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Interprétation de l'ECG clinique

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  1. Introduction to ECG Interpretation
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  2. Arrhythmias and arrhythmology
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  3. Myocardial Ischemia & Infarction
    22 Chapters
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  5. Cardiac Hypertrophy & Enlargement
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  6. Drugs & Electrolyte Imbalance
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  7. Genetics, Syndromes & Miscellaneous
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  8. Exercise Stress Testing (Exercise ECG)
    6 Chapters
Section 3, Chapter 14

Signes ECG de l’infarctus du myocarde : ondes Q pathologiques et ondes R pathologiques

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Les ondes Q pathologiques sont la preuve d’un infarctus du myocarde

L’infarctus du myocarde – en particulier s’il est de grande ampleur et transmural – se manifeste généralement par l’apparition d’ondes Q pathologiques sur l’électrocardiogramme. Ces ondes correspondent à la perte des forces électromotrices dans la zone nécrosée, créant une « fenêtre électrique » permettant à l’électrode d’enregistrer les potentiels négatifs de la cavité ventriculaire ou de la paroi opposée. Ces ondes Q sont plus larges (durée) et plus profondes (amplitude) que les ondes q physiologiques (septales) et sont appelées ondes Q pathologiques. Elles apparaissent généralement entre 6 et 16 heures après l’apparition des symptômes, marquant la constitution de la nécrose, mais peuvent parfois se manifester plus tôt en cas d’ischémie sévère et rapide (phénomène de sidération). Les manuels standard enseignent traditionnellement que l’onde Q pathologique est une manifestation permanente de l’ECG, une cicatrice indélébile, et qu’elle représente un infarctus transmural (STEMI). Cependant, des études récentes et l’avènement de la reperfusion précoce remettent en question ces notions de permanence. Les ondes Q pathologiques peuvent régresser, voire disparaître, chez environ 30 % des patients présentant un infarctus inférieur, souvent au cours de la première année post-infarctus. L’amplitude des ondes Q peut également diminuer avec le temps lors du processus de cicatrisation et de rétraction tissulaire. De plus, l’imagerie par résonance magnétique (IRM cardiaque) a suggéré que les ondes Q pathologiques ne sont pas strictement synonymes de transmuralité ; elles peuvent également survenir à la suite d’un infarctus sous-endocardique étendu (NSTEMI) si la masse nécrosée est suffisante pour altérer le vecteur de dépolarisation.

Si des ondes Q pathologiques apparaissent à la suite d’un infarctus du myocarde, l’infarctus peut être classé comme infarctus à ondes Q (par opposition à l’infarctus sans onde Q). Bien que cette distinction ait été historiquement utilisée pour différencier les infarctus transmuraux des sous-endocardiques, la corrélation anatomique est imparfaite. Néanmoins, la présence d’ondes Q pathologiques conserve une valeur pronostique importante : elle est généralement associée à des infarctus de plus grande taille, une fraction d’éjection ventriculaire gauche plus basse et un risque accru de mortalité intra-hospitalière et à long terme par rapport aux infarctus sans onde Q. Par conséquent, bien que les infarctus à ondes Q résultent le plus souvent d’un infarctus transmural (STEMI), ils peuvent être causés par une ischémie sous-endocardique étendue (NSTEMI) et signalent une perte significative de myocarde viable.

Pour établir un diagnostic formel d’infarctus à onde Q, il faut que des ondes Q pathologiques soient présentes dans au moins deux dérivations anatomiques contiguës (par exemple, DII, DIII et aVF pour le territoire inférieur). Une onde Q isolée dans une seule dérivation (comme en DIII ou aVL) est fréquente et souvent non pathologique. Chez les patients atteints d’un STEMI en phase aiguë ou subaiguë, les élévations du segment ST et les ondes Q pathologiques se produisent dans les mêmes dérivations, ce qui explique pourquoi les ondes Q pathologiques peuvent être utilisées pour localiser la zone de l’infarctus (topographie lésionnelle).

 

Figure 1 : Définition des ondes Q pathologiques. Notez la différence de largeur et de profondeur par rapport aux ondes q septales physiologiques.

Localisation topographique de l’infarctus selon les ondes Q

L’identification des dérivations présentant des ondes Q pathologiques permet de localiser la paroi ventriculaire atteinte par la nécrose. Cette corrélation est essentielle pour anticiper les complications cliniques potentielles.

  • Infarctus septal : Ondes Q en V1, V2.
  • Infarctus antérieur : Ondes Q en V3, V4. Souvent associé à une atteinte de l’artère interventriculaire antérieure (IVA).
  • Infarctus latéral : Ondes Q en I, aVL, V5, V6. Indique souvent une atteinte de l’artère circonflexe ou diagonale.
  • Infarctus inférieur (diaphragmatique) : Ondes Q en II, III, aVF. Associé à l’artère coronaire droite (80-90% des cas) ou circonflexe.

Critères ECG pour les ondes Q pathologiques (infarctus à ondes Q)

Dérivations Définition de l’onde Q pathologique Variantes normales et diagnostics différentiels
V2-V3 ≥0,02 s ou complexe QS* Aucune onde q n’est physiologique dans ces dérivations. Toute onde Q ici est hautement suspecte d’infarctus antéro-septal, sauf en cas de bloc de branche gauche (BBG) ou d’hypertrophie ventriculaire gauche (HVG).
Toutes les autres dérivations (I, II, III, aVL, aVF, V4-V6) ≥0,03 s et ≥1 mm de profondeur (ou complexe QS) Les personnes dont l’axe électrique est vertical ou compris entre 60 et 90° présentent souvent une petite onde q dans l’aVL. Les dérivations latérales V5-V6 présentent souvent une petite onde q étroite et peu profonde (appelée onde q septale) due à la dépolarisation du septum de la gauche vers la droite. Un complexe QS isolé est autorisé dans la dérivation V1 (en raison d’une onde r manquante ou d’une électrode mal placée). La dérivation III présente parfois une grande onde Q isolée, appelée onde Q positionnelle ou respiratoire, car son amplitude varie avec l’inspiration profonde. La dérivation III peut également présenter de petites ondes Q chez les personnes dont l’axe électrique est compris entre -30° et 0°.
*Le complexe QS implique que l’ensemble du complexe QRS est constitué d’une déflexion négative, signalant une absence totale d’activité électrique positive en regard de l’électrode.

Diagnostics différentiels : Les pseudo-ondes Q

Il est crucial pour le clinicien de différencier les véritables ondes Q de nécrose des « pseudo-ondes Q » qui peuvent apparaître dans d’autres pathologies cardiaques ou non cardiaques. Une erreur d’interprétation peut conduire à un diagnostic erroné de maladie coronarienne.

  • Cardiomyopathie hypertrophique (CMH) : Des ondes Q profondes et étroites (« en dague ») peuvent être observées en latéral (I, aVL, V5-V6) ou en inférieur, mimant un infarctus, dues à l’hypertrophie septale importante.
  • Bloc de branche gauche (BBG) : Le BBG produit souvent des complexes QS en V1-V3. Il s’agit d’une séquence d’activation altérée et non nécessairement d’un infarctus antéro-septal.
  • Syndrome de Wolff-Parkinson-White (WPW) : L’onde delta négative peut simuler une onde Q pathologique (pseudo-infarctus), particulièrement dans les dérivations inférieures (mimant un infarctus inférieur) ou antérieures.
  • Embolie pulmonaire aiguë : Le motif S1Q3T3 (Onde S en I, Onde Q en III, Onde T inversée en III) est un signe classique de cœur pulmonaire aigu, où l’onde Q en III n’est pas liée à une nécrose.
  • Pneumothorax gauche : Peut entraîner une perte des ondes R précordiales, simulant une nécrose antérieure.

La figure suivante montre des ondes Q pathologiques chez deux patients souffrant d’un infarctus aigu du myocarde avec sus-décalage du segment ST.

Figure 1. Examples of STE-ACS (STEMI). Note that these patients presented with pathological Q-waves, which means that these ECGs were recorded several hours after symptom onset or those are signs of old infarction.
Figure 2 : Exemples de STE-ACS (STEMI). Notez que ces patients présentaient des ondes Q pathologiques, ce qui signifie que ces ECG ont été enregistrés plusieurs heures après l’apparition des symptômes ou qu’il s’agit de signes d’infarctus anciens.

Les ondes R pathologiques en V1-V2 indiquent un infarctus du myocarde postérieur (basal)

Bien que les ondes Q soient le marqueur classique de la nécrose, l’infarctus de la paroi postérieure (récemment renommée paroi basale) ne génère généralement pas d’ondes Q sur l’ECG standard à 12 dérivations, car aucune électrode ne fait face directement à cette paroi. Au lieu de cela, on observe des changements réciproques (en miroir) dans les dérivations antérieures (V1-V2). Ainsi, une grande onde R en V1 correspond à l’image en miroir d’une onde Q profonde dans le dos.

Les lignes directrices européennes actuelles (ESC) soulignent l’importance de reconnaître ces signes indirects, qui sont souvent accompagnés d’un sous-décalage du segment ST en V1-V3 (image en miroir du sus-décalage postérieur).

Critères pour les ondes R pathologiques (Infarctus Postérieur/Basal) :

Onde R ≥ 0,04 s en V1-V2 et rapport R/S ≥ 1 avec onde T positive concordante en l’absence de défaut de conduction (bloc de branche droit) ou d’hypertrophie ventriculaire droite.

Le rapport R/S > 1 implique que l’onde R est plus importante que l’onde S, inversant la progression normale de l’onde R dans les précordiales. Pour confirmer le diagnostic, il est recommandé d’enregistrer les dérivations postérieures (V7, V8, V9) qui montreront alors un sus-décalage du segment ST et/ou des ondes Q pathologiques directes.

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