfraction du nœud AV |
Administration | IV, PO |
Dose | PO : 3,125-25 mg toutes les 12 h |
T1/2 | 7-10 h |
Effets indésirables | Cardiaque : bradycardie, hypotension, bloc AV. Autres : Œdème, syncope, hyperglycémie, vertiges, fatigue, diarrhée |
Propranolol
Médicament | Propranolol |
Nom de marque | Hemangeol, Hemangiol, Inderal, Innopran |
Indications | TV (tachycardie ventriculaire) PVC (complexes ventriculaires prématurés) Syndrome du QT long (LQTS) |
Mécanisme d’action | Bloque les récepteurs adrénergiques bêta 1, bêta 2 et alpha. Abaisse la pression artérielle, réduit la contractilité et bloque l’activité sympathique proarythmique. Bloque les canaux sodiques cardiaques. |
Cibles moléculaires | Récepteurs bêta 1 et 2,INa |
Effets ECG | Ralentissement de la fréquence sinusale Augmentation de la réfraction du nœud AV |
Administration | IV, PO |
Dose | IV : 1-3 mg toutes les 5 minutes jusqu’à un total de 5 mg PO, libération immédiate : 10-40 mg q 6 h PO, libération prolongée : 60-160 mg q 12 h |
T1/2 | Libération immédiate : 3-6 h Libération prolongée : 8-10 h |
Effets indésirables | Cardiaque : bradycardie, hypotension, insuffisance cardiaque, bloc AV. Autres : troubles du sommeil, vertiges, cauchemars, hyperglycémie, diarrhée, bronchospasme. |
Acébutolol
Médicament | Acébutolol |
Nom de marque | Sectral |
Indications | TV (tachycardie ventriculaire) PVC (complexes ventriculaires prématurés) |
Mécanisme d’action | Antagoniste des récepteurs bêta 1. Légère activité sympathomimétique intrinsèque. |
Cibles moléculaires | Récepteurs bêta 1 et 2, récepteur alpha. |
Effets ECG | Ralentissement de la fréquence sinusale Augmentation de la réfraction du nœud AV |
Administration | IV, PO |
Dose | PO : 200-1200 mg par jour ou jusqu’à 600 mg bid. |
T1/2 | Métabolite actif : 8-13 h. Prolongée en cas d’insuffisance rénale. Métabolisé dans le foie. Excrété dans les fèces (60 %) et l’urine (40 %). |
Effets indésirables | Cardiaque : bradycardie, hypotension, insuffisance cardiaque, bloc AV. Autres : vertiges, fatigue, anxiété, impuissance, hyper/hypoesthésie. |
Agents de la classe IC
Lidocaïne
Médicament | Lidocaïne |
Synonymes | Lidocaína, Lidocaina, Lidocaine, Lidocainum, Lignocaine |
Nom de marque | Xylocard |
Indications | Toute tachycardie ventriculaire, y compris les torsades de pointes (syndrome du QT long). Tachycardie ventriculaire induite par les digitaliques. Fibrillation ventriculaire (FV). |
Mécanisme d’action | Antiarythmique de classe I-B. |
Cibles des récepteurs | INa |
Effets sur l’ECG | Le QTc peut être légèrement raccourci. |
Effets | Terminateur puissant des arythmies ventriculaires. |
Délivrance | IV |
Dose | Dose de charge : 1 à 1,5 mg/kg en bolus IV en 2 à 3 minutes. Dose de perfusion : 2 à 4 mg/min. Des bolus supplémentaires peuvent être administrés : 0,5 mg/kg répétés toutes les 5 à 10 minutes. Dose cumulative maximale : 3 mg/kg |
Effets indésirables | Toxicité de la lidocaïne : somnolence, désorientation, paresthésie, contractions, convulsions. La toxicité est gérée en diminuant la dose de 50 % (même bolus puis perfusion de 1 mg/min). Cardiaque : bradycardie, collapsus hémodynamique, AVB, arrêt sinusal. Autres : délire, psychose, convulsions, nausées, acouphènes, dyspnée, bronchospasme |
Mexilétine
Médicament | Mexilétine |
Indications | TV (tachycardie ventriculaire) PVC (complexes ventriculaires prématurés) TV dans le syndrome du QT long (LQT3) Fibrillation ventriculaire (FV) |
Cibles moléculaires | INa |
Effets sur l’ECG | Le QTc peut être légèrement raccourci. |
T1/2 | 10-14 h. Métabolisé dans le foie. Excrété dans l’urine. |
Administration | IV |
Dose | PO : 150-300 mg toutes les 8 h ou toutes les 12 h |
Effets indésirables | Cardiaque : insuffisance cardiaque, bloc AV. Autres : étourdissements, tremblements, ataxie, paresthésies, nausées, dyscrasie sanguine |
Agents de la classe IC
Flécaïnide
Médicament | Flécaïnide |
Nom de marque | Tambocor |
Indications | TV (tachycardie ventriculaire) PVC (complexes ventriculaires prématurés), en l’absence de maladie cardiaque structurelle. (CPVT) |
Cibles des récepteurs | INa, IKr, IKur |
Effets ECG | PR prolongé QRS prolongé |
Administration | IV, PO |
Dose | PO : 50-200 mg toutes les 12 h. |
T1/2 | 7-22 h Métab. : H Excr. : U |
Effets indésirables | Cardiaque : dysfonctionnement du nœud sinusal, BAV, syndrome de Brugada induit par le médicament, TV monomorphe chez les patients présentant une cicatrice myocardique, exacerbation de l’HFrEF. La flécaïnide provoque une augmentation du seuil de défibrillation. Autres : Vertiges, tremblements, troubles de la vision, dyspnée, nausées |
Propafénone
Médicament | Propafénone |
Nom de marque | Rythmol |
Indications | TV (tachycardie ventriculaire) PVC (complexes ventriculaires prématurés), en l’absence de maladie cardiaque structurelle. |
Mécanisme d’action | La propafénone inhibe les canaux sodiques (INa) afin de limiter l’entrée de sodium dans les cellules cardiaques, ce qui entraîne une réduction de l’excitation. |
Cible moléculaire | INa, IKr, IKur, Récepteur bêta, Récepteur alpha |
Effets sur l’ECG | PR prolongé QRS prolongé ; augmentation du DFT |
T1/2 | Métaboliseurs extensifs : 2-10 h. Métaboliseurs faibles : 10-32 h. Métabolisé dans le foie. Excrété dans l’urine. |
Délivrance | IV |
Dose | PO : Libération immédiate : 150-300 mg toutes les 8 heures Libération prolongée : 225-425 mg toutes les 12 h |
Effets indésirables | Cardiaque : HF, AVB, syndrome de Brugada induit par le médicament Autres : Étourdissements, fatigue, nausées, diarrhée, xérostomie, tremblements, vision floue |
Agents de classe IV (inhibiteurs calciques)
Diltiazem
Médicament | Diltiazem |
Synonymes | Diltiazemum |
Marques | Cardizem, Cartia, Matzim, Taztia, Tiadylt, Tiazac |
Indications | TV spécifiquement RVOT, TVL idiopathique |
Mécanisme d’action | Le diltiazem inhibe l’influx de calcium dans les muscles lisses cardiaques et vasculaires pendant la dépolarisation. Par rapport aux médicaments dihydropyridiniques, tels que la nifédipine, qui agissent préférentiellement sur le muscle lisse vasculaire, et le vérapamil qui agit directement sur le muscle cardiaque, le diltiazem présente une spécificité intermédiaire en ciblant à la fois le muscle lisse cardiaque et le muscle lisse vasculaire. Le diltiazem est utilisé comme antihypertenseur, antiarythmique et comme agent antiangineux. |
Cibles moléculaires | INa, IKr, IKur |
Effets ECG | Ralentissement du rythme sinusal PR prolongé Ralentissement de la conduction du nœud AV |
Administration | IV, PO |
Dose | IV : 5-10 mg toutes les 15-30 min. Libération prolongée, PO : 120-360 mg/jour. |
T1/2 | Injection 2-5 h. Libération immédiate 4,5 h Libération prolongée 12 h Insuffisance hépatique sévère 14-16 h. Métabolisé dans le foie. Excrété dans l’urine. |
Effets indésirables | Cardiaque : hypotension, œdème, insuffisance cardiaque, bloc AV, bradycardie, exacerbation de l’HFrEF. Autres : maux de tête, éruption cutanée, constipation |
Vérapamil
Médicament | Vérapamil |
Synonymes | Iproveratril, Vérapamil, Verapamilo, Verapamilum |
Marques | Calan, Isoptin, Isoptin Retard, Tarka, Verelan |
Indications | TV (en particulier TVR, TVL idiopathique sensible au vérapamil) |
Mécanisme d’action | Le vérapamil est un inhibiteur calcique de type L ayant un effet antiarythmique, antiangineux et antihypertenseur. Le vérapamil a un effet inotrope négatif et doit être évité en cas de CMH et d’insuffisance cardiaque aiguë sévère. Les canaux calciques de type L sont exprimés dans le muscle lisse vasculaire (affectant la résistance vasculaire) et dans le tissu myocardique (affectant la contractilité). Le vérapamil diminue la résistance vasculaire systémique et donc la pression artérielle. Le vérapamil augmente également la période réfractaire dans le nœud AV, réduisant ainsi la conduction du nœud AV. |
Cibles des récepteurs | Canaux calciques cardiaques de type L. |
Effets ECG | Rythme sinusal ralenti, PR prolongé, conduction du nœud AV ralentie |
Mode d’administration | IV, PO |
Dose | IV : 2,5-5 mg toutes les 15-30 min Libération prolongée PO : 240-480 mg/j |
T1/2 | 3-7 h Métabolisé dans le foie. Excrété dans l’urine. |
Effets indésirables | Cardiaque : hypotension, œdème, insuffisance cardiaque, bloc auriculo-ventriculaire, bradycardie, exacerbation de l’HFrEF Autres : céphalées, éruptions cutanées, hyperplasie gingivale, constipation, dyspepsie |
Agents de la classe IA
Procaïnamide
Médicament | Procaïnamide |
Synonymes | Procainamida, Procainamide, Procaïnamide, Procainamidum |
Nom de marque | Procan |
Indications | TV (tachycardie ventriculaire), y compris la TV induite par les digitaliques. FV (fibrillation ventriculaire) |
Cibles des récepteurs | INa, IKr |
Effets | Le procaïnamide est un bloqueur des canaux sodiques. |
Administration | IV |
Dose | IV, dose de charge : 10-17 mg/kg à 20-50 mg/min Dose d’entretien : 1-4 mg/min PO (préparation SR) : 500-1250 mg toutes les 6 h |
T1/2 | 2-5 h. Prolongée en cas de dysfonctionnement rénal. |
Effets indésirables | Cardiaque : torsades de pointes ; bloc auriculo-ventriculaire, hypotension et exacerbation de l’HFrEF Autres : symptômes de lupus, diarrhée, nausée, dyscrasie sanguine |
Autres agents
Magnésium
Médicament | Magnésium |
Indications | FV (fibrillation ventriculaire) TV (tachycardie ventriculaire) Doit être utilisé chez la plupart des patients atteints du syndrome du QT long (LQTS) et présentant des arythmies ventriculaires. |
Mécanisme d’action | Électrolyte ayant des effets antiarythmiques, indépendamment des niveaux de magnésium dans le sang. |
Effets | Stabilisation de la membrane. |
Administration | IV |
Dose | 20 mmol IV en 20 min, puis 20 mmol toutes les 20 heures. |
Bretylium
Médicament | Bretylium |
Nom de marque | FV (fibrillation ventriculaire) TV (tachycardie ventriculaire) |
Mécanisme d’action | Le brétylium inhibe la libération de norépinéphrine. Le brétylium est utilisé pour la prophylaxie et le traitement de la fibrillation ventriculaire (FV) et de la tachycardie ventriculaire (TV). |
Effets | Le brétylium bloque la libération de noradrénaline par le système nerveux sympathique périphérique en inhibant les canaux K voltage-gated et, éventuellement, la Na-K-ATPase. |
Délivrance | IV |
Dose | Injection (non diluée) : 5 mg/kg par injection rapide ; si l’arythmie persiste, la dose peut être augmentée à 10 mg/kg et répétée si nécessaire. Perfusion (diluée) : 1-2 mg/min ; alternativement, 5-10 mg/kg IV pendant au moins 8 minutes, répétées toutes les 6 heures. |
Références
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Priori SG, Blomström-Lundqvist C, Mazzanti A, Blom N, Borggrefe M, Camm J. 2015 ESC Guidelines for the management of patients with ventricular arrhythmias and the prevention of sudden cardiac death. Europace 2015;17:1601-87.
Tung R, Vaseghi M, Frankel DS, Vergara P, Di Biase L, Nagashima K et al. Freedom from recurrent ventricular tachycardia after catheter ablation is associated with improved survival in patients with structural heart disease : an International VT Ablation Center Collaborative Group Study. Heart Rhythm 2015;12:1997-2007.
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