Bloc auriculo-ventriculaire (bloc AV) : définition, causes, diagnostic et prise en charge
Cet article traite des principes fondamentaux des blocs auriculo-ventriculaires (AV), qui sont classés en trois types : blocs AV du premier degré, du deuxième degré et du troisième degré. Les lecteurs déjà familiarisés avec les bases des blocs AV peuvent passer directement aux chapitres suivants, qui fournissent des discussions détaillées sur chaque type.
Le système de conduction auriculo-ventriculaire (AV) et les blocs AV
Le système auriculo-ventriculaire (AV) est composé du nœud AV et du système de His-Purkinje, qui transmettent les impulsions électriques des oreillettes aux ventricules. La conduction à travers le nœud AV est intentionnellement lente (en raison de la faible concentration de jonctions gap dans les cellules du nœud AV), ce qui permet au remplissage ventriculaire de se terminer avant la contraction ventriculaire. En revanche, les cellules contractiles – et les fibres de Purkinje en particulier – sont riches en jonctions lacunaires, ce qui permet une conduction rapide de l’impulsion dans les ventricules.
Après avoir franchi le nœud AV, l’impulsion électrique traverse le faisceau de His, qui se divise en deux branches, l’une gauche et l’autre droite. La branche gauche du faisceau se subdivise en deux fascicules. À partir de ces branches et de ces faisceaux, les fibres de Purkinje s’étendent dans le myocarde. La conduction à travers le système de Purkinje est très rapide, en raison de la forte densité de jonctions lacunaires. Cette transmission rapide garantit que la majorité du myocarde ventriculaire se dépolarise presque simultanément, ce qui est crucial pour maximiser l’efficacité de la contraction ventriculaire (figure 1).

Le nœud auriculo-ventriculaire (AV) est densément innervé par des fibres nerveuses sympathiques et parasympathiques. La stimulation sympathique améliore la conduction de l’impulsion à travers le nœud AV, un phénomène connu sous le nom d’effet bathmotrope. En revanche, la stimulation parasympathique augmente la résistance dans le nœud AV, ce qui ralentit encore la transmission des impulsions. Une activité parasympathique intense peut entraîner un blocage complet de la conduction des impulsions. Si ce blocage persiste pendant 6 secondes ou plus, une syncope se produit, à moins qu’un rythme d’échappement ne se manifeste.
Vue d’ensemble des blocs AV
La conduction de l’influx des oreillettes vers les ventricules peut être retardée ou bloquée. On parle alors de bloc auriculo-ventriculaire (AV), subdivisé en fonction du degré de blocage. Les blocs AV du premier, du deuxième et du troisième degré peuvent tous être diagnostiqués à l’aide de l’ECG.
Bloc AV du premier degré
Synonymes : Bloc AV 1, bloc AV I
Le terme de bloc est légèrement trompeur car le bloc AV du premier degré implique seulement que la conduction est anormalement lente. Par définition, l’intervalle PR est > 0,22 s. Cependant, toutes les impulsions sont conduites vers les ventricules. Le bloc AV du premier degré est rarement grave et peut être laissé sans traitement dans la grande majorité des cas (les exceptions sont discutées plus loin).
Bloc AV du second degré
Synonymes : Bloc AV 2, bloc AV II
Dans le bloc AV du second degré, certaines impulsions sont complètement bloquées, de sorte que toutes les ondes P ne sont pas suivies de complexes QRS. Le bloc AV du deuxième degré se subdivise en plusieurs variantes :
- Bloc AV du deuxième degré Type Mobitz 1. Peut également être appelé bloc de Wenckebach.
- Bloc AV du second degré de type Mobitz 2.
Le bloc AV du deuxième degré (en particulier le bloc de Mobitz de type 2) nécessite un traitement.
Bloc AV du troisième degré
Synonymes : bloc cardiaque complet, dissociation AV, bloc AV III, bloc AV 3
Dans le bloc AV du troisième degré, aucune impulsion auriculaire n’est transmise aux ventricules. Les oreillettes et les ventricules sont électriquement déconnectés. Cet état est appelé dissociation AV. Il est important de noter que pour que les ventricules présentent une activité électrique, et donc mécanique, un rythme d’échappement doit provenir d’un foyer ectopique situé dans la partie distale du bloc. Le bloc AV du troisième degré est un état critique, car les rythmes d’échappement peuvent ne pas se développer, être transitoires ou produire une fréquence cardiaque insuffisante. En l’absence de rythme d’échappement, l’arrêt cardiaque s’ensuit.
Symptômes causés par les blocs AV
Le bloc AV du premier degré est pratiquement toujours asymptomatique. Il peut provoquer des symptômes si le délai est très long, car l’activité auriculaire et ventriculaire peut se désynchroniser fortement.
Le bloc AV du second degré est généralement asymptomatique, à moins qu’il ne s’agisse d’un bloc de haut degré (c’est-à-dire que de nombreuses impulsions auriculaires sont bloquées). Le patient peut présenter un rythme cardiaque irrégulier, des palpitations, une pré-syncope ou même une syncope. La syncope est plus fréquente dans les blocs de type 2 de Mobitz.
Le bloc AV du troisième degré est principalement symptomatique, car il entraîne une réduction du débit cardiaque due à la bradycardie. Des vertiges, une dyspnée, un angor, des étourdissements, une pré-syncope ou une syncope peuvent survenir. Un arrêt cardiaque se produit si un rythme d’échappement n’est pas établi.
Causes des blocs AV
Les blocs AV sont dus à des blocs fonctionnels ou anatomiques dans le système AV. Le bloc peut être situé dans le nœud auriculo-ventriculaire, le faisceau de His, les branches du faisceau ou les fascicules. De nombreuses affections peuvent être à l’origine de blocs auriculo-ventriculaires :
- Fibrose idiopathique du système de conduction : Environ la moitié des blocs AV sont dus à la fibrose. Il existe une forte corrélation avec l’âge.
- Cardiopathie ischémique : 35 % de tous les blocs AV sont dus à une cardiopathie ischémique aiguë ou chronique (maladie coronarienne). Tous les types de blocs AV peuvent survenir à la suite d’une ischémie ou d’un infarctus. Notez que l’infarctus du myocarde inférieur provoque généralement des blocs AV transitoires (qui disparaissent dans les 7 jours), tandis que l’infarctus de la paroi antérieure provoque généralement des blocs AV permanents. Le bloc AV dû à l’ischémie et à l’infarctus du myocarde a été traité dans le chapitre Défauts de conduction supraventriculaire et intraventriculaire dans l’infarctus du myocarde et l’ischémie.
- Stimulation vagale : Le nerf vague ralentit la fréquence cardiaque et la conduction dans le nœud AV. L’activité vagale augmente dans les situations suivantes : massage du sinus carotidien (intentionnel ou non), manœuvre de Valsalva, douleur aiguë et réflexe hypersensible du sinus carotidien. Les fibres vagales déchargent l’acétylcholine sur les cellules du nœud AV, ce qui ralentit la conduction et peut même la bloquer avec l’asystolie qui s’ensuit. Dans la grande majorité des cas, l’asystolie est transitoire.
- Maladie cardiaque structurelle : sténose aortique, régurgitation aortique, sténose de la valve mitrale, régurgitation de la valve mitrale, myocardite, périmyocardite, infarctus du myocarde, chirurgie cardiaque et cardiomyopathie peuvent tous endommager le système de conduction et provoquer des blocs AV.
- Congénital : Tout degré de bloc AV peut survenir à la naissance.
- Hyperkaliémie, hypokaliémie.
- Digoxine : Rappelez-vous que la digoxine peut provoquer toutes les arythmies et tous les défauts de conduction, y compris tous les degrés de bloc AV.
- Le vérapamil, l’amiodarone, les bêta-bloquants et la phénytoïne peuvent tous provoquer un bloc AV.
- Hypothermie.
- Borréliose (maladie de Lyme, causée par Borrelia spp.).
Les bêta-bloquants ne sont pas contre-indiqués chez les patients présentant un bloc AV de type 1 de Mobitz du premier ou du deuxième degré ; cependant, ces conditions nécessitent une surveillance de l’ECG après l’instauration du traitement par bêta-bloquant afin de s’assurer que le bloc ne s’aggrave pas. En revanche, les blocs AV de Mobitz de type 2 et de troisième degré sont des contre-indications à l’utilisation de bêta-bloquants, à moins qu’un stimulateur cardiaque permanent n’ait été implanté.
Localisation du niveau du bloc
La localisation du niveau du bloc est importante car elle a des implications sur le pronostic et le traitement. Plus le bloc est distal (par rapport au nœud auriculo-ventriculaire), plus le risque de développement d’un bloc cardiaque complet (bloc AV du troisième degré) est élevé. En effet, l’automatisme diminue progressivement en fonction de la distance par rapport au nœud AV. Il est souvent difficile de localiser le niveau du bloc sur l’ECG à 12 dérivations. Il existe heureusement quelques règles empiriques à appliquer. Le bloc AV du premier degré est principalement situé dans le nœud auriculo-ventriculaire. Le bloc AV du second degré de Mobitz type 1 est également principalement situé dans le nœud auriculo-ventriculaire. Ces types de bloc AV sont les plus bénins. Le bloc AV du deuxième degré de Mobitz type 2 est principalement situé dans le faisceau de His ou à sa périphérie. Le bloc AV du troisième degré est principalement situé dans le nœud auriculo-ventriculaire ou le faisceau de His.
La durée du QRS peut être utilisée pour différencier les blocs situés dans le nœud AV et le faisceau de His (c’est-à-dire à proximité de la bifurcation du faisceau de His). Pour que la durée du QRS soit normale (durée du QRS <0,12 s), l’impulsion doit traverser le faisceau de His et être délivrée aux deux branches du faisceau. Ainsi, une durée normale du QRS implique que le bloc est situé à proximité de la bifurcation du faisceau de His. Une durée de QRS prolongée (durée de QRS ≥0,12 s) est moins utile, car elle peut être due soit (1) à un bloc situé à distance de la bifurcation, soit (2) à un bloc situé à proximité de la bifurcation mais avec un bloc de branche concomitant (séparé).
En conclusion, si la durée du QRS est <0,12, le bloc est très probablement situé dans le nœud AV ou le faisceau de His, ce qui indique un meilleur pronostic que les complexes QRS larges, qui sont beaucoup plus susceptibles d’être dus à des blocs distaux par rapport à la bifurcation du faisceau de His. Une étude électrophysiologique est nécessaire pour établir avec certitude le niveau du bloc, mais elle n’est que rarement nécessaire (car la prise en charge est basée principalement sur le degré du bloc AV).
