Section 2, Chapter 5

Adénosine pour les tachyarythmies (AVNRT, AVRT, NCT)

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Substance : Adénosine (Nucléoside purique endogène)

Noms de marque : Adenocor, Krenosin

Mécanisme d’action

L’adénosine est un nucléoside endogène qui agit principalement par stimulation des récepteurs purinergiques A1. Elle agit en ralentissant la conduction de l’influx nerveux à travers le nœud auriculo-ventriculaire (AV), interférant ainsi avec la voie qui permet les tachyarythmies de réentrée (notamment AVNRT et AVRT). Au niveau cellulaire, l’activation des récepteurs A1 entraîne une sortie de potassium (K+) induisant une hyperpolarisation membranaire et une diminution de l’entrée de calcium, ce qui bloque transitoirement la conduction nodale.

Ces arythmies dépendent de la transmission par le nœud AV. En perturbant cette transmission, la boucle de réentrée – et donc l’arythmie – peut être interrompue, restaurant le rythme sinusal. En général, l’adénosine est considérée comme le traitement de première intention pour les patients stables souffrant de tachycardie à complexe étroit (TCE) régulière.

En plus de son effet thérapeutique, l’adénosine possède une valeur diagnostique. En cas de flutter auriculaire ou de tachycardie atriale, le blocage transitoire du nœud AV permet de démasquer l’activité auriculaire sous-jacente (ondes F de flutter) sur l’ECG, bien qu’elle ne réduise pas ces arythmies.

L’adénosine provoque généralement un bloc AV de deuxième ou troisième degré de courte durée (pause asystolique) qui peut être très désagréable pour le patient, provoquant souvent une angoisse de mort imminente. Cet effet secondaire dure quelques secondes mais nécessite que le patient soit prévenu avant l’injection. Des rapports de cas ont indiqué que le risque de bloc AV de haut degré prolongé et d’arythmies ventriculaires est plus élevé chez les patients sous digoxine ou vérapamil, bien qu’il ne s’agisse pas d’une interaction médicamenteuse formellement contre-indiquée, la prudence est requise.

La demi-vie plasmatique de l’adénosine est extrêmement courte (moins de 10 secondes) en raison de sa captation rapide par les érythrocytes et les cellules endothéliales vasculaires. Les effets indésirables sont donc très brefs.

Indications

  • Conversion rapide en rythme sinusal des tachycardies paroxystiques supraventriculaires (TPSV), y compris celles associées à une voie accessoire (syndrome de Wolff-Parkinson-White).
  • Aide au diagnostic des tachycardies à complexes larges ou étroits dont l’origine est incertaine (différenciation entre TSV avec aberrance et tachycardie ventriculaire chez le patient stable, ou démasquage d’un flutter).
  • Scintigraphie de perfusion myocardique (inducteur de vasodilatation coronaire via les récepteurs A2a pour les épreuves de stress pharmacologique).
  • Mesure de la réserve fractionnaire de flux (FFR) en coronarographie.

Contre-indications

  • Asthme et BPCO (Bronchopneumopathie chronique obstructive) avec composante bronchospastique active. L’adénosine peut provoquer un bronchospasme sévère par stimulation des récepteurs bronchiques. L’adénosine doit être utilisée avec une extrême prudence chez les patients souffrant d’une maladie pulmonaire obstructive ; l’asthme sévère est une contre-indication formelle.
  • Tachycardie irrégulière à complexe large (contre-indication absolue).
    • La tachycardie irrégulière à complexe large est le plus souvent due à une fibrillation auriculaire avec des complexes QRS larges (bloc de branche). Cependant, le danger réside dans la fibrillation auriculaire préexcitée (FA sur voie accessoire type Wolff-Parkinson-White). Dans ce cas spécifique, le blocage de la conduction du nœud AV par l’adénosine peut favoriser une conduction préférentielle par la voie accessoire (qui a une période réfractaire courte), entraînant une transmission accélérée des impulsions auriculaires vers les ventricules (parfois > 300 bpm) et précipitant une fibrillation ventriculaire et un arrêt cardiaque.
  • Bloc AV de haut degré (bloc AV de Mobitz de type 2 du deuxième degré, bloc AV du troisième degré) spontané et non appareillé.
  • Syndrome du sinus malade (Dysfonction sinusale) ou bradycardie symptomatique en l’absence de stimulateur cardiaque fonctionnel.
  • Hypersensibilité connue à l’adénosine.
  • Greffe cardiaque (transplantation) : Les cœurs dénervés sont hypersensibles à l’adénosine. L’usage n’est pas strictement contre-indiqué mais nécessite une réduction drastique des doses (voir dosage).

Administration

L’efficacité de l’adénosine dépend entièrement de la rapidité de son administration pour atteindre le cœur avant d’être métabolisée.

  • Monitorage : L’administration doit se faire sous surveillance ECG continue et avec un chariot de réanimation (défibrillateur) à proximité immédiate.
  • Voie normale : Voie intraveineuse périphérique (IV), de préférence un cathéter de gros calibre (18G ou 20G) placé dans la fosse antécubitale (pli du coude) pour minimiser le temps de transit vers le cœur.
  • Voie alternative : L’administration d’adénosine par voie veineuse centrale convient aux unités de soins intensifs, mais nécessite une réduction de la dose.
  • Technique d’injection : L’injection d’adénosine doit être effectuée en « bolus flash » très rapide (1 à 2 secondes), suivie immédiatement d’un rinçage rapide (flush) avec 20 ml de sérum physiologique (l’utilisation d’un système de robinet à trois voies est recommandée pour enchaîner les seringues sans délai). L’élévation du bras après l’injection favorise le retour veineux.
  • Liquides IV compatibles : sérum physiologique (NaCl 0.9%).
  • Conservation : température ambiante. Ne pas réfrigérer (risque de cristallisation).

Dosage

Adultes (Voie Périphérique)

  • Dose initiale : 6 mg en bolus IV rapide.
  • Attendez 60 à 120 secondes pour observer l’effet (surveillance du tracé ECG).
  • Deuxième dose : Si la première dose est inefficace, administrer 12 mg.
  • Attendez 60 secondes avant de tenter une troisième dose.
  • Troisième dose : 12 mg ou 18 mg (selon les protocoles locaux, bien que 12 mg soit souvent la limite recommandée avant d’envisager d’autres thérapies).

Ajustements pharmacologiques et situations spéciales

  • Voie Veineuse Centrale : Réduire la dose initiale à 3 mg (risque de bradycardie sévère ou d’asystolie prolongée avec la dose standard).
  • Transplantation cardiaque : Réduire la dose initiale à 3 mg (hypersensibilité par dénervation).
  • Interactions – Dipyridamole (et Carbamazépine) : Le dipyridamole inhibe la recapture de l’adénosine et potentialise fortement son effet. La dose d’adénosine doit être réduite (ex: débuter à 3 mg) ou le médicament évité.
  • Interactions – Méthylxanthines (Caféine, Théophylline) : Ce sont des antagonistes compétitifs des récepteurs à l’adénosine. Des doses plus élevées d’adénosine peuvent être nécessaires chez les grands consommateurs de café ou les patients sous théophylline, voire rendre le traitement inefficace.

Insuffisance rénale ou traitement de substitution rénale

  • Aucun ajustement posologique n’est nécessaire en cas d’insuffisance rénale ou de traitement de substitution rénale, car le métabolisme est extra-rénal (sanguin et endothélial).

Patients pédiatriques

  • Poids corporel < 50 kg :
    • Dose initiale : 0,05 à 0,1 mg/kg (bolus rapide).
    • Deuxième dose : augmenter la dose de 0,05 à 0,1 mg/kg en cas d’échec.
    • Dose unique maximale : 0,3 mg/kg (sans dépasser 12 mg).
  • Poids corporel >50 kg :
    • Posologie pour adultes.

Effets indésirables

Les effets indésirables sont fréquents mais bénins car ils persistent généralement pendant moins de 10 à 30 secondes en raison de la courte demi-vie de l’adénosine. Il est crucial de rassurer le patient avant l’injection.

  • Cardiovasculaire : Bloc AV transitoire, bradycardie sinusale, pauses sinusales, hypotension transitoire, palpitations, fibrillation auriculaire paroxystique (rarement induite lors de la conversion).
  • Respiratoire : Dyspnée, bronchospasme (particulièrement chez les asthmatiques), hyperventilation.
  • Neurologique / Sensoriel : Maux de tête, étourdissements, vertiges, picotements dans les bras, engourdissements, vision floue.
  • Gastro-intestinal : Nausées, goût métallique.
  • Systémique : Bouffées de chaleur au niveau du visage (flushing), sueurs.
  • Psychologique : Anxiété intense, sensation d’oppression dans la gorge ou la poitrine, sensation de mort imminente (« impending doom »).

Lecture pertinente

Références

Banque de médicaments (DrugBank)

Zipes et al. : Braunwald’s Heart Disease: A Textbook of Cardiovascular Medicine, Elsevier (2019).

2019 ESC Guidelines for the management of patients with supraventricular tachycardia.

Manuel des médicaments de l’USI de Wellington

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