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Interprétation de l'ECG clinique

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  1. Introduction to ECG Interpretation
    6 Chapters
  2. Arrhythmias and arrhythmology
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  3. Myocardial Ischemia & Infarction
    22 Chapters
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  5. Cardiac Hypertrophy & Enlargement
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  6. Drugs & Electrolyte Imbalance
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  7. Genetics, Syndromes & Miscellaneous
    7 Chapters
  8. Exercise Stress Testing (Exercise ECG)
    6 Chapters
Section 7, Chapter 2

Syndrome de Brugada : ECG, caractéristiques cliniques et prise en charge

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Le syndrome de Brugada

Pedro Brugada et ses deux frères, Josep et Ramon, ont décrit ce syndrome en 1992. Ce syndrome se caractérise par un ECG assez particulier, et les patients présentent des syncopes, des arythmies ventriculaires potentiellement mortelles, des arrêts cardiaques, voire des morts subites d’origine cardiaque. Les frères Brugada ont également noté que le syndrome – qui a été baptisé syndrome de Brugada – semblait être héréditaire, car de nombreux patients rapportaient des antécédents familiaux présentant les mêmes symptômes et les mêmes événements. Le trait le plus distinctif est peut-être le sus-décalage caractéristique du segment ST dans les dérivations V1 à V3.

Prévalence et génétique du syndrome de Brugada

La prévalence du syndrome de Brugada reste largement inconnue. Les données disponibles suggèrent qu’il est plus fréquent en Asie, en particulier en Thaïlande. On estime que la prévalence dans les populations caucasiennes est d’environ un individu sur dix mille. Les hommes sont touchés environ dix fois plus souvent que les femmes, et présentent également le risque le plus élevé de développer des arythmies ventriculaires malignes.

Le syndrome de Brugada est héréditaire, avec un mode de transmission autosomique dominant, ce qui signifie qu’une seule copie d’un gène muté suffit pour développer la maladie. Jusqu’à présent (2016), plus de 12 mutations génétiques ont été associées au syndrome de Brugada. Ces mutations sont situées dans les gènes codant pour les canaux ioniques, en particulier les canaux sodiques, potassiques et calciques de la membrane cellulaire externe.

Présentation clinique du syndrome de Brugada

La plupart des patients sont asymptomatiques jusqu’à l’âge de 20 à 55 ans. La maladie peut se manifester par l’un des symptômes suivants :

  • Syncope, pré-syncope
  • Tachycardie ventriculaire
  • Fibrillation ventriculaire
  • Arrêt cardiaque avec ou sans mort subite d’origine cardiaque

Le syndrome de Brugada est donc une maladie hautement maligne qui doit être reconnue par tout prestataire de soins de santé. Des antécédents familiaux présentant l’un des symptômes ou l’une des manifestations susmentionnées doivent toujours faire suspecter l’existence d’arythmies héréditaires graves. Bien que les cliniciens soient de plus en plus conscients du syndrome de Brugada, le diagnostic passe encore inaperçu malgré une présentation clinique évidente.

Il convient de noter que les caractéristiques ECG du syndrome de Brugada sont assez spécifiques de la maladie, à condition que les manifestations cliniques soient compatibles. Il existe toutefois d’autres affections susceptibles d’entraîner des modifications similaires de l’ECG :

  • Dysplasie/cardiomyopathie arythmogène du ventricule droit (ARVC/ARVD) – L’ARVC a également tendance à se manifester chez les jeunes adultes. Les symptômes les plus courants sont les palpitations (prévalence : 40 %), la syncope (30 %), la mort subite d’origine cardiaque (15 %), les douleurs thoraciques atypiques (30 %) et la dyspnée (10 %). Les principaux signes ECG de l’ARVC sont l’inversion de l’onde T en V1 à V3 (en l’absence de bloc de branche droit), retrouvée chez la quasi-totalité des patients. L’onde epsilon, beaucoup plus rare (environ un tiers des cas), est définie comme une petite onde survenant juste après le complexe QRS, au début du segment ST.

  • Hyperkaliémie – Elle peut provoquer des élévations du segment ST en V1 à V3, similaires à celles observées dans le syndrome de Brugada. Ce trouble est facilement identifiable par une prise de sang, et les anomalies ECG disparaissent après normalisation de la kaliémie.

  • Cardioversion électrique récente – Des modifications transitoires de l’ECG, ressemblant à celles du syndrome de Brugada, peuvent apparaître après une cardioversion.

  • Repolarisation précoce – Elle se manifeste également par une élévation du point J (comme dans le syndrome de Brugada ; voir plus bas) et peut entraîner syncope, arythmies ventriculaires, voire mort subite d’origine cardiaque. Toutefois, les modifications ECG observées dans la repolarisation précoce sont généralement faciles à différencier de celles du syndrome de Brugada, et le risque d’arythmie ventriculaire ou de mort subite est considérablement plus faible chez ces patients.

Il s’ensuit que le syndrome de Brugada est un diagnostic probable chez les patients présentant ces symptômes associés à des élévations typiques du segment ST en V1 à V3 (voir ci-dessous).

Les modifications caractéristiques de l’ECG peuvent être intermittentes, ce qui explique pourquoi le diagnostic peut parfois ne pas être posé. Pour des raisons encore mal comprises, ces anomalies ECG, ainsi que les arythmies et les morts subites, surviennent plus fréquemment au repos, pendant le sommeil, en cas de fièvre, ou dans des situations associées à un tonus vagal élevé.

Il est intéressant de noter que l’activité physique ne semble pas provoquer d’arythmies, ce qui distingue le syndrome de Brugada d’autres canalopathies telles que le syndrome du QT long (LQTS) ou la dysplasie/cardiomyopathie arythmogène du ventricule droit (ARVC), chez qui jusqu’à 80 % des patients peuvent présenter des arythmies ventriculaires à l’effort.

En cas de suspicion de syndrome de Brugada, les modifications ECG peuvent être provoquées pharmacologiquement dans un environnement contrôlé. Des bloqueurs des canaux sodiques (tels que l’ajmaline ou la flécaïnide) peuvent être administrés par voie intraveineuse, avec un défibrillateur et un matériel de réanimation immédiatement disponibles, afin d’induire les anomalies ECG typiques.

Il convient de noter que la liste des médicaments et troubles pouvant induire un ECG de type Brugada (et donc un risque accru d’arythmie) est bien plus longue. Elle inclut notamment les bêta-bloquants, la cocaïne, l’hypercalcémie, etc.

Cette liste est régulièrement mise à jour et disponible sur le site : www.brugadadrugs.org.

L’ECG dans le syndrome de Brugada

Figure 10. ECGs presenting Brugada syndrome type 1, type 2 and type 3, respectively.
Figure 10. ECG présentant le syndrome de Brugada de type 1, de type 2 et de type 3, respectivement.

L’ECG du syndrome de Brugada : critères et définitions

Le syndrome de Brugada peut se présenter sous trois formes différentes à l’ECG, appelées type 1, type 2 et type 3 du syndrome de Brugada. Le type 1 est la forme la plus typique et la plus diagnostique. Il se caractérise par des élévations marquées du segment ST et des inversions de l’onde T dans les dérivations V1 à V3. Les élévations du segment ST peuvent évoquer un aspect en « dorsale de requin ». Référez-vous à la figure 1, panneau A. Ces modifications de l’ECG ne doivent pas être confondues avec un bloc de branche droit (BBD), car une telle erreur peut avoir des conséquences graves pour le patient. Des études prospectives montrent que le syndrome de Brugada de type 1 est celui qui présente la corrélation la plus forte avec le risque futur d’arythmies ventriculaires et d’arrêt cardiaque.

Notez que les modifications ECG sont dynamiques chez les patients atteints du syndrome de Brugada. La plupart des patients présentent un ECG normal la majorité du temps, mais peuvent passer spontanément à un schéma ECG de Brugada. Comme indiqué ci-dessus, certains médicaments (www.brugadadrugs.org) et certaines situations (sommeil, repos, fièvre) peuvent également induire les anomalies ECG caractéristiques. Un même patient peut présenter les trois types d’ECG de Brugada, parfois au cours du même enregistrement ECG.

  • Syndrome de Brugada de type 1 : Élévation du segment ST ≥2 mm suivie d’une inversion de l’onde T dans les dérivations V1 et/ou V2. Ce schéma ECG permet d’établir le diagnostic de syndrome de Brugada (aucun autre examen complémentaire n’est nécessaire). Notez que les électrodes des dérivations V1 et V2 peuvent être placées aux deuxième, troisième ou quatrième espaces intercostaux pour faciliter la détection de ces anomalies ECG. Reportez-vous à la figure 1.

    Syndrome de Brugada de type 2 : Élévation du segment ST en forme de selle avec élévation du point J ≥2 mm dans les dérivations V1 et/ou V2. La partie terminale du segment ST présente une élévation ≥1 mm.

    Syndrome de Brugada de type 3 : Semblable au type 2, mais avec une élévation de la partie terminale du segment ST <1 mm.

Notez qu’il est permis d’enregistrer l’ECG à 12 dérivations avec les électrodes des dérivations V1 et V2 placées aux deuxième, troisième ou quatrième espaces intercostaux afin d’augmenter la probabilité de détecter les anomalies ECG. Cette manœuvre est recommandée par les documents de consensus disponibles.

Pour les tracés ECG de type 2 et 3, le diagnostic de syndrome de Brugada n’est confirmé que si le patient présente un tracé ECG de type 1 après administration d’antiarythmiques de classe I (ce test est réalisé en laboratoire d’électrophysiologie dans des conditions contrôlées).

Dépistage du syndrome de Brugada

Le dépistage chez les membres de la famille des patients atteints du syndrome de Brugada est justifié. Il est également recommandé de réaliser un ECG chez tout patient présentant des manifestations cliniques évocatrices du syndrome de Brugada. À ce jour, il n’existe pas d’autres indications pour ce dépistage.

Pronostic

Le risque de syncope, d’arythmie ventriculaire menaçant le pronostic vital, d’arrêt cardiaque et/ou de mort subite d’origine cardiaque est très élevé chez les patients atteints du syndrome de Brugada. Le risque est plus élevé pendant le sommeil, au repos, en cas de fièvre et dans les situations où le tonus vagal est élevé. La tachycardie ventriculaire est polymorphe. En outre, le risque est plus élevé chez les patients présentant un ECG de type 1. Pour des raisons inconnues, jusqu’à 20 % des patients atteints du syndrome de Brugada développent des tachyarythmies supraventriculaires, telles que la fibrillation auriculaire (des cas de TAVR et de WPW ont également été décrits).

Traitement et prise en charge du syndrome de Brugada

Certains changements mineurs dans le mode de vie sont justifiés. La consommation excessive d’alcool est considérée comme pro-arythmique et doit donc être évitée. Le patient ne doit utiliser aucun médicament susceptible d’induire des arythmies ; la liste de ces médicaments est longue et une liste constamment mise à jour est disponible sur le site www.brugadadrugs.org/drug-lists/.

DAI (Défibrillateur Cardioverteur Implantable) pour le syndrome de Brugada

Des études prospectives montrent que l’utilisation d’un DAI peut être très bénéfique dans des cas sélectionnés de syndrome de Brugada. Le DAI prévient la mort cardiaque subite et augmente ainsi le taux de survie. Cependant, le DAI n’est pas indiqué chez les personnes atteintes du syndrome de Brugada asymptomatique (quel que soit le tracé de l’ECG) car le risque d’arrêt cardiaque soudain est très faible.

Un DAI doit être envisagé dans les situations suivantes :

  • Les patients qui ont survécu à un arrêt cardiaque doivent être équipés d’un DAI.
  • Les patients présentant une tachycardie ventriculaire soutenue documentée doivent se voir implanter un DAI.
  • Les patients présentant un ECG de Brugada de type 1 et des antécédents de syncope peuvent bénéficier d’un DAI. L’implantation d’un DAI doit être envisagée.
  • Les patients présentant une fibrillation ventriculaire inductible lors d’une provocation invasive (stimulation lors d’une étude électrophysiologique) peuvent bénéficier d’un DAI. Un DAI doit être envisagé.

Par conséquent, le DAI n’est pas indiqué chez les personnes asymptomatiques, quel que soit le tracé de l’ECG. Le DAI n’est pas non plus indiqué en cas d’antécédents familiaux. Toutefois, lorsqu’un DAI est envisagé, il convient d’inclure les antécédents familiaux dans la stratification du risque.

Quinidine (médicament antiarythmique de classe I)

La quinidine réduit l’incidence de l’arythmie ventriculaire chez les patients atteints du syndrome de Brugada. Ce médicament peut être envisagé chez les patients présentant au moins trois épisodes de fibrillation ventriculaire ou de tachycardie ventriculaire dans les 24 heures. La quinidine doit également être envisagée chez les patients qui souhaitent ne pas avoir de DAI ou qui présentent des contre-indications à l’utilisation d’un DAI.

Références

Priori et al. : Executive summary : HRS/EHRA/APHRS expert consensus statement on the diagnosis and management of patients with inherited primary arrhythmia syndromes.

Antzelevitch et al. : Brugada Syndrome : Report of the Second Consensus Conference.

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