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Interprétation de l'ECG clinique

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  1. Introduction to ECG Interpretation
    6 Chapters
  2. Arrhythmias and arrhythmology
    23 Chapters
  3. Myocardial Ischemia & Infarction
    22 Chapters
  4. Conduction Defects
    11 Chapters
  5. Cardiac Hypertrophy & Enlargement
    5 Chapters
  6. Drugs & Electrolyte Imbalance
    3 Chapters
  7. Genetics, Syndromes & Miscellaneous
    7 Chapters
  8. Exercise Stress Testing (Exercise ECG)
    6 Chapters
Section 2, Chapter 12

Tachycardie sinusale et tachycardie sinusale inappropriée

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Tachycardie sinusale : étiologies, aspects électrocardiographiques, variantes physiologiques et formes pathologiques

La tachycardie sinusale constitue la tachyarythmie la plus fréquente. Elle résulte d’une augmentation du taux de dépolarisation, c’est‑à‑dire de l’automaticité, au niveau du nœud sinusal. Concrètement, celui‑ci émet des impulsions électriques à une fréquence supérieure à la normale. Comme dans le rythme sinusal, le tracé ECG montre un rythme régulier avec une onde P positive en dérivation II, mais la fréquence cardiaque est supérieure à 100 battements par minute.

Bien que la tachycardie sinusale constitue la tachyarythmie la plus fréquente, son diagnostic électrocardiographique n’est pas toujours aisé. Par ailleurs, de nombreux cliniciens demeurent incertains quant à ses implications cliniques. Il est fondamental de distinguer trois formes de tachycardie sinusale, qui diffèrent de manière significative sur les plans physiopathologique, pronostique et thérapeutique. Ces formes sont les suivantes :

  • Tachycardie sinusale normale (physiologique) : L’automaticité, c’est-à-dire le taux de dépolarisation spontanée du nœud sinusal, augmente lors de l’activité physique, du stress ou de l’anxiété. Ce phénomène résulte d’une modulation du tonus du système nerveux autonome, caractérisée par une stimulation sympathique accrue — via l’activation des récepteurs bêta-adrénergiques — et une diminution concomitante de l’influence parasympathique.
  • Tachycardie sinusale secondaire à une pathologie ou à une substance médicamenteuse : De nombreuses affections et agents pharmacologiques peuvent induire une tachycardie sinusale, notamment l’insuffisance cardiaque congestive, les maladies pulmonaires chroniques (par exemple la BPCO), la fièvre, les infections, l’anémie, l’ischémie myocardique ou l’infarctus du myocarde, l’embolie pulmonaire, le phéochromocytome, l’hyperthyroïdie, l’hypovolémie, ainsi que diverses substances telles que l’alcool, les amphétamines, la caféine, les médicaments anticholinergiques et les agonistes bêta‑adrénergiques. Dans ces situations, la tachycardie sinusale constitue le plus souvent la manifestation d’une affection sous‑jacente ou l’effet d’une substance, nécessitant une évaluation clinique rigoureuse. La prise en charge impose donc l’identification systématique et le traitement rapide de la cause déclenchante.
  • Tachycardie sinusale inappropriée : Lorsque toutes les causes identifiables de tachycardie sinusale ont été rigoureusement exclues et que l’accélération du rythme persiste sans étiologie apparente, le diagnostic de tachycardie sinusale inappropriée peut être retenu. Ce diagnostic ne doit être posé qu’après élimination exhaustive des causes secondaires. Cette entité, probablement plus fréquente qu’estimé initialement, peut avoir un impact significatif sur la qualité de vie des patients.

La prise en charge de la tachycardie sinusale consiste à rechercher et traiter toute cause secondaire identifiable ou, en l’absence de cause retrouvée, à poser le diagnostic de tachycardie sinusale inappropriée. Bien qu’aucun traitement fondé sur des preuves solides ne soit actuellement disponible pour cette dernière, l’établissement du diagnostic apporte souvent un bénéfice aux patients en légitimant leurs symptômes (les options thérapeutiques sont discutées ci‑après).

ECG en présence d’une tachycardie sinusale

La tachycardie sinusale satisfait à l’ensemble des critères du rythme sinusal, mais se caractérise par une fréquence cardiaque strictement supérieure à 100 battements par minute. Les critères électrocardiographiques (ECG) de la tachycardie sinusale sont donc les suivants :

Critères électrocardiographiques de la tachycardie sinusale

  • Rythme cardiaque régulier avec une fréquence ventriculaire supérieure à 100 battements par minute.
  • Onde P de morphologie constante, précédant systématiquement chaque complexe QRS.
  • L’onde P présente une polarité positive en dérivation II.
Figure 1. ECG showing sinus tachycardia. Paper speed 25 mm/s. Calculate the heart rate by dividing 300 by the number of large boxes between R-waves. There are approximately 3 large boxes between the R-waves; 300/3 equals 100 beats per minute.
Figure 1. ECG montrant une tachycardie sinusale. Vitesse du papier 25 mm/s. Calculez la fréquence cardiaque en divisant 300 par le nombre de grandes cases entre les ondes R. Il y a environ 3 grandes cases entre les ondes R ; 300/3 est égal à 100 battements par minute.

Caractéristiques électrocardiographiques distinctives de la tachycardie sinusale

Notez qu’à des fréquences cardiaques supérieures à 140 battements par minute, l’identification des ondes P peut devenir difficile, notamment lorsque la vitesse de défilement du papier est de 25 mm/s ; dans ce cas, une vitesse de 50 mm/s peut être recommandée. Recherchez toujours attentivement la présence d’ondes P, car elles peuvent être très discrètes et se manifester uniquement par une légère irrégularité du contour de l’onde T. Cette recherche est essentielle pour confirmer le diagnostic de tachycardie sinusale.

Contrairement à de nombreuses tachyarythmies supraventriculaires paroxystiques (par exemple, la tachycardie auriculaire, la tachycardie jonctionnelle ou certaines formes de tachycardie supraventriculaire), la tachycardie sinusale se caractérise par un début progressif, le patient rapportant souvent une accélération graduelle des palpitations. Il convient de souligner que le mode d’apparition — brutal ou progressif — constitue un élément diagnostique important pour orienter l’identification du type d’arythmie. Un début soudain évoque plus volontiers une tachycardie par réentrée intranodale (AVNRT), une tachycardie par réentrée atrioventriculaire (AVRT), une tachycardie auriculaire, un flutter auriculaire ou une fibrillation auriculaire. Toutefois, il peut également s’agir d’une forme particulière de tachycardie sinusale, appelée tachycardie sinusale réentrante (SANRT, voir ci-dessous).

Une tachycardie sinusale prolongée peut induire des dépressions du segment ST à l’ECG, observables dans toutes les dérivations mais plus fréquemment en V3, V4, V5 et V6. Ces dépressions présentent généralement un segment ST horizontal ou à pente ascendante. La tachycardie sinusale prolongée peut également s’accompagner d’une diminution de l’amplitude de l’onde T, localisée dans les mêmes dérivations que celles présentant les dépressions du segment ST. Ces anomalies électrocardiographiques doivent disparaître rapidement, en quelques minutes, après la résolution de la tachycardie. En cas de persistance, il convient d’évoquer d’autres étiologies, notamment une ischémie myocardique aiguë.

La tachycardie sinusale, lorsqu’elle s’accompagne d’une activation sympathique marquée, exerce un effet bathmotrope positif sur le système de conduction, se traduisant par une augmentation de la vitesse de propagation des impulsions. Il en résulte une réduction légère, généralement non significative, de l’intervalle PR. En revanche, une tachycardie sinusale rapide et prolongée peut entraîner une fatigue du nœud auriculo-ventriculaire, induisant un ralentissement de la conduction et un allongement modéré, là encore non significatif, de l’intervalle PR.

Fréquence cardiaque maximale.

Il est souvent difficile de distinguer une tachycardie sinusale d’autres tachycardies supraventriculaires, telles que le flutter auriculaire ou la tachycardie par réentrée nodale atrioventriculaire (AVNRT). Nombre de ces arythmies présentent une fréquence cardiaque caractéristique. La fréquence intrinsèque maximale du nœud sinusal est limitée et dépend de l’âge, diminuant progressivement en raison d’une moindre sensibilité aux catécholamines. Ainsi, l’estimation de la fréquence sinusale maximale théorique pour un âge donné peut constituer un critère utile pour différencier une tachycardie sinusale d’autres arythmies supraventriculaires. Une fréquence cardiaque dépassant la valeur maximale attendue pour l’âge est peu compatible avec une origine sinusale.

La fréquence maximale de décharge du nœud sinusal peut être estimée à l’aide des formules suivantes :

Sinus tachycardia & Inappropriate Sinus Tachycardia
Formule 1 : Estimation de la fréquence cardiaque maximale en fonction de l’âge et du sexe.

Il convient de noter qu’à l’effort maximal, la fréquence cardiaque sinusale peut légèrement dépasser la valeur estimée par la formule usuelle. Il faut également mentionner l’existence d’une troisième formule, spécifiquement destinée à estimer la fréquence cardiaque maximale chez les patients traités par bêta‑bloquants, ceux-ci réduisant la fréquence de décharge du nœud sinusal.

Intervalle de référence pour le rythme sinusal

La limite inférieure classiquement retenue pour définir une tachycardie sinusale est de 100 battements par minute, seuil arbitraire aujourd’hui discuté. Cette remise en question repose sur des données issues d’études observationnelles (rétrospectives et prospectives) ainsi que d’essais cliniques randomisés, ayant montré une relation linéaire entre la fréquence cardiaque et la mortalité, avec une augmentation progressive du risque dès que la fréquence dépasse 60 battements par minute. Par ailleurs, des travaux récents confirment que la fréquence cardiaque au repos constitue un facteur prédictif indépendant majeur de la mortalité globale et cardiovasculaire.

Tachycardie sinusale inappropriée

La tachycardie sinusale inappropriée est une entité clinique caractérisée par la présence, au repos, d’une fréquence cardiaque sinusale anormalement élevée, persistant à des niveaux excessifs lors de l’effort. Décrite depuis plus de sept décennies, elle demeure toutefois méconnue de nombreux cliniciens. Les données disponibles suggèrent qu’elle résulte d’une augmentation de l’automatisme du nœud sinusal, bien que l’étiologie précise de cette hyperautomaticité reste incertaine. Parmi les hypothèses physiopathologiques figurent une hypersensibilité aux catécholamines et une dysrégulation du système nerveux autonome. Le diagnostic de tachycardie sinusale inappropriée ne peut être retenu qu’après exclusion rigoureuse de toutes les autres causes de tachycardie sinusale.

Les patients présentant une tachycardie sinusale se caractérisent par une fréquence cardiaque au repos supérieure à 100 battements par minute. Ils présentent également une réponse chronotrope exagérée lors de divers efforts physiques. Durant le sommeil, leur fréquence cardiaque demeure plus élevée que la moyenne observée dans la population générale. Pour des raisons encore mal élucidées, une prédominance est observée chez les femmes, en particulier celles exerçant dans le domaine de la santé. Les symptômes fréquemment rapportés incluent la pré-syncope, la syncope, les douleurs ou gênes thoraciques, la dyspnée, l’anxiété et la fatigue.

Il n’existe actuellement aucune preuve solide indiquant une augmentation de la mortalité associée à la tachycardie sinusale inappropriée. Cette observation est quelque peu surprenante, compte tenu du fait que la tachycardie constitue un facteur de risque bien établi de cardiomyopathie induite par la tachycardie. Il est plausible que les patients présentant une tachycardie sinusale inappropriée soient plus susceptibles de développer des pathologies cardiovasculaires, mais les données disponibles demeurent insuffisantes pour le confirmer.

Traitement de la tachycardie sinusale inappropriée

La tachycardie sinusale inappropriée peut être prise en charge par des bêtabloquants oraux (par exemple, bisoprolol 5 à 10 mg en une prise quotidienne), des inhibiteurs calciques ou l’ivabradine. Cette dernière diminue la fréquence cardiaque par inhibition sélective du courant If (« funny current »), selon un mécanisme distinct de celui des bêtabloquants et des inhibiteurs calciques. Toutefois, l’utilisation de l’ivabradine dans cette indication n’est pas approuvée. Une orientation vers un cardiologue doit être envisagée pour évaluation spécialisée.

Tachycardie sinusale au repos

Comme mentionné précédemment, il existe une corrélation étroite entre la fréquence cardiaque au repos et la mortalité cardiovasculaire, ainsi que la mortalité toutes causes confondues. Le risque de décès et d’événements cardiovasculaires augmente dès que la fréquence cardiaque au repos dépasse 60 battements par minute. Ainsi, une différence significative de mortalité est observée même au sein de l’intervalle de référence considéré comme normal, soit entre 50 et 100 battements par minute. Les données issues de l’étude de Framingham ont montré que les sujets appartenant au quintile supérieur de fréquence cardiaque présentent un risque de mort subite d’origine cardiaque environ cinq fois plus élevé que ceux du quintile inférieur.

L’explication de cette observation est très probablement multifactorielle, bien que certaines causes directes soient identifiables. Une fréquence cardiaque élevée accroît la consommation d’oxygène du myocarde, en raison de l’augmentation de la charge de travail, tout en réduisant simultanément l’apport en oxygène. Cette diminution de l’apport est liée au raccourcissement de la diastole à fréquence cardiaque élevée ; en effet, la perfusion coronaire se produit principalement durant la diastole, de sorte que sa réduction temporelle entraîne une baisse de la perfusion myocardique. Une fréquence cardiaque de repos élevée est corrélée à un risque significativement accru d’hypertension artérielle, d’arythmies, de dissection aortique, de cardiopathie athéroscléreuse (cardiopathie ischémique), d’insuffisance cardiaque congestive et de mort subite d’origine cardiaque. Cette association est observée tant chez les sujets sains que chez ceux présentant une pathologie cardiaque avérée.

Prise en charge d’une tachycardie au repos

Aucun traitement n’a, à ce jour, démontré d’efficacité fondée sur des données probantes. La pratique régulière d’une activité physique peut être recommandée en toute sécurité. Le traitement par bêta‑bloquants est généralement bien toléré, et une première prescription de bisoprolol à raison de 5 à 10 mg en une prise quotidienne peut être envisagée.

La tachycardie réentrante du nœud sinusal (SANRT) résulte d’un circuit de réentrée localisé dans ou à proximité immédiate du nœud sinusal. À l’ECG — souvent après une surveillance prolongée — elle se manifeste comme une tachycardie sinusale à début brusque, contrairement à la tachycardie sinusale physiologique, dont l’installation est progressive. L’onde P observée lors d’une SANRT est morphologiquement identique à celle du rythme sinusal normal. Les termes « réentrée du nœud sinusal » ou « tachycardie réentrante du nœud sinusal » sont également utilisés pour désigner cette entité.

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