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Interprétation de l'ECG clinique

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  1. Introduction to ECG Interpretation
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  8. Exercise Stress Testing (Exercise ECG)
    6 Chapters
Section 2, Chapter 3

Contractions ventriculaires prématurées (CVP) — également appelées complexes ventriculaires prématurés ou battements ventriculaires prématurés.

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Contractions ventriculaires prématurées (CVP), également appelées complexes ventriculaires prématurés ou battements ventriculaires prématurés : aspects électrocardiographiques et implications cliniques.

Les complexes ventriculaires prématurés, également désignés sous les termes de battements ventriculaires prématurés, de contractions ventriculaires prématurées ou, plus simplement, de battements, contractions ou complexes ventriculaires, seront mentionnés de manière interchangeable dans le présent chapitre.

Un complexe ventriculaire prématuré (CVP) se caractérise, à l’ECG, par un complexe QRS anormal, de morphologie élargie, survenant de façon anticipée par rapport au rythme sinusal attendu. Il résulte de la décharge d’une impulsion issue d’un foyer ectopique situé dans l’un ou l’autre des ventricules. Cette impulsion ectopique dépolarise directement le myocarde ventriculaire et, se propageant partiellement ou totalement en dehors du système de conduction spécialisé, génère un complexe QRS large (durée ≥ 0,12 s). Voir la figure 1 pour un exemple illustratif.

L’extrasystole ventriculaire prématurée se substitue à un battement sinusal et prolonge l’intervalle RR avant le battement sinusal suivant. Ce délai supplémentaire favorise un remplissage ventriculaire accru, entraînant une contraction plus vigoureuse. Le patient peut percevoir cette contraction amplifiée comme une palpitation, conséquence directe de l’augmentation du volume télédiastolique.

Les complexes ventriculaires prématurés ne sont généralement pas précédés d’ondes P, car l’impulsion ectopique, issue du myocarde ventriculaire, ne dépolarise pas les oreillettes, sauf dans certaines situations particulières décrites ci‑après.

Bien que les contractions ventriculaires prématurées soient le plus souvent bénignes, elles peuvent, dans certaines circonstances, induire des tachyarythmies ventriculaires soutenues, point qui sera approfondi ultérieurement.

Figure 1. Premature ventricular contraction (complex/beat). Typical appearance. Note the paper speed 50 mm/s (1 large box equals 100 ms).
Figure 1. Contraction ventriculaire prématurée (complexe/battement). Aspect typique. Notez que la vitesse du papier est de 50 mm/s (1 grande case équivaut à 100 ms).

L’impulsion émise par un foyer ectopique ventriculaire se propage de manière anormale, car elle ne pénètre pas dans les ventricules via le faisceau de His. Cette dépolarisation aberrante induit une repolarisation également anormale, ce qui explique les modifications secondaires du segment ST et de l’onde T observées lors des complexes ventriculaires prématurés. Dans ce contexte, le vecteur ST-T est orienté en direction opposée à celui du QRS. Comme l’illustre la figure 1, un complexe ventriculaire prématuré peut présenter un QRS positif suivi d’un segment ST-T négatif. Le segment ST-T est donc orienté à l’opposé du QRS, configuration qualifiée de discordance du segment ST-T.

Contractions ventriculaires prématurées avec pause compensatoire complète

Une contraction ventriculaire prématurée est suivie d’une pause compensatoire complète, ce qui signifie que le battement sinusal suivant survient à l’instant attendu. L’intervalle séparant les battements sinusaux précédant et suivant l’extrasystole ventriculaire correspond alors à deux cycles sinusaux complets (deux intervalles RR). Ce phénomène s’explique par le fait que l’impulsion ventriculaire prématurée n’entraîne ni dépolarisation ni réinitialisation du nœud sinusal, lequel poursuit son activité rythmique normale. Voir figure 2.

Figure 2. The complete compensatory pause following a premature ventricular contraction.
Figure 2. Pause compensatoire complète après une contraction ventriculaire prématurée.

Classification des extrasystoles ventriculaires

Lorsqu’un complexe ventriculaire prématuré (CVP) survient après chaque battement sinusal normal, le rythme est qualifié de bigéminisme ventriculaire (figure 3). Lorsque le CVP apparaît après deux battements normaux, on parle de trigéminisme ventriculaire. De la même manière, on peut observer un quadrigéminisme, voire d’autres formes selon la périodicité des extrasystoles.

Figure 3. Premature ventricular contractions in bigeminy.
Figure 3. Contractions ventriculaires prématurées dans la bigéminie.

Deux contractions ventriculaires prématurées consécutives sont désignées sous le terme de « paire » ou « couplet ». Lorsqu’une séquence de 3 à 30 contractions ventriculaires prématurées survient de façon consécutive, on parle de tachycardie ventriculaire non soutenue si la fréquence cardiaque est supérieure à 100 battements par minute, ou de rythme ventriculaire si elle est inférieure à 100 battements par minute. Au-delà de 30 battements ventriculaires prématurés consécutifs, il s’agit d’une tachycardie ventriculaire soutenue lorsque la fréquence cardiaque dépasse 100 battements par minute.

Les complexes ventriculaires prématurés issus d’un même foyer ectopique présentent généralement une morphologie identique et un intervalle de couplage régulier. Ces complexes sont qualifiés de monomorphes (ou unifocaux), comme l’illustre la figure 3.

Les complexes ventriculaires prématurés polymorphes présentent une régularité de survenue mais une morphologie variable. Ils proviennent généralement d’un même foyer ectopique, tandis que le mode de propagation de l’impulsion à partir de ce foyer varie d’un battement à l’autre (figure 4).

Figure 4. Polymorphic premature ventricular complexes (contractions).
Figure 4. Complexes ventriculaires prématurés polymorphes (contractions).

Les complexes ventriculaires prématurés multifocaux présentent des morphologies et des intervalles de couplage variables. Ils sont générés par plusieurs foyers ectopiques distincts situés au sein du myocarde ventriculaire (Figure 5).

Figure 5. Multifocal premature ventricular contractions.
Figure 5. Contractions ventriculaires prématurées multifocales.

Il est également possible de localiser le foyer ectopique en analysant la morphologie du complexe prématuré dans la dérivation V1. Une morphologie en V1 évoquant un bloc de branche droit (onde R prédominante) suggère un foyer ectopique situé dans le ventricule gauche, tandis qu’une morphologie en V1 évoquant un bloc de branche gauche (onde S prédominante) indique un foyer ectopique localisé dans le ventricule droit.

Battements de fusion

Lorsqu’une impulsion auriculaire normale est conduite vers les ventricules presque simultanément à la décharge d’une extrasystole ventriculaire (ESV) tardive, les ventricules peuvent être dépolarisés par ces deux impulsions. Ce phénomène survient typiquement lorsque l’ESV se produit à un moment proche de l’impulsion sinusale normale. Le complexe QRS résultant présente alors une morphologie de fusion, combinant les caractéristiques du battement sinusal normal et de l’ESV. Voir figure 6.

Figure 6. Fusion beat.
Figure 6. Battement de fusion.

Exceptions à la pause compensatoire complète

Bien que la pause compensatrice complète soit caractéristique des complexes ventriculaires prématurés (CVP), elle peut être absente dans certaines situations.

  • Extrasystole ventriculaire (PVC) interpolée : lorsqu’une PVC survient précocement après un complexe sinusal normal, le système de conduction auriculo‑ventriculaire peut avoir terminé sa repolarisation au moment où l’impulsion sinusale suivante est émise. Cette impulsion, bien que parfois partiellement freinée par la période réfractaire résiduelle du système de conduction, peut néanmoins être conduite jusqu’aux ventricules et y déclencher une dépolarisation. On parle alors de PVC interpolée, qui se manifeste à l’ECG par une extrasystole ventriculaire intercalée entre deux complexes QRS d’origine sinusale, sans pause compensatrice complète ni suppression de battements.
  • Activation auriculaire rétrograde : Il arrive que l’impulsion ventriculaire soit conduite rétrogradement à travers le faisceau de His vers les oreillettes, dépolarisant simultanément celles-ci ainsi que le nœud sinusal. L’horloge du nœud sinusal est alors réinitialisée, de sorte que le prochain battement sinusal survient un cycle sinusal complet après cette remise à zéro. La pause qui en résulte est inférieure à une pause compensatoire complète, et une onde P rétrograde est fréquemment observable sur le segment ST-T.
  • Écho ventriculaire : phénomène rare au cours duquel l’impulsion d’un complexe ventriculaire prématuré (PVC) est conduite à travers le nœud auriculo‑ventriculaire, puis réinjectée vers les ventricules, entraînant une seconde activation ventriculaire. Ce mécanisme se traduit sur l’ECG par un couplet suivi d’une pause inférieure à la pause compensatoire complète.

Importance clinique des extrasystoles ventriculaires

Les contractions ventriculaires prématurées (CVP) sont fréquentes chez les individus en bonne santé, et des données robustes indiquent qu’elles n’altèrent pas le pronostic cardiovasculaire à long terme dans cette population. Elles sont encore plus courantes chez les patients présentant une cardiopathie structurelle ou ischémique. Toutefois, les CVP peuvent être symptomatiques et invalidantes, y compris chez des sujets sans pathologie cardiaque connue.

Sujets en bonne santé

Près de 30 % des individus en bonne santé présentent des contractions ventriculaires prématurées lors d’un test d’effort. Le sexe masculin, le stress, la nervosité, le tabagisme, la consommation de caféine, l’hypokaliémie, les infections, la consommation d’alcool, le déficit de sommeil ainsi que certains traitements médicamenteux sont associés à une augmentation de la fréquence des contractions ventriculaires prématurées. Par ailleurs, leur prévalence tend à croître avec l’avancée en âge.

Chez les sujets en bonne santé, l’électrocardiogramme peut révéler la présence de complexes ventriculaires prématurés lors d’un dépistage. Cette manifestation peut être symptomatique ou rester asymptomatique. Les palpitations et la perception d’un « battement manqué » constituent les symptômes les plus fréquents, tandis qu’une sensation de gêne thoracique ou pharyngée est plus rarement rapportée.

Quelques contractions ventriculaires prématurées quotidiennes chez des individus par ailleurs en bonne santé sont généralement considérées comme bénignes et n’altèrent pas le pronostic cardiovasculaire. En revanche, lorsque les extrasystoles ventriculaires représentent une proportion significative de l’ensemble des battements cardiaques sur 24 heures, la situation devient préoccupante. Un fardeau supérieur à 15 % du nombre total de battements est associé à un risque accru de cardiomyopathie induite par les extrasystoles ventriculaires et de dysfonction systolique du ventricule gauche. Dans ce contexte, il est recommandé d’orienter le patient vers une évaluation invasive, l’ablation par radiofréquence permettant fréquemment de supprimer le foyer ectopique. Cette intervention peut également conduire à une régression, voire à une normalisation, de la cardiomyopathie déjà constituée.

Patients atteints d’une cardiopathie.

Les contractions ventriculaires prématurées (CVP) sont fréquentes chez les patients présentant une pathologie cardiaque, en particulier une cardiopathie ischémique. Leur incidence est augmentée dans un large éventail de situations cliniques, notamment dans la maladie coronarienne. Chez ces patients, déjà fragilisés par une fonction cardiaque altérée, les CVP peuvent, en raison de leur contraction ventriculaire inefficace, réduire le débit cardiaque et ainsi aggraver l’ischémie myocardique ou décompenser une insuffisance cardiaque.

Traitement des extrasystoles ventriculaires

Il est essentiel d’exclure toute cardiopathie sous-jacente chez les patients n’ayant aucun antécédent de maladie cardiaque. L’évaluation doit être individualisée et guidée par les données de l’ECG, l’anamnèse et les résultats de l’examen clinique. Chez les sujets par ailleurs en bonne santé, l’instauration d’un traitement est rarement nécessaire. En revanche, chez les patients présentant une cardiopathie avérée, l’indication thérapeutique doit être envisagée plus largement. Avant toute initiation de traitement, il convient de contrôler les concentrations sériques de potassium et de magnésium, car l’hypokaliémie et l’hypomagnésémie peuvent induire des extrasystoles ventriculaires (PVC), et ces désordres électrolytiques sont réversibles.

Le traitement est instauré si (1) les symptômes sont importants, (2) les PVC représentent une part significative de tous les battements de la journée (examinés par Holter-ECG), ou (3) si les PVC ont un effet hémodynamique négatif. Le premier choix de médicament est le bêta-bloquant (bisoprolol 5-10 mg une fois par jour ou métoprolol à libération prolongée 50-100 mg une fois par jour). Cependant, les bêta-bloquants sont souvent insuffisants et les symptômes peuvent persister. Les antiarythmiques de classe I peuvent être essayés, de même que l’amiodarone. Il convient d’envisager un traitement invasif par ablation.

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