Stimulation cardiaque de base, fonctions et réglages des stimulateurs cardiaques
Seuil de stimulation
Comme nous l’avons vu précédemment, le myocarde peut être excité par des stimuli électriques externes qui amènent les cellules au seuil. Le seuil de stimulation est la quantité minimale d’énergie nécessaire pour atteindre le seuil et provoquer un potentiel d’action. L’intensité du stimulus électrique est décrite par son amplitude (mesurée en volts) et sa durée (mesurée en millisecondes). L’amplitude et la durée de l’impulsion doivent être optimisées pour assurer la dépolarisation tout en minimisant la consommation de la batterie. Les amplitudes sont normalement inférieures à 1,5 V et la durée de l’impulsion (largeur) est généralement fixée à 0,5 ms.
La relation entre le courant (I), la tension (V) et la résistance (R) est décrite par la loi d’Ohm :
V = I × R
Les stimulateurs cardiaques génèrent une tension constante (V). Le courant délivré par le générateur d’impulsions peut être calculé comme suit :
I = V/R
Étant donné que la tension (V) est constante et que l’épuisement de la batterie doit être réduit au minimum, la plupart des stimulateurs cardiaques utilisent des embouts à forte résistance (400 à 1200 Ω). Plus la résistance de l’embout est élevée, plus le courant utilisé est faible.
Paramètres du logiciel
Le logiciel du stimulateur cardiaque comprend des algorithmes et des réglages préprogrammés, qui peuvent être adaptés aux besoins du patient. La programmation s’effectue à l’aide d’un dispositif externe qui communique sans fil avec le stimulateur cardiaque. Il est possible d’ajuster un large éventail de paramètres. Ces réglages comprennent la fréquence de base du stimulateur cardiaque (la fréquence cardiaque la plus basse autorisée, qui déclenche le stimulateur), le comportement du stimulateur à faible et à forte fréquence cardiaque, le comportement du stimulateur en présence et en l’absence d’activité cardiaque intrinsèque. Les stimulateurs cardiaques modernes sont dotés d’algorithmes qui optimisent la fonction. Par exemple, il existe des fonctions qui réévaluent en permanence le seuil de stimulation afin de calibrer les stimulations en fonction de l’excitabilité du myocarde.
Fonctions du stimulateur cardiaque
Les fonctions d’un stimulateur cardiaque dépendent du logiciel, du matériel et de la programmation. Les systèmes de stimulateurs cardiaques les plus simples se composent d’un générateur d’impulsions et d’une sonde, située soit dans l’oreillette droite, soit dans le ventricule droit. Ces systèmes sont appelés systèmes à chambre unique. De nos jours, la plupart des stimulateurs cardiaques implantés sont des systèmes double chambre, ce qui signifie que deux sondes sont utilisées : une dans l’oreillette et une dans le ventricule. Les systèmes à double chambre offrent la possibilité de détecter et de stimuler à la fois les oreillettes et les ventricules.
Détection
Le stimulateur cardiaque peut enregistrer l’activité cardiaque intrinsèque et y répondre de manière appropriée. Plus précisément, les stimulateurs cardiaques détectent les dépolarisations intrinsèques. Les dépolarisations sont représentées par l’onde P (sonde auriculaire) et le complexe QRS (sonde ventriculaire). Les ondes T reflètent la repolarisation et ne doivent pas être détectées par le stimulateur cardiaque.
La détection est utilisée pour inhiber ou déclencher les impulsions de stimulation. L’inhibition de la stimulation est appropriée en cas d’activité cardiaque intrinsèque ; la présence d’une activité auriculaire ou ventriculaire spontanée doit inhiber la stimulation dans la chambre avec activité. Cependant, la détection d’une activité auriculaire spontanée (ondes P) sans activité ventriculaire subséquente (QRS) doit entraîner une stimulation dans les ventricules.
Pour détecter correctement, le stimulateur cardiaque doit détecter les courants de dépolarisation en champ proche (P ou QRS) et ignorer les courants de repolarisation en champ proche (ondes T), ainsi que les courants en champ lointain (c’est-à-dire les courants générés par les tissus auxquels l’électrode n’est pas connectée). Les signaux externes provenant de l’électronique (téléphones portables, ordinateurs, etc.) doivent également être ignorés. La sonde auriculaire est donc réglée pour enregistrer des signaux d’une amplitude de 1,5 à 5 mV et d’une fréquence de 80 à 100 Hz. La sonde ventriculaire enregistre des signaux d’une fréquence de 10 à 30 Hz et d’une amplitude de 5 à 25 mV. Le stimulateur cardiaque ne détecte pas la dépolarisation en dehors de ces limites, ce qui peut entraîner une sous-détection de l’activité intrinsèque réelle et donc une activité inappropriée du stimulateur cardiaque.
Comme discuté dans le chapitre précédent, la délivrance des impulsions de stimulation peut être bipolaire ou unipolaire. La détection peut également être bi- ou unipolaire. En général, la détection est plus précise avec la stimulation bipolaire, car les deux points de mesure sont situés à l’intérieur du cœur (c’est-à-dire que les deux électrodes sont situées à l’extrémité de la sonde).
Fréquence de base
La fréquence de base est la fréquence cardiaque la plus basse autorisée par le stimulateur cardiaque ; l’activité cardiaque intrinsèque inférieure à la fréquence de base déclenche la stimulation. La fréquence de base est généralement fixée à 60 battements/min, ce qui signifie que le stimulateur n’attendra que 1 000 ms après chaque dépolarisation avant de délivrer une impulsion. Les dépolarisations spontanées survenant dans les 1 000 ms inhibent le stimulateur cardiaque.
Déclenchement
Le stimulateur cardiaque peut également être déclenché, ce qui signifie qu’il rythme le ventricule en réponse à une activité auriculaire intrinsèque. Lorsqu’il détecte une activité auriculaire intrinsèque, le stimulateur cardiaque stimule le ventricule après un certain délai afin d’imiter le délai physiologique du nœud AV. Le déclenchement permet aux ventricules de suivre l’activité auriculaire, ce qui est souhaitable.
Le déclenchement peut devenir inapproprié dans les situations suivantes :
- Pendant une tachyarythmie supraventriculaire (par exemple, fibrillation auriculaire) : le stimulateur cardiaque peut transférer l’arythmie aux ventricules, ce qui est tout à fait inapproprié.
- Si la dépolarisation résultant de la stimulation ventriculaire se propage vers les oreillettes, la détection auriculaire peut déclencher une nouvelle stimulation ventriculaire. Ce cycle peut se répéter et provoquer une tachyarythmie sans fin.
Pour éviter un déclenchement inapproprié, le stimulateur cardiaque dispose de trois mécanismes de protection :
- PVARP : La détection auriculaire est désactivée (réfractaire) à partir du début du complexe QRS jusqu’à une certaine période après la fin du QRS. Cette période réfractaire, illustrée dans la figure 1, est appelée PVARP (Post-Ventricular Atrial Refractory Period). Si l’impulsion ventriculaire retourne dans les oreillettes pendant la PVARP, l’électrode auriculaire ignore l’impulsion. En fait, l’électrode auriculaire ignore toutes les impulsions dans les oreillettes (par exemple, les impulsions provenant d’une fibrillation auriculaire) pendant la PVARP. Enfin, cela empêche également l’électrode auriculaire de détecter les dépolarisations ventriculaires et d’y réagir.
- Fréquence maximale : Le stimulateur cardiaque peut être réglé sur une limite de déclenchement maximale. Indépendamment de l’activité auriculaire, le stimulateur cardiaque n’émettra pas de rythme à une fréquence supérieure à cette limite.
- Commutateur de mode : Certains stimulateurs cardiaques sont dotés d’une fonction de commutation de mode qui permet de désactiver le déclenchement pendant une tachyarythmie supraventriculaire.

Mode de stimulation
Le mode de stimulation est déclaré par une abréviation composée de 3 à 5 lettres. Ces lettres décrivent, dans l’ordre chronologique, les éléments suivants :
- La chambre stimulée : O (omise), A (oreillette), V (ventricule) ou D (double, oreillettes et ventricules)
- La chambre détectée : O (omise), A (oreillette), V (ventricule) ou D (double, oreillettes et ventricules)
- Réponse aux événements détectés : O (omise), I (inhibée), T (déclenchée) ou D (double, inhibée et déclenchée).
- Réactivité au rythme : O (omise, aucune) ou R (sensible à la fréquence)
- Stimulation multisite (stimulation à plusieurs endroits dans la même chambre) : O (omise), A (oreillette), V (ventricule) ou D (double, oreillettes et ventricules)
Si le stimulateur cardiaque n’est pas sensible à la fréquence, la quatrième lettre peut être omise. Cela s’applique également à la cinquième lettre (stimulation multisite).
Exemple : Un stimulateur DDDR :
D = Double stimulation (stimulation dans les oreillettes et les ventricules).
D = Double détection (détection dans les oreillettes et les ventricules).
D = Double réponse (peut être à la fois inhibée et déclenchée).
R = Rate responsive (la fréquence de stimulation peut s’adapter à l’activité physique).
Dans la pratique clinique, les DDD, VVI et AAI sont les plus courants, avec ou sans réactivité à la fréquence.
Stimulation asynchrone
Un stimulateur cardiaque réglé sur AOO stimule dans l’oreillette mais n’a pas de détection et donc pas de réponse à la détection. Un tel stimulateur stimule à une fréquence fixe, indépendamment de l’activité cardiaque intrinsèque. Il s’agit d’une stimulation asynchrone car elle n’est pas synchronisée avec l’activité cardiaque intrinsèque. De même, le VOO fournit une stimulation asynchrone dans le ventricule, et le DOO fournit une stimulation asynchrone dans les oreillettes et les ventricules.
La stimulation asynchrone est rarement utilisée, mais elle peut être utile lorsque l’activité cardiaque intrinsèque est insuffisante mais qu’il existe des troubles importants (qui, autrement, inhiberaient la stimulation). La stimulation asynchrone est alors appropriée car elle stimule à un rythme fixe et ignore les signaux de l’entourage. La stimulation asynchrone se déclenche également lorsque la batterie est déchargée ou lorsqu’un aimant de stimulateur cardiaque est placé sur la boîte (notez que l’effet d’un aimant de stimulateur cardiaque peut varier selon le fabricant).
Systèmes courants à chambre unique
Le stimulateur cardiaque avec AAI possède une électrode dans l’oreillette droite. L’électrode est utilisée pour la stimulation et la détection, et le stimulateur est inhibé lorsque l’activité spontanée de l’oreillette (onde P) est détectée. Si l’activité auriculaire est plus lente que la fréquence de base du stimulateur cardiaque, ce dernier se met en marche.
Un stimulateur VVI stimule et détecte dans la chambre et, s’il détecte une activité ventriculaire spontanée (onde R), il ne stimule pas. Si la fréquence ventriculaire est plus lente que la fréquence de base, le stimulateur s’active.
Système à deux chambres
Le système à deux chambres le plus courant est le DDD, qui implique une stimulation dans les oreillettes et les ventricules, une détection dans les oreillettes et les ventricules, et la possibilité d’être inhibé ou déclenché. Ce stimulateur cardiaque stimule les oreillettes et les ventricules si la fréquence cardiaque intrinsèque est inférieure à la fréquence de base du stimulateur. Si la fréquence cardiaque spontanée est plus rapide que la fréquence de base du stimulateur cardiaque, ce dernier est inhibé. Si la fréquence auriculaire spontanée est inférieure à la fréquence de base du stimulateur cardiaque, ce dernier s’active dans l’oreillette. Il attend ensuite l’activité du ventricule et, s’il ne détecte pas de dépolarisation ventriculaire dans un certain délai (voir le délai AV ci-dessous), il stimule également la chambre. Si la fréquence auriculaire dépasse la fréquence de base du stimulateur, mais pas la fréquence ventriculaire, la stimulation auriculaire est inhibée, mais la stimulation ventriculaire est déclenchée.
Le stimulateur DDI offre une stimulation et une détection dans les oreillettes et les ventricules et peut également être inhibé en cas d’activité spontanée. L’activité auriculaire ne déclenche pas la stimulation ventriculaire. Cependant, le stimulateur stimulera le ventricule s’il ne détecte pas d’impulsion ventriculaire dans un certain laps de temps après la stimulation auriculaire.
Le choix d’un stimulateur cardiaque dépend de la maladie sous-jacente. L’organigramme suivant est recommandé par l’Association européenne de cardiologie et est conforme aux lignes directrices publiées par l’American Heart Association et l’American College of Cardiology.

Fonctions accessoires
Gestion du retard AV
Les stimulateurs cardiaques qui stimulent à la fois les oreillettes et les ventricules sont programmés pour imiter le retard naturel du nœud AV. Ce délai programmé (délai AV) peut être ajusté et les stimulateurs modernes permettent également d’ajuster le délai AV en fonction de la fréquence cardiaque ; le délai AV est plus court à des fréquences cardiaques élevées et vice versa. Le délai AV est plus court lorsque la fréquence cardiaque est élevée et vice versa, ce qui améliore l’hémodynamique.
Réactivité à la fréquence cardiaque
La fréquence cardiaque doit augmenter pendant l’exercice afin d’accroître le débit cardiaque. Si le stimulateur cardiaque est déclenché dans le ventricule, l’augmentation naturelle de la fréquence auriculaire pendant l’exercice entraînera une augmentation correspondante de la fréquence ventriculaire. Toutefois, il faut pour cela que le stimulateur ait ce mode de stimulation et que le rythme auriculaire soit un rythme sinusal. Évidemment, ce n’est pas toujours le cas et c’est pourquoi certains stimulateurs cardiaques sont équipés d’un capteur qui détecte l’activité physique. Le capteur peut être un accéléromètre ou un cristal piézoélectrique, qui détectent tous deux les mouvements. Lorsque le capteur détecte une activité physique, il augmente la fréquence ventriculaire en conséquence.
Hystérésis
Le but de l’hystérésis est de minimiser le besoin de stimulation. L’hystérésis implique que le stimulateur cardiaque accepte que la fréquence cardiaque tombe à un certain niveau en dessous de la fréquence de base, mais lorsque cette fréquence inférieure est atteinte, le stimulateur cardiaque stimule la fréquence de base. Cette stimulation se poursuit pendant un certain temps, après quoi le stimulateur arrête la stimulation, afin d’évaluer si l’activité intrinsèque (au-dessus de la limite d’hystérésis) s’est rétablie.
Changement de mode
Un stimulateur cardiaque peut, sur la base d’algorithmes préprogrammés, modifier ses réglages. Par exemple, un DDD peut passer en DDI en cas de fibrillation auriculaire. Le stimulateur cardiaque analyse en permanence l’activité auriculaire pour déterminer s’il doit modifier ses réglages.
Effet magnétique
Le fait de placer un aimant sur le générateur d’impulsions affecte ses fonctions. L’effet varie selon le type de stimulateur cardiaque. En général, cependant, la plupart des stimulateurs cardiaques passent à une stimulation asynchrone (VOO ou AOO, ou DOO). La figure 3 illustre l’effet de la pose d’un aimant sur différents stimulateurs cardiaques.

Stimulation biventriculaire : CRT
Un stimulateur biventriculaire stimule les deux ventricules. Ce mode de stimulation convient aux situations présentant un trouble de la conduction prononcé, qui se manifeste par un allongement sévère du QRS. Ce trouble de la conduction entraîne une désynchronisation de l’activité ventriculaire, ce qui rend les contractions ventriculaires moins efficaces, avec des effets négatifs sur l’hémodynamique et la survie globale en cas d’insuffisance cardiaque.
Dans les stimulateurs biventriculaires, la sonde supplémentaire est placée dans le sinus coronaire, d’où elle stimule le ventricule gauche (figure 5). Le terme thérapie de resynchronisation cardiaque (TRC) est synonyme de stimulation biventriculaire. La TRC réduit les symptômes de l’insuffisance cardiaque et prolonge la survie.
Il est également possible d’équiper une TRC d’un défibrillateur (CRT-D), ce qui convient aux personnes présentant un risque élevé d’arythmie ventriculaire.
