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Interprétation de l'ECG clinique

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  8. Exercise Stress Testing (Exercise ECG)
    6 Chapters
Section 4, Chapter 1

Aperçu des blocs auriculo-ventriculaires (AV)

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Bloc auriculo-ventriculaire (bloc AV) : définition, causes, diagnostic et prise en charge

Cet article traite des principes fondamentaux des blocs auriculo-ventriculaires (AV), qui sont classés en trois types selon leur sévérité : blocs AV du premier degré, du deuxième degré et du troisième degré. Les lecteurs déjà familiarisés avec les bases physiopathologiques des blocs AV peuvent passer directement aux chapitres suivants ou aux articles dédiés, qui fournissent des discussions détaillées et des tracés ECG pour chaque type.

Le système de conduction auriculo-ventriculaire (AV) et les blocs AV

Le système de conduction auriculo-ventriculaire (AV) est l’unique voie de transmission électrique physiologique entre les oreillettes et les ventricules. Il est composé du nœud AV (nœud d’Aschoff-Tawara) et du système de His-Purkinje. La conduction à travers le nœud AV est intentionnellement décrémentielle et lente (en raison de la faible concentration de jonctions gap et de potentiels d’action calciques lents), ce qui permet au remplissage ventriculaire de se terminer avant la contraction ventriculaire (systole auriculaire). En revanche, les cellules contractiles – et les fibres de Purkinje en particulier – sont riches en jonctions lacunaires, ce qui permet une conduction rapide de l’impulsion dans les ventricules.

Sur le plan anatomique et vasculaire, il est crucial de noter que le nœud AV est vascularisé par l’artère du nœud AV, qui naît de l’artère coronaire droite dans environ 90 % des cas (dominance droite) et de l’artère circonflexe dans 10 % des cas. Le faisceau de His et ses branches ont une vascularisation double (artère coronaire droite et artère interventriculaire antérieure), ce qui les rend plus résistants à l’ischémie, sauf en cas d’infarctus antérieur étendu.

Après avoir franchi le nœud AV, l’impulsion électrique traverse le faisceau de His, qui se divise en deux branches, l’une gauche et l’autre droite. La branche gauche du faisceau se subdivise en deux fascicules (hémibranche antérieure et postérieure). À partir de ces branches et de ces faisceaux, les fibres de Purkinje s’étendent dans le myocarde. La conduction à travers le système de Purkinje est très rapide. Cette transmission garantit que la majorité du myocarde ventriculaire se dépolarise presque simultanément, maximisant ainsi l’efficacité hémodynamique (figure 1).

Figure 1. Composants du système de conduction ventriculaire et association temporelle entre les formes d’ondes ECG et la transmission des impulsions à travers le cœur. Les blocs auriculo-ventriculaires (AV) sont dus à un dysfonctionnement du système de conduction.

Le nœud auriculo-ventriculaire (AV) est densément innervé par le système nerveux autonome. La stimulation sympathique améliore la conduction (effet dromotrope positif) et l’excitabilité (effet bathmotrope positif). En revanche, la stimulation parasympathique (vagale) augmente la période réfractaire et la résistance dans le nœud AV. Une activité parasympathique intense (« malaise vagal ») peut entraîner un blocage complet et transitoire de la conduction. Si ce blocage persiste, une asystolie survient jusqu’à l’émergence d’un rythme d’échappement ventriculaire ou jonctionnel.

Vue d’ensemble et classification des blocs AV

La conduction de l’influx des oreillettes vers les ventricules peut être retardée ou interrompue. On parle alors de bloc auriculo-ventriculaire (AV). La classification repose sur l’analyse de l’électrocardiogramme de surface.

Bloc AV du premier degré

Synonymes : Bloc AV 1, bloc AV I

Il ne s’agit pas d’un véritable « bloc » (interruption), mais d’un allongement du temps de conduction. Par définition, l’intervalle PR est constant et > 0,20 s (ou 200 ms). Toutes les impulsions sinusales sont conduites aux ventricules (rapport 1:1). Le bloc AV du premier degré est souvent nodal et bénin, mais un PR très long (> 0,30 s) peut entraîner une hémodynamique défavorable (syndrome du pacemaker pseudo-implanté).

Bloc AV du second degré

Synonymes : Bloc AV 2, bloc AV II

Dans le bloc AV du second degré, la conduction est intermittente : certaines ondes P sont bloquées et non suivies de QRS. On distingue deux types principaux aux pronostics très différents :

  • Bloc AV du deuxième degré Type Mobitz 1 (Wenckebach) : Allongement progressif de l’intervalle PR jusqu’à ce qu’une onde P soit bloquée. Le siège est généralement nodal et le pronostic est bon.
  • Bloc AV du second degré de type Mobitz 2 : Blocage inopiné d’une onde P sans allongement préalable du PR. L’intervalle PR des battements conduits est constant. Le siège est presque toujours infranodal (His-Purkinje) et le risque d’évolution vers un bloc complet est élevé.

Le bloc de haut degré (ex: 2:1 ou 3:1) est une forme avancée où plusieurs ondes P consécutives peuvent être bloquées ou où la conduction se fait selon un ratio fixe (2 ondes P pour 1 QRS). Si le bloc 2:1 est difficile à classer (Mobitz 1 ou 2), la largeur du QRS et les manœuvres vagales aident au diagnostic.

Bloc AV du troisième degré

Synonymes : bloc cardiaque complet, dissociation AV, bloc AV III, bloc AV 3

Il s’agit d’une interruption totale de la conduction AV. Aucune impulsion auriculaire n’atteint les ventricules. On observe une dissociation auriculo-ventriculaire complète : les oreillettes battent à leur propre rythme (sinusal ou autre) et les ventricules sont stimulés par un rythme d’échappement (jonctionnel ou ventriculaire) plus lent. La gravité dépend de la fiabilité et de la fréquence de ce rythme d’échappement. Un échappement ventriculaire bas, lent et instable engage le pronostic vital.

Tableau clinique et symptômes

La symptomatologie dépend essentiellement de la bradycardie résultante, de la perte de la synchronisation auriculo-ventriculaire et de la présence d’une cardiopathie sous-jacente.

Le bloc AV du premier degré est quasi systématiquement asymptomatique.

Le bloc AV du second degré type Mobitz 1 est souvent asymptomatique ou se manifeste par une sensation de « ratés » cardiaques. Le type Mobitz 2 et les blocs de haut degré sont plus volontiers symptomatiques : asthénie, dyspnée d’effort, vertiges.

Le bloc AV du troisième degré est une urgence. Il entraîne une réduction marquée du débit cardiaque. Les symptômes incluent :

  • Syncope à l’emporte-pièce (syndrome d’Adams-Stokes) : perte de connaissance brutale due à une asystolie transitoire avant la reprise d’un rythme d’échappement.
  • Insuffisance cardiaque congestive (dyspnée, orthopnée).
  • Angor fonctionnel (par hypoperfusion coronaire diastolique).
  • Confusion cérébrale (hypoperfusion cérébrale), particulièrement chez le sujet âgé.

Étiologies des blocs AV

L’enquête étiologique doit distinguer les causes réversibles (qui peuvent ne pas nécessiter de stimulateur cardiaque permanent) des causes irréversibles.

  • Dégénérescence idiopathique (Maladie de Lenègre ou de Lev) : Cause la plus fréquente chez le sujet âgé. Il s’agit d’une fibrose progressive et sclérosante du système de conduction.
  • Cardiopathie ischémique :
    • Infarctus inférieur (coronaire droite) : Provoque souvent un bloc nodal (Mobitz 1 ou BAV complet) par ischémie du nœud AV et réflexe de Bezold-Jarisch (hypervagotonie). Le rythme d’échappement est généralement jonctionnel à QRS fins, et le bloc est souvent transitoire.
    • Infarctus antérieur (IVA) : Provoque des blocs infranodaux (souvent précédés de blocs de branche). Il témoigne d’une nécrose étendue du septum. Le risque d’asystolie est majeur et le bloc est souvent définitif.
  • Causes médicamenteuses (iatrogènes) : Très fréquentes. Bêta-bloquants, inhibiteurs calciques non-dihydropyridines (vérapamil, diltiazem), digoxine, amiodarone, autres antiarythmiques de classe I ou III. Ces causes sont potentiellement réversibles à l’arrêt du traitement.
  • Hypertonie vagale : Sportifs de haut niveau (souvent durant le sommeil), syncopes vasovagales, syndrome du sinus carotidien.
  • Causes infectieuses et inflammatoires :
    • Endocardite infectieuse (abcès septal comprimant les voies de conduction).
    • Myocardite (virale, maladie de Chagas, diphtérie).
    • Borréliose de Lyme : À évoquer systématiquement devant un BAV chez un patient jeune ou exposé (Cardite de Lyme).
    • Sarcoïdose cardiaque, maladies de système (Lupus, PR).
  • Causes métaboliques : Hyperkaliémie sévère (élargissement des QRS et troubles conductifs), hypercalcémie, hypothermie.
  • Post-chirurgical : Après chirurgie valvulaire (aortique, mitrale ou tricuspide), cure de CIA ou ablation par cathéter.
  • Maladies neuro-musculaires : Dystrophie myotonique de Steinert, syndrome de Kearns-Sayre.
  • Congénital : Bloc AV congénital (associé au lupus néonatal par passage d’anticorps anti-Ro/SSA maternels).

Localisation du niveau du bloc et approche diagnostique

La localisation du niveau du bloc (nodal vs infranodal) est le déterminant principal du pronostic. Un bloc nodal est généralement bénin avec un échappement stable, tandis qu’un bloc infranodal (Hisien ou infra-Hisien) comporte un risque élevé d’asystolie.

Critères ECG et manœuvres dynamiques

La largeur du QRS est un indice fondamental :

  • QRS fin (< 0,12 s) : Le bloc est le plus souvent situé dans le nœud AV ou le faisceau de His proximal. Le rythme d’échappement est jonctionnel (40-60 bpm).
  • QRS large (> 0,12 s) : Suggère un bloc infranodal (branches du faisceau) avec un échappement ventriculaire lent (< 35 bpm) et instable. Attention, un bloc nodal peut coexister avec un bloc de branche préexistant, donnant des QRS larges.

Manœuvres pharmacologiques et vagales :

  • Atropine : Améliore la conduction nodale (réduit le bloc si nodal) mais n’a peu d’effet ou peut aggraver un bloc infranodal (en augmentant la fréquence sinusale, on « fatigue » davantage le système His-Purkinje malade).
  • Massage sinocarotidien : Ralentit la conduction nodale (aggrave un bloc nodal) mais peut paradoxalement améliorer un bloc infranodal en ralentissant la fréquence auriculaire.

Bilan paraclinique et évaluation

Devant la découverte d’un bloc AV, le bilan doit être adapté à la stabilité clinique :

  1. ECG 12 dérivations : Indispensable pour classifier le bloc.
  2. Biologie : Ionogramme (Kaliémie +++), Troponine (SCA ?), fonction rénale, TSH, bilan inflammatoire. Sérologie de Lyme selon contexte. Digoxinémie si traitement en cours.
  3. Holter ECG ou Télémétrie : Pour les blocs paroxystiques ou pour corréler les symptômes aux anomalies de conduction.
  4. Échocardiographie : Recherche de cardiopathie structurelle, calcifications valvulaires, troubles de la cinétique segmentaire.
  5. Exploration Électrophysiologique (EEP) : Rarement nécessaire. Indiquée en cas de BAV 2:1 à QRS fins sans cause évidente, pour mesurer l’intervalle H-V (His-Ventricule). Un H-V > 70-100 ms signe une atteinte infranodale grave.

Stratégies de prise en charge thérapeutique

Prise en charge aiguë

En présence d’un BAV symptomatique ou hémodynamiquement instable :

  • Atropine : 0,5 à 1 mg IV (Bolus). Efficace surtout sur les blocs nodaux. À utiliser avec prudence dans les blocs infranodaux larges.
  • Isoprénaline (Isuprel) : En perfusion continue si l’atropine est inefficace, pour augmenter la fréquence de l’échappement en attendant la stimulation.
  • Stimulation cardiaque temporaire :
    • Transcutanée (externe) : via les patchs du défibrillateur (mesure d’urgence, sédation nécessaire car douloureux).
    • Transveineuse (sonde d’entraînement électrosystolique) : voie fémorale ou jugulaire, pour stabilisation avant implantation définitive ou si cause réversible.

Stimulation cardiaque définitive (Pacemaker)

L’implantation d’un stimulateur cardiaque (PM) est régie par les recommandations internationales (ESC/AHA). En résumé, le PM est indiqué pour :

  • Tout BAV du 3ème degré (complet) symptomatique ou asymptomatique (sauf cause transitoire et réversible avérée).
  • BAV du 2ème degré type Mobitz 2, quel que soit les symptômes, en raison du risque d’évolution imprévisible vers le BAV complet.
  • BAV du 2ème degré type Mobitz 1 symptomatique ou avec localisation infranodale prouvée à l’EEP.
  • BAV alternant (bloc de branche bascule).

Le choix du matériel (monochambre, double chambre, ou resynchronisation) dépendra de la fonction sinusale et de la fraction d’éjection ventriculaire.

 
Figure 2. Principles of AV blocks and the emergence of escape rhythms / beats.
Figure 2. Principes des blocs AV et de l’émergence des rythmes/battements d’échappement.

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