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Interprétation de l'ECG clinique

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  1. Introduction to ECG Interpretation
    6 Chapters
  2. Arrhythmias and arrhythmology
    23 Chapters
  3. Myocardial Ischemia & Infarction
    22 Chapters
  4. Conduction Defects
    11 Chapters
  5. Cardiac Hypertrophy & Enlargement
    5 Chapters
  6. Drugs & Electrolyte Imbalance
    3 Chapters
  7. Genetics, Syndromes & Miscellaneous
    7 Chapters
  8. Exercise Stress Testing (Exercise ECG)
    6 Chapters
Section 2, Chapter 13

Fibrillation auriculaire : électrocardiogramme, classification, étiologies, facteurs de risque et stratégies de prise en charge

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Fibrillation auriculaire : définition, étiologie, facteurs de risque, diagnostic électrocardiographique et prise en charge

La fibrillation auriculaire constitue la tachyarythmie anormale la plus fréquente, seule la tachycardie sinusale présentant une incidence supérieure. Sa prévalence est fortement corrélée à l’âge : environ 10 % des sujets âgés de 80 ans ou plus en sont atteints, tandis qu’elle demeure rare avant 50 ans. Dans les populations occidentales, la prévalence globale est estimée entre 1,0 % et 1,5 %. Elle est généralement plus faible dans les pays non occidentaux, principalement en raison d’une pyramide des âges plus jeune (les données de prévalence ajustées à l’âge y sont toutefois limitées). L’âge avancé représente le facteur de risque le plus déterminant pour le développement de la fibrillation auriculaire. Parmi les autres facteurs de risque majeurs figurent : le sexe masculin, l’hypertension artérielle, l’hypertrophie ventriculaire gauche, la dysfonction ventriculaire gauche, les valvulopathies, la coronaropathie, les cardiomyopathies, l’insuffisance cardiaque congestive, les cardiopathies congénitales, le diabète sucré (types 1 et 2), l’obésité, le tabagisme, l’apnée obstructive du sommeil et la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Par ailleurs, certaines tachyarythmies favorisent la survenue d’une fibrillation auriculaire, notamment le flutter auriculaire, la tachycardie par réentrée intranodale (AVNRT) et la tachycardie par réentrée atrioventriculaire (AVRT) en contexte de préexcitation, tel que le syndrome de Wolff-Parkinson-White (WPW).

La fibrillation auriculaire survenant dans un contexte d’hyperthyroïdie (thyrotoxicose), d’intoxication alcoolique aiguë, de chirurgie thoracique, d’infarctus aigu du myocarde, de péricardite ou de myocardite, ou encore d’embolie pulmonaire, constitue le plus souvent une arythmie potentiellement réversible, associée à un faible risque de récidive. En revanche, la fibrillation auriculaire apparaissant en dehors de ces situations tend à évoluer vers une forme progressive.

Complications de la fibrillation auriculaire et options thérapeutiques disponibles

Dans les modèles multivariés — c’est-à-dire les modèles statistiques tenant compte des facteurs de confusion — les patients atteints de fibrillation auriculaire présentent un risque environ cinq fois plus élevé d’accident vasculaire cérébral et deux fois plus élevé de mortalité, comparativement aux sujets indemnes de fibrillation auriculaire. L’augmentation du risque d’accident vasculaire cérébral s’explique principalement par la formation de thrombus au niveau de l’appendice auriculaire gauche. Ces thrombus peuvent se détacher, migrer dans la circulation systémique et entraîner des occlusions thromboemboliques des artères cérébrales, des membres ou d’autres territoires vasculaires. Toutefois, l’excès de mortalité observé ne s’explique pas uniquement par l’incidence accrue des accidents vasculaires cérébraux : la fibrillation auriculaire est également associée à une augmentation globale de la mortalité cardiovasculaire. Ce constat est cohérent avec les effets délétères des épisodes prolongés de tachycardie et de la désynchronisation entre l’activité auriculaire et ventriculaire.

Heureusement, la prise en charge de la fibrillation auriculaire a considérablement progressé. L’anticoagulation constitue une stratégie très efficace pour réduire le risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique. La warfarine, tout comme les anticoagulants oraux directs (AOD), permet de diminuer ce risque d’environ 70 % par rapport à un placebo. Outre l’anticoagulation, la fibrillation auriculaire peut être traitée par un contrôle de la fréquence ventriculaire et/ou du rythme cardiaque. Le contrôle de la fréquence repose sur l’utilisation de médicaments visant à ralentir la conduction auriculo-ventriculaire, les bêta-bloquants en constituant la pierre angulaire. Cette approche ne restaure pas le rythme sinusal. Le contrôle du rythme, quant à lui, vise à rétablir et maintenir le rythme sinusal, le plus souvent par l’administration de médicaments antiarythmiques. Les essais randomisés contrôlés n’ont pas mis en évidence de différence significative de mortalité entre les stratégies de contrôle de la fréquence et de contrôle du rythme. Toutefois, le contrôle du rythme expose à un risque proarythmique lié à la plupart des antiarythmiques, ce qui conduit de nombreux cliniciens à privilégier le contrôle de la fréquence. Les deux stratégies, lorsqu’elles sont bien conduites, peuvent réduire la morbidité, améliorer la qualité de vie et, dans certains contextes, influencer favorablement la mortalité. Ces approches seront détaillées ultérieurement.

Symptomatologie de la fibrillation auriculaire

Environ 25 % des patients atteints de fibrillation auriculaire sont asymptomatiques. Chez ces sujets, un dépistage systématique par électrocardiogramme (ECG) peut permettre de mettre en évidence l’arythmie. Malheureusement, la fibrillation auriculaire est encore trop souvent diagnostiquée lors d’une admission hospitalière motivée par l’une de ses complications, telles qu’un accident vasculaire cérébral ischémique, une thromboembolie, une insuffisance cardiaque ou une dyspnée aiguë. La majorité des patients présentent toutefois des symptômes avant l’apparition de ces complications. Les manifestations cliniques les plus fréquentes incluent les palpitations, la dyspnée, la fatigue, la gêne thoracique et la diminution de la tolérance à l’effort, souvent associées entre elles. Les étourdissements sont également fréquents, tandis que la syncope demeure rare. En présence d’épisodes de syncope ou de pré-syncope chez un patient en fibrillation auriculaire, il convient d’évoquer un syndrome tachy-brady, traduisant un dysfonctionnement concomitant du nœud sinusal. L’apparition d’une fibrillation auriculaire inaugurale dans un contexte d’insuffisance cardiaque congestive est inhabituelle chez les patients dont la fonction ventriculaire gauche était initialement préservée.

Il convient de noter que les symptômes de tachyarythmie liés à la fibrillation auriculaire (tels que palpitations, gêne thoracique, dyspnée, etc.) apparaissent de manière brutale, les patients rapportant le plus souvent un début soudain des palpitations.

ECG en cas de fibrillation auriculaire

La fibrillation auriculaire se caractérise par l’absence d’ondes P et par une activité ventriculaire totalement irrégulière. La ligne de base (intervalle isoélectrique entre les complexes QRS) présente soit des ondes fibrillatoires (ondes f), soit de fines oscillations. Les ondes fibrillatoires sont de faible amplitude, de morphologie variable et de fréquence élevée (300 à 600 par minute). Leur amplitude peut varier de faible à importante. Les ondes f de grande amplitude ne doivent pas être confondues avec les ondes de flutter (ondes F) observées dans le flutter auriculaire. La distinction est généralement aisée : les ondes f présentent toujours une morphologie variable et une fréquence plus élevée, tandis que les ondes de flutter sont régulières et morphologiquement uniformes. Les figures 1 et 2 illustrent des tracés ECG typiques de fibrillation auriculaire.

Figure
 
Figure 2. Atrial fibrillation without visible f-waves. Instead there is minute oscillations of the baseline.
Figure 2. Fibrillation auriculaire sans ondes f visibles. Au lieu de cela, on observe de minuscules oscillations de la ligne de base.

La fréquence ventriculaire est totalement irrégulière, généralement comprise entre 100 et 180 battements par minute. Elle peut être influencée par l’âge du patient, les traitements médicamenteux en cours et la présence éventuelle de blocs auriculo-ventriculaires (AV) associés. Une fibrillation auriculaire avec une fréquence ventriculaire très élevée peut parfois donner l’illusion d’un rythme régulier, ce qui justifie, dans ce contexte, l’augmentation de la vitesse de défilement du papier de 25 mm/s à 50 mm/s afin de mieux apprécier la variabilité. Il est donc essentiel de mesurer avec précision la régularité du rythme (voir ECG, figure 3). En cas de doute diagnostique, il est souvent pertinent de recourir au massage du sinus carotidien, qui stimule l’activité vagale au niveau du nœud AV, augmente le degré de blocage nodal et réduit ainsi la fréquence ventriculaire, rendant l’irrégularité plus évidente.

Figure 3. Rapid atrial fibrillation.
Figure 3. Fibrillation auriculaire rapide.

Fibrillation auriculaire et phénomène d’Ashman

La fibrillation auriculaire n’altère pas la morphologie du complexe QRS, à condition que la conduction intraventriculaire demeure normale. Toutefois, le phénomène d’Ashman est fréquemment observé au cours de la fibrillation auriculaire. Il s’agit d’une forme particulière de conduction ventriculaire aberrante, caractérisée par l’apparition transitoire d’un bloc de branche consécutif à une variation brutale de la durée du cycle cardiaque. L’ECG ci-dessous illustre un exemple typique de phénomène d’Ashman.

Figure 4. ECG showing Ashman's phenomenon during atrial fibrillation.
Figure 4. ECG montrant le phénomène d’Ashman pendant une fibrillation auriculaire.
Figure 5. Example of 12-lead ECG with atrial fibrillation. Paperspeed: 25 mm/s.
Figure 5. Exemple d’ECG à 12 dérivations avec fibrillation auriculaire. Vitesse du papier : 25 mm/s.

Classification de la fibrillation auriculaire

La fibrillation auriculaire est classée selon la durée de l’épisode arythmique.

  • Fibrillation auriculaire nouvellement diagnostiquée : épisode de fibrillation auriculaire identifié pour la première fois, quelle qu’en soient la durée et la symptomatologie.
  • Fibrillation auriculaire paroxystique : épisode de fibrillation auriculaire d’une durée inférieure à 7 jours, se résolvant spontanément dans la majorité des cas, le plus souvent en moins de 48 heures.
  • Fibrillation auriculaire persistante : arythmie durant plus de sept jours, nécessitant le plus souvent une intervention thérapeutique, telle qu’une cardioversion, pour restaurer le rythme sinusal.
  • Fibrillation auriculaire persistante de longue durée : forme de fibrillation auriculaire ininterrompue dont la durée excède 12 mois.
  • La fibrillation auriculaire permanente correspond à une situation dans laquelle le patient et le clinicien, après de multiples tentatives infructueuses de cardioversion, conviennent d’abandonner les efforts visant à restaurer le rythme sinusal. Cette décision peut toutefois être réévaluée si les deux parties souhaitent entreprendre une nouvelle tentative de rétablissement du rythme sinusal.

Le retour à un rythme sinusal, qu’il survienne spontanément ou à la suite d’une cardioversion (électrique ou pharmacologique), n’influence pas la classification. En revanche, la cardioversion, qu’elle soit électrique ou pharmacologique, interrompt la durée naturelle de l’arythmie et peut, de ce fait, modifier la classification.

La fibrillation auriculaire est classiquement une affection évolutive, tendant à progresser vers une forme permanente. Ce processus est le plus souvent graduel : les patients présentant une fibrillation auriculaire paroxystique développent, au fil du temps, un nombre croissant d’épisodes, jusqu’à ce que l’arythmie devienne persistante. Une fois ce stade atteint, la fréquence et la durée des épisodes augmentent généralement, conduisant à une fibrillation auriculaire persistante de longue durée. Il convient toutefois de souligner que certains patients conservent une forme paroxystique ou persistante tout au long de l’évolution, tandis que d’autres ne retrouvent jamais un rythme sinusal après le diagnostic initial.

Le traitement par ablation n’est indiqué que dans les cas de fibrillation auriculaire paroxystique ou persistante. Un traitement par anticoagulants, associé à une stratégie de contrôle de la fréquence ou du rythme, doit être envisagé pour toutes les formes de fibrillation auriculaire.

Autres formes de fibrillation auriculaire

Le terme « fibrillation auriculaire solitaire » désigne une fibrillation auriculaire survenant chez un patient de moins de 60 ans, sans cardiopathie structurelle ni facteurs de risque associés, et présentant un examen échocardiographique normal. Cette forme présente généralement un pronostic favorable et ne justifie habituellement pas la mise en place d’un traitement anticoagulant.

Les termes « fibrillation auriculaire valvulaire » et « fibrillation auriculaire non valvulaire » sont employés pour préciser si l’arythmie est potentiellement secondaire à une pathologie valvulaire cardiaque. Cette distinction revêt une importance thérapeutique majeure, la forme valvulaire étant généralement beaucoup plus difficile à réduire en rythme sinusal. Les tentatives de cardioversion électrique ou pharmacologique dans ce contexte sont le plus souvent infructueuses, la majorité des patients rechutant rapidement en fibrillation auriculaire, même lorsque la procédure initiale réussit.

Arythmies associées à la fibrillation auriculaire

Les patients atteints de fibrillation auriculaire présentent fréquemment un flutter auriculaire et/ou une tachycardie auriculaire. Les sujets porteurs d’une pré-excitation, notamment dans le cadre d’un syndrome de Wolff-Parkinson-White, présentent un risque accru de développer une fibrillation auriculaire. Certaines études rapportent que jusqu’à 30 % des patients présentant une pré-excitation cliniquement manifeste évoluent vers une fibrillation auriculaire.

Mécanismes : la fibrillation auriculaire résulte d’une activité électrique auriculaire anarchique et désorganisée, entraînant une contraction inefficace des oreillettes.

De nombreuses données montrent que la fibrillation auriculaire induit, par elle-même, des modifications hémodynamiques et électrophysiologiques du myocarde, augmentant ainsi la susceptibilité à de nouveaux épisodes. Des épisodes fréquents et prolongés de fibrillation auriculaire peuvent, de ce fait, favoriser l’apparition ultérieure d’autres épisodes. Ces altérations sont illustrées à la figure 5. À terme, les remaniements anatomiques et électrophysiologiques peuvent conduire à l’installation d’une fibrillation auriculaire permanente (comme expliqué ci‑dessous).

Figure 5. Flow chart showing the development of atrial fibrillation and how it promotes continued fibrillatory activity.
Figure 5. Organigramme montrant le développement de la fibrillation auriculaire et la manière dont elle favorise la poursuite de l’activité fibrillatoire.

Mécanismes électrophysiologiques de la fibrillation auriculaire

En résumé

Les mécanismes anatomiques et électrophysiologiques à l’origine de la fibrillation auriculaire demeurent encore imparfaitement élucidés. Ils sont complexes et feront l’objet d’un développement détaillé ci-après. Pour le lecteur non spécialisé en électrocardiologie, il convient de retenir que la fibrillation auriculaire résulte d’une activité électrique anarchique au sein des oreillettes. Cette désorganisation est liée à la présence simultanée de multiples circuits de réentrée, générant des fronts d’onde se propageant de manière désordonnée dans le tissu auriculaire. Ces ondes entrent en collision entre elles ou avec des zones myocardiques en période réfractaire, ce qui fragmente les impulsions et entretient le chaos électrique. Les lecteurs souhaitant approfondir pourront se reporter à l’explication détaillée qui suit.

L’histoire longue

La fibrillation auriculaire repose sur deux mécanismes principaux : un déclencheur et un substrat conducteur. Le déclencheur correspond à l’événement initial qui induit la fibrillation auriculaire, tandis que le substrat conducteur désigne l’ensemble des altérations électrophysiologiques et anatomiques permettant le maintien de l’arythmie. Les oreillettes des patients développant une fibrillation auriculaire présentent souvent des modifications structurelles et fonctionnelles favorisant à la fois l’initiation et la persistance du trouble du rythme. Le vieillissement, principal facteur de risque, entraîne une dégénérescence progressive du myocarde et du tissu de conduction. D’autres facteurs, tels que les cardiopathies structurelles (cardiomyopathies, insuffisance cardiaque, valvulopathies), les cardiopathies ischémiques, les affections pulmonaires chroniques, certaines prédispositions génétiques ou encore les dysfonctionnements du système nerveux autonome, contribuent également à la genèse de l’arythmie. Les données issues de nombreuses études démontrent de façon concordante que la majorité des foyers déclencheurs et des circuits de maintien sont localisés au niveau des veines pulmonaires, qui drainent le sang oxygéné vers l’oreillette gauche.

La zone de transition entre les veines pulmonaires et le myocarde auriculaire semble présenter une vulnérabilité électrique particulière. Les études montrent que, chez la majorité des patients atteints de fibrillation auriculaire paroxystique, le foyer déclencheur est localisé dans une veine pulmonaire. Ce foyer ectopique émet des impulsions à haute fréquence, susceptibles d’induire de courts épisodes de fibrillation auriculaire. Toutefois, en l’absence d’un substrat conducteur, l’arythmie cesse dès que le foyer déclencheur interrompt ses décharges. Un substrat conducteur peut se former lorsque les impulsions issues du foyer rencontrent un myocarde présentant une conductivité ou une excitabilité hétérogène. Dans ce contexte, la présence de zones à conduction ou excitabilité variables peut entraîner un bloc unidirectionnel et favoriser la mise en place de circuits de réentrée. Les ondes issues de ces circuits peuvent se propager, entrer en collision avec d’autres ondes, s’éteindre ou rencontrer de nouveaux blocs, fragmentant ainsi l’activité électrique. Cette fragmentation favorise la propagation aléatoire de fronts d’onde résiduels dans les oreillettes. En résumé, la fibrillation auriculaire paroxystique est initiée par un foyer déclencheur à haute fréquence ; les impulsions peuvent interagir avec un myocarde à conduction ou excitabilité hétérogène, générant des blocs et des circuits de réentrée, lesquels peuvent à leur tour engendrer d’autres circuits de réentrée.

Les phases initiales de la fibrillation auriculaire — notamment la fibrillation auriculaire paroxystique et la fibrillation auriculaire récemment diagnostiquée — se caractérisent par la présence d’un ou de quelques foyers ectopiques, généralement localisables et accessibles à une ablation ciblée. Cette intervention permet, dans de nombreux cas, de supprimer le déclencheur primaire et d’obtenir une guérison durable. Toutefois, avec le temps, le nombre de foyers ectopiques et de circuits de réentrée tend à augmenter, phénomène étroitement associé à la progression vers une fibrillation auriculaire persistante ou persistante de longue durée. En conséquence, l’efficacité de l’ablation diminue significativement chez les patients présentant ces formes plus avancées.

L’augmentation du nombre de foyers ectopiques et de circuits de réentrée s’explique par le fait que la fibrillation auriculaire, ainsi que les facteurs de risque qui lui sont associés, induit des modifications électrophysiologiques et anatomiques des oreillettes, favorisant à la fois les déclencheurs et les mécanismes de maintien de l’arythmie. Cette évolution progressive du myocarde auriculaire est désignée sous le terme de remodelage auriculaire. Le degré de ce remodelage est étroitement corrélé à la fréquence et à la durée des épisodes de fibrillation auriculaire. Parmi les altérations observées figurent notamment des modifications de l’expression et de la fonction des canaux ioniques — en particulier des canaux calciques — ainsi que le développement d’une fibrose interstitielle. À terme, la structure électrophysiologique et anatomique des oreillettes est si profondément remaniée que la fibrillation auriculaire tend à devenir permanente.

Outre les veines pulmonaires, des foyers ectopiques peuvent également se situer à l’abouchement de la veine cave supérieure, de la veine cave inférieure, du sinus coronaire ainsi qu’à l’insertion de la veine de Marshall.

Le système nerveux autonome joue un rôle déterminant dans l’induction de la fibrillation auriculaire paroxystique. Environ un tiers des patients présentent leurs épisodes dans des contextes d’hyperactivité vagale (notamment pendant le sommeil ou au repos) ou d’hyperactivité sympathique (par exemple lors d’un effort physique ou d’un stress aigu). Ce système module les potentiels d’action du myocarde auriculaire, en particulier au niveau des régions péri-veines pulmonaires. Toutefois, l’innervation autonome des oreillettes est hétérogène, la distribution des fibres nerveuses variant selon les zones, ce qui entraîne une modulation inégale des potentiels d’action et favorise ainsi la survenue de fibrillation auriculaire.

Bien que, dans la majorité des cas, la fibrillation auriculaire soit initiée par un foyer ectopique, elle peut également être déclenchée par d’autres arythmies, telles qu’une tachycardie par réentrée atrioventriculaire (AVRT), un flutter auriculaire ou, plus rarement, une bradycardie. Dans ce dernier cas, la fibrillation auriculaire pourrait survenir en raison du fait qu’à une fréquence cardiaque basse, les foyers ectopiques peuvent se manifester, n’étant plus inhibés par l’activité du nœud sinusal.

Analyse de la fibrillation auriculaire

La fibrillation auriculaire peut être confirmée par différentes méthodes électrocardiographiques, notamment l’ECG de repos, l’enregistrement Holter et le moniteur d’événements. L’enregistrement Holter est particulièrement indiqué pour évaluer la fréquence, la durée et la répartition des épisodes d’arythmie, y compris ceux demeurant asymptomatiques. Les critères diagnostiques de la fibrillation auriculaire, fondés sur les données électrocardiographiques, sont les suivants :

  • La fibrillation auriculaire est présente de manière continue sur l’ensemble de l’enregistrement ECG de repos à 12 dérivations.
  • Fibrillation auriculaire documentée pendant plus de 30 secondes sur un enregistrement Holter ECG ou par un enregistreur d’événements.

En cas de suspicion de maladie coronarienne, il convient d’envisager la réalisation d’une imagerie de perfusion myocardique par SPECT ou PET, ou d’une angiographie coronarienne par tomodensitométrie.

Les examens biologiques suivants doivent être réalisés chez tous les patients : hémoglobine, natrémie, kaliémie, créatininémie, estimation du débit de filtration glomérulaire (DFGe), calcémie, enzymes hépatiques, temps de prothrombine avec rapport international normalisé (TP-INR), temps de céphaline activée (TCA), profil lipidique, glycémie, hémoglobine glyquée (HbA1c), ainsi que les dosages de la thyréostimuline (TSH) et de la thyroxine libre (T4 libre).

L’échocardiographie est indiquée chez tout patient chez lequel une fibrillation auriculaire vient d’être nouvellement diagnostiquée.

Le dosage du NT-proBNP peut être réalisé en cas de suspicion d’insuffisance cardiaque.

Prise en charge de la fibrillation auriculaire

Prise en charge de la fibrillation auriculaire aiguë

– Il convient d’éviter toute tentative de cardioversion chez les patients présentant une altération sévère de la fraction d’éjection du ventricule gauche. Chez ces patients, le rétablissement du rythme sinusal peut induire une bradycardie et une diminution marquée du débit cardiaque, susceptibles de déclencher un choc cardiogénique. – Chez les patients non anticoagulés ou recevant une anticoagulation sous-thérapeutique, les recommandations antérieures préconisaient un délai maximal de 48 heures pour réaliser une cardioversion. Toutefois, en 2024, la Société Européenne de Cardiologie (ESC) a révisé cette directive, réduisant ce délai à un maximum de 24 heures.

Environ 60 % des épisodes de fibrillation auriculaire aiguë se convertissent spontanément en rythme sinusal dans les 16 heures suivant l’apparition des symptômes. En l’absence de signes d’instabilité hémodynamique, il est possible d’attendre jusqu’à 24 heures après le début des symptômes avant d’envisager une cardioversion. Si celle-ci est indiquée, elle doit idéalement être réalisée dans ce délai de 24 heures. Au-delà, la cardioversion est contre-indiquée en raison du risque accru de thromboembolie, sauf si une échocardiographie transœsophagienne permet d’exclure la présence d’un thrombus intra-auriculaire, notamment au niveau de l’appendice auriculaire gauche. La cardioversion électrique constitue la méthode la plus efficace, avec un taux de succès supérieur à 90 % lorsqu’un choc biphasique ≥120 J est administré. La cardioversion pharmacologique (flécaïnide, propafénone, ibutilide, amiodarone, vernakalant) présente un taux de réussite d’environ 75 %, mais l’utilisation de ces antiarythmiques expose à un risque d’arythmies induites et de décompensation hémodynamique par effet inotrope négatif. Dans l’ensemble, la cardioversion électrique demeure l’option thérapeutique la plus sûre pour la prise en charge des arythmies.

L’administration répétée de bêta‑bloquants, de digoxine ou d’inhibiteurs calciques par voie intraveineuse peut s’avérer nécessaire pour contrôler la fréquence ventriculaire. Il est recommandé d’initier le traitement par un bêta‑bloquant, puis, en cas d’efficacité insuffisante, d’ajouter la digoxine.

Il convient de déterminer immédiatement si le patient nécessite une anticoagulation, la plupart devant être hospitalisés et recevoir une héparine de bas poids moléculaire (HBPM) jusqu’à ce qu’une décision définitive soit prise quant à la poursuite du traitement anticoagulant.

Traitement au long cours de la fibrillation auriculaire

Contrôle de la fréquence ventriculaire dans la fibrillation auriculaire

La fréquence ventriculaire rapide observée au cours de la fibrillation auriculaire constitue l’un des principaux facteurs contribuant à l’augmentation de la mortalité chez les patients atteints de cette arythmie. Le contrôle de la fréquence consiste à cibler spécifiquement la fréquence ventriculaire dans l’objectif de la ralentir autant que possible, tout en évitant une bradycardie excessive. Ce contrôle repose sur l’utilisation de médicaments agissant sur le nœud auriculo-ventriculaire (nœud AV), en ralentissant la conduction à travers celui-ci et en réduisant ainsi le nombre d’impulsions auriculaires transmises aux ventricules. Les bêtabloquants (propranolol, métoprolol, aténolol, esmolol, nadolol), les inhibiteurs calciques non dihydropyridines (diltiazem, vérapamil) et la digoxine constituent des options thérapeutiques efficaces pour diminuer la fréquence ventriculaire. Le sotalol, en raison de son potentiel proarythmique, doit être prescrit exclusivement par un cardiologue. Les données disponibles indiquent que le contrôle de la fréquence n’est pas inférieur au contrôle du rythme en termes de survie. Il est généralement recommandé de maintenir la fréquence ventriculaire en dessous de 100 battements par minute au repos. Le tableau 1 présente les détails relatifs aux médicaments et à leurs posologies.

Contrôle de la fréquence dans la fibrillation auriculaire : médicaments visant à ralentir la conduction auriculo-ventriculaire au niveau du nœud AV.

MÉDICAMENT AVANTAGES INCONVÉNIENTS POSOLOGIE DÉBUT D’ACTION DEMI-VIE D’ÉLIMINATION
BÉTA-BLOQUEURS          
Propranolol Début d’action rapide, courte durée d’action pour les formes IV ; contrôle de la fréquence cardiaque au repos et à l’activité ; formes orales disponibles avec des durées d’action variables Peut aggraver l’insuffisance cardiaque chez les patients décompensés ; peut exacerber les maladies réactives des voies respiratoires ; peut causer de la fatigue, de la dépression ; un arrêt brutal peut provoquer une tachycardie de rebond, de l’hypertension IV : 1 mg en bolus, à répéter toutes les 5 minutes si nécessaire pour atteindre l’objectif
Voie orale : 10-30 mg/dose toutes les 6-8 heures
IV : début d’action dans les 5 minutes
Voie orale : début d’action en 1 à 2 heures
IV : durée de l’effet 30-60 min
Voie orale : 3-5 heures
Métoprolol Identique au propranolol. Identique au propranolol. IV : 2,5-5 mg en 2-3 min, répéter toutes les 5 minutes si nécessaire pour atteindre l’objectif
Voie orale : 12,5-100 mg/dose toutes les 6-8 heures
– Des préparations à libération prolongée sont disponibles pour une prise quotidienne unique
IV : début d’action dans les 5 minutes
Voie orale : début d’action en 1 à 2 heures
IV : durée de l’effet de 30 à 60 minutes
Orale : 3-6 heures
Aténolol Identique au propranolol. Identique au propranolol. IV : 5 mg en 5 min, répéter toutes les 10 minutes pour atteindre l’objectif
Orale : 25-100 mg/dose toutes les 8-12 heures
IV : début d’action dans les 5 min
Voie orale : début d’action en 1 à 2 heures
IV : durée de l’effet : 30-60 min
Voie orale : 6-9 heures
Esmolol (uniquement par voie intraveineuse) Identique au propranolol. Identique au propranolol. IV : 500 µg/kg en 1 min, puis dose d’entretien de 25-300 µg/kg/min ; titrer de 25-50 µg/kg/min toutes les 5-10 minutes pour atteindre l’objectif IV : début d’action dans les 5 min SANS OBJET
Nadolol (voie orale uniquement) Identique au propranolol. Identique au propranolol. Orale : 40-80 mg par jour au départ ; augmenter à 240-320 mg par jour si nécessaire pour atteindre l’objectif ; peut être administré une fois par jour Voie orale : début d’action dans les 1 à 2 heures 14-24 heures
INHIBITEURS CALCIQUES          
Diltiazem Même chose que pour les bêta-bloquants Peut aggraver l’insuffisance cardiaque chez les patients décompensés ; peut causer de la fatigue ; l’arrêt brutal peut provoquer une tachycardie de rebond, de l’hypertension IV : 0,25 mg/kg en 2 min, puis perfusion à 5-15 mg/h jusqu’à 24 h ; un bolus répété de 0,35 mg/kg peut être nécessaire
Voie orale : 30-120 mg/dose toutes les 6-8 heures ; les préparations à libération prolongée sont disponibles en une ou deux prises par jour
IV : début d’action dans les 5 minutes
Voie orale : début d’action en 1 heure
5-7 h
Vérapamil Identique aux bêta-bloquants Peut aggraver l’insuffisance cardiaque chez les patients décompensés ; peut causer de la fatigue ; l’arrêt brutal peut provoquer une tachycardie de rebond, de l’hypertension IV : bolus de 5 à 10 mg toutes les 15 à 30 minutes pour atteindre l’objectif
Voie orale : dose de 80-120 mg toutes les 8-12 heures ; les préparations à libération prolongée sont disponibles en une ou deux prises par jour
IV : début d’action dans les 5 minutes
Voie orale : début d’action en 1 heure
5-12 h
AUTRES          
Digoxine (digitaline) Peut être utilisée chez les patients souffrant d’insuffisance cardiaque Début d’action lent ; mauvais contrôle de la fréquence cardiaque avec l’activité ; marge thérapeutique étroite ; longue durée de l’effet Dose de charge IV allant jusqu’à 1,0 mg au cours des premières 24 heures, avec bolus de 0,25-0,5 mg IV en poussée ; puis le reste en doses divisées toutes les 6-8 heures ; dose orale d’entretien, 0,125-0,25 mg tous les jours IV : jusqu’à 30 min
Voie orale : 2-4 h
36 heures

Il convient de noter que ces médicaments peuvent induire une bradycardie, pouvant justifier la mise en œuvre d’autres stratégies thérapeutiques, telles qu’une ablation par cathéter du nœud auriculo-ventriculaire (voir ci-dessous).

Contrôle du rythme dans la fibrillation auriculaire

Le contrôle du rythme vise à restaurer le rythme sinusal, généralement au moyen d’antiarythmiques tels que le sotalol, la flécaïnide, la propafénone, l’amiodarone, le disopyramide ou la dronédarone. Cette stratégie peut être envisagée, bien que la majorité des patients présentent une récidive dans l’année suivant l’initiation du traitement et qu’aucun avantage en termes de survie n’ait été démontré par rapport au contrôle de la fréquence.

Ablation par cathéter

L’ablation par cathéter constitue un traitement hautement efficace de la fibrillation auriculaire paroxystique. Dans la majorité des cas, un ou quelques foyers ectopiques peuvent être identifiés puis éliminés par cette procédure. Environ 70 % des patients présentant une fibrillation auriculaire paroxystique obtiennent une guérison durable après ablation. En revanche, la fibrillation auriculaire persistante repose sur un mécanisme arythmique plus complexe, associant un plus grand nombre de foyers ectopiques, de multiples circuits de réentrée répartis dans les oreillettes et un remodelage auriculaire plus marqué, ce qui réduit significativement l’efficacité de l’ablation. Dans cette forme, le taux de succès se situe autour de 50 %. L’isolation des veines pulmonaires, élément central de la stratégie thérapeutique, consiste à créer une ligne de bloc conductionnel cicatriciel autour de ces veines afin de les isoler électriquement de l’oreillette gauche.

Le traitement par ablation doit être envisagé chez tout patient présentant une fibrillation auriculaire symptomatique, qu’elle soit paroxystique ou persistante, après l’échec d’au moins un traitement antiarythmique médicamenteux.

Bien que l’efficacité de la thérapie par ablation soit bien établie, un risque de récidive persiste.

Anticoagulation en prophylaxie de la thrombo‑embolie

Les accidents vasculaires cérébraux (AVC), les accidents ischémiques transitoires (AIT) et les embolies périphériques constituent des complications fréquentes de la fibrillation auriculaire et doivent être systématiquement pris en compte dans l’évaluation clinique. Le risque de thromboembolie n’est pas uniforme entre les différentes formes de fibrillation auriculaire, contrairement à ce qui était précédemment admis. Une méta-analyse récente menée par Ganesan et al. a démontré que la fibrillation auriculaire paroxystique est associée à un risque d’AVC inférieur à celui observé dans la fibrillation auriculaire persistante. Néanmoins, les bénéfices de l’anticoagulation sont comparables dans les deux situations, et la prise en charge doit suivre les mêmes algorithmes thérapeutiques. En conséquence, les recommandations actuelles concernant l’anticoagulation dans la fibrillation auriculaire ne différencient pas la stratégie en fonction du type de fibrillation.

Commencez par évaluer le risque thromboembolique à l’aide du score CHADS₂ et/ou du score CHA₂DS₂-VASc. Évaluez parallèlement le risque hémorragique à l’aide du score HAS-BLED. Chez les patients dont le risque thromboembolique excède le risque hémorragique, une anticoagulation doit être envisagée. L’utilisation d’antivitamines K peu coûteuses, telles que la warfarine, permet de réduire le risque d’accident vasculaire cérébral d’environ 70 %. Les anticoagulants oraux directs (dabigatran, apixaban, rivaroxaban), bien que plus onéreux, offrent une efficacité comparable dans la prévention des accidents vasculaires cérébraux, ne nécessitent pas de surveillance de l’INR ni de la pharmacocinétique, et semblent associés à une incidence moindre d’hémorragies majeures.

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