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Interprétation de l'ECG clinique

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  1. Introduction to ECG Interpretation
    6 Chapters
  2. Arrhythmias and arrhythmology
    23 Chapters
  3. Myocardial Ischemia & Infarction
    22 Chapters
  4. Conduction Defects
    11 Chapters
  5. Cardiac Hypertrophy & Enlargement
    5 Chapters
  6. Drugs & Electrolyte Imbalance
    3 Chapters
  7. Genetics, Syndromes & Miscellaneous
    7 Chapters
  8. Exercise Stress Testing (Exercise ECG)
    6 Chapters
Section 1, Chapter 2

Physiologie électrique du cœur : mécanismes cellulaires et vecteurs de l’activité électrophysiologique

Progression du Section
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Électrophysiologie cardiaque : potentiels membranaires, potentiels d’action, automaticité et vecteurs électriques

Le potentiel d’action cardiaque se caractérise par une phase de dépolarisation (activation) suivie d’une phase de repolarisation (récupération). Il est présent dans toutes les cellules myocardiques, mais sa morphologie varie selon le type cellulaire. Au cours de la dépolarisation et de la repolarisation, des ions sodium (Na⁺), potassium (K⁺) et calcium (Ca²⁺) traversent la membrane cellulaire dans un sens ou dans l’autre. Étant électriquement chargés, leurs déplacements génèrent un courant électrique, de sorte que la propagation du potentiel d’action correspond à la propagation de ce courant.

L’ensemble des tissus et des fluides entourant le cœur contient une forte concentration d’ions, leur conférant des propriétés conductrices. Ainsi, les courants électriques générés par l’activité myocardique se propagent à travers l’organisme jusqu’à la surface cutanée, où ils peuvent être détectés à l’aide d’électrodes. L’électrocardiographe enregistre et analyse ces signaux électriques, puis les restitue sous la forme d’un électrocardiogramme (ECG). Comme mentionné précédemment, les potentiels électriques issus du système de conduction cardiaque sont trop faibles pour être directement détectés par des électrodes cutanées ; l’ECG reflète donc principalement l’activité électrique des myocytes auriculaires et ventriculaires.

L’automaticité des cellules pacemaker

L’automaticité des cellules du nœud sinusal résulte de l’entrée progressive de sodium (Na+) dans la cellule dès le retour au potentiel de repos (figure 1). Cette infiltration lente de Na+ entraîne une dépolarisation graduelle de la membrane. Lorsque le potentiel membranaire atteint le seuil d’environ –40 mV, un potentiel d’action est déclenché. À ce seuil, les canaux calciques voltage‑dépendants (Ca2+) s’ouvrent, permettant un afflux de calcium responsable de la phase ascendante de la dépolarisation. La phase de repolarisation débute ensuite par l’ouverture des canaux potassiques (K+) voltage‑dépendants, favorisant la sortie de potassium et le retour au potentiel de repos. Ce cycle se répète de manière rythmique (figure 1). Il convient de noter que la dépolarisation lente spontanée observée durant la phase de repos est appelée potentiel pacemaker.

Figure 1. The action potential in the sinoatrial node and in contractile myocardial cells. Phase 4 of the action potential in the sinoatrial node is called 'pacemaker potential', because it is responsible for the spontaneous repetitive depolarization.
Figure 1. Le potentiel d’action dans le nœud sinusal et dans les cellules contractiles du myocarde. La phase 4 du potentiel d’action dans le nœud sinusal est appelée “potentiel pacemaker”, car elle est responsable de la dépolarisation répétitive spontanée.

La dépolarisation se propage du nœud sinusal vers le myocarde auriculaire puis ventriculaire. La conduction du potentiel d’action est rendue possible par l’interconnexion électrique de toutes les cellules cardiaques via des jonctions lacunaires (figure 1). Ces jonctions, constituées de canaux protéiques reliant les membranes des cellules adjacentes, permettent le passage direct d’ions et assurent ainsi la transmission du potentiel d’action de cellule en cellule. La densité particulièrement élevée de jonctions lacunaires dans les fibres du réseau de Purkinje explique la vitesse élevée de conduction dans ce système. À l’inverse, les cellules du nœud auriculo‑ventriculaire présentent une faible densité de jonctions lacunaires, ce qui entraîne un ralentissement physiologique de la conduction à ce niveau. De même, la transmission du potentiel d’action entre les cardiomyocytes contractiles est relativement lente, en raison de la moindre abondance de jonctions lacunaires entre ces cellules.

Le potentiel d’action des cellules myocardiques contractiles

Les cellules contractiles, à la différence des cellules du nœud sinusal, présentent un véritable potentiel de repos (phase 4) d’environ –90 mV. Elles nécessitent une stimulation pour déclencher un potentiel d’action. Lors de cette stimulation, l’ouverture des canaux sodiques (Na+) entraîne un afflux rapide d’ions sodium, provoquant la dépolarisation cellulaire. La contraction débute quelques millisecondes après le début de la dépolarisation, tandis que la relaxation survient quelques millisecondes après la fin de la repolarisation. La durée du potentiel d’action est d’environ 0,20 seconde dans le myocarde auriculaire et de 0,30 seconde dans le myocarde ventriculaire (figure 1).

Les différentes phases sont également représentées dans la figure 1 ci-dessus.

  • Phase 4 (phase de repos) : au cours de cette phase, seuls les canaux potassiques (K⁺) demeurent ouverts, et l’efflux de potassium maintient le potentiel de repos transmembranaire à une valeur négative d’environ –90 mV.
  • Phase 0 (dépolarisation) : sous l’effet d’un stimulus, une dépolarisation rapide survient par un influx rapide de sodium (Na+) à travers les canaux sodiques voltage‑dépendants, entraînant une inversion transitoire du potentiel membranaire jusqu’à environ +20 mV.
  • Phase 1 (repolarisation précoce) : au cours de cette phase, l’ouverture transitoire de canaux potassiques spécifiques entraîne un bref efflux de K+, provoquant une repolarisation partielle et rapide du potentiel d’action.
  • Phase 2 (phase de plateau) : Presque simultanément à l’ouverture des canaux potassiques de la phase 1, des canaux calciques de type L (Ca2+) à activation lente s’ouvrent, permettant un influx persistant de calcium dans la cellule. Cet afflux calcique soutenu maintient le potentiel de membrane à un niveau quasi stable, constituant la phase de plateau, dont la durée prolongée assure une contraction synchrone de la majeure partie du myocarde ventriculaire.
  • Phase 3 (repolarisation) : les canaux calciques de type L se ferment, tandis que les canaux potassiques voltage‑dépendants se rouvrent, entraînant un efflux de K+ qui restaure le potentiel de membrane vers sa valeur de repos.

Périodes réfractaires absolue et relative au cours du potentiel d’action

Pendant la majeure partie du potentiel d’action, la cellule myocardique se trouve en période réfractaire absolue, ce qui signifie qu’aucun stimulus, quelle qu’en soit l’intensité, ne peut déclencher un nouveau potentiel d’action. Cette phase est suivie d’une période réfractaire relative, durant laquelle un stimulus d’intensité suffisante peut induire un nouveau potentiel d’action. Les périodes réfractaires absolue et relative sont illustrées respectivement dans la figure 1 (ci-dessus) et la figure 2 (ci-dessous).

Figure 2. Absolute and relative refractory periods during the action potential.
Figure 2. Périodes réfractaires absolues et relatives pendant le potentiel d’action.

Comme l’illustre la figure 2, la période réfractaire relative coïncide avec l’apex de l’onde T. Cette phase est classiquement décrite comme une période vulnérable du cycle cardiaque, car une stimulation électrique appliquée à ce moment peut déclencher un nouveau potentiel d’action susceptible d’induire des arythmies ventriculaires potentiellement létales, telles que la fibrillation ventriculaire. Ce phénomène, bien que rare, peut être observé en pratique clinique. Le stimulus déclencheur est le plus souvent un battement ventriculaire prématuré (c’est-à-dire un complexe ectopique d’origine ventriculaire) ou une stimulation inappropriée délivrée par un stimulateur cardiaque. Lorsqu’une telle dépolarisation ventriculaire survient pendant l’onde T, on parle de phénomène « R‑sur‑T ». Il convient toutefois de souligner que ce phénomène est fréquent et que le risque de fibrillation ventriculaire demeure faible, sauf en présence d’une instabilité électrique ventriculaire, comme lors d’un infarctus du myocarde aigu ou d’un syndrome du QT long. La figure 3 illustre deux exemples de phénomène R‑sur‑T.

Figure 3. R-on-T phenomenon
Figure 3. Phénomène R-on-T

Que montre l’ECG ?

La figure 4 illustre les morphologies classiques des ondes de l’électrocardiogramme (ECG). La première déflexion, appelée onde P, correspond à l’activation (dépolarisation) des oreillettes. La repolarisation auriculaire n’est généralement pas visible, car elle survient simultanément à la dépolarisation ventriculaire, laquelle génère des potentiels électriques d’amplitude nettement supérieure et prédomine ainsi à ce stade du cycle cardiaque. La dépolarisation ventriculaire se manifeste par le complexe QRS, constitué des ondes Q, R et S. Les variations de direction de ces ondes reflètent les changements d’orientation de l’activation électrique au cours de la dépolarisation ventriculaire. Enfin, l’onde T traduit la repolarisation des ventricules.

Figure 4. The classical ECG curve and the events reflected on it. The ECG curve above displays a QRS complex consisting of Q-, R- and S-wave. Even if one or two waves would be missing from the QRS complex, it would still be referred to as the QRS complex.
Figure 4. Courbe électrocardiographique typique et événements cardiaques correspondants. Le tracé présenté illustre un complexe QRS, constitué des ondes Q, R et S. Même en l’absence d’une ou de plusieurs de ces ondes, l’ensemble est néanmoins désigné sous le terme de complexe QRS.

Observer la ligne isoélectrique située entre l’onde P et le complexe QRS (figure 4). Ce segment, appelé segment PR, correspond au délai de conduction de l’influx électrique à travers le nœud auriculo‑ventriculaire.

Il est essentiel de comprendre la genèse de ces ondes, ce qui implique la maîtrise des vecteurs électriques présents au cours du cycle cardiaque. La théorie vectorielle étant relativement complexe, la discussion qui suit se limitera aux principaux vecteurs électriques et à leur influence sur la morphologie de la courbe électrocardiographique.

Vecteurs électriques

Un vecteur est une grandeur physique caractérisée par une magnitude et une direction dans l’espace. Le déplacement des particules électriquement chargées, qui survient lors de la propagation du potentiel d’action cardiaque, génère un vecteur électrique. La dépolarisation se propage à travers le myocarde de manière analogue à un front d’onde se déplaçant à la surface de l’eau. À chaque instant, de multiples fronts d’onde dépolarisants se diffusent simultanément dans le myocarde (figure 5, partie gauche). La moyenne vectorielle de l’ensemble de ces fronts d’onde, à un moment donné, correspond au vecteur électrique principal (figure 5, partie droite). Ce vecteur électrique reflète ainsi la direction moyenne de l’impulsion cardiaque. Les tracés électrocardiographiques illustrés dans la figure 5 représentent en réalité la succession des vecteurs électriques au cours du cycle cardiaque.

Figure 5. The principle of electrical vectors.
Figure 5. Le principe des vecteurs électriques.

Pour comprendre comment un vecteur électrique se traduit par une onde sur le tracé électrocardiographique (ECG), il est indispensable de connaître le principe de construction des dérivations. Les dérivations ECG seront abordées en détail dans le chapitre suivant ; nous nous limiterons ici aux aspects en lien direct avec les vecteurs électriques. L’électrocardiographe utilise deux électrodes pour enregistrer une dérivation (figure 6), en comparant les potentiels électriques captés par chacune d’elles. L’une est définie comme positive (ou électrode exploratrice) et l’autre comme négative (ou électrode de référence). L’appareil est conçu de telle sorte qu’un vecteur orienté vers l’électrode exploratrice génère une déflexion positive (onde) sur le tracé ECG, tandis qu’un vecteur s’en éloignant produit une déflexion négative (figure 6).

Il est traditionnellement enseigné que l’électrode exploratrice est celle qui « observe » l’activité cardiaque, notion qui facilite l’interprétation de l’électrocardiogramme. Le fondement physiologique de ce concept est détaillé ci‑après.

Figure 6. An ECG lead displays an ECG curve (diagram). At least two electrodes are necessary to obtain an ECG lead. One of the electrodes serves as reference and the other serves as exploring electrode. The electrocardiograph compares the electrical potentials detected in the electrodes. If a vectors travels towards the exploring electrode, and away from the reference electrode, a positive wave is printed.
Figure 6. Une dérivation ECG affiche une courbe ECG (diagramme). Au moins deux électrodes sont nécessaires pour obtenir une dérivation ECG. L’une des électrodes sert de référence et l’autre d’électrode exploratrice. L’électrocardiographe compare les potentiels électriques détectés dans les électrodes. Si un vecteur se dirige vers l’électrode exploratrice et s’éloigne de l’électrode de référence, une onde positive est imprimée.

Maintenant que la relation entre les vecteurs électriques cardiaques et les ondes de l’ECG a été clarifiée, il convient d’examiner les principaux vecteurs du cœur et la manière dont ils génèrent la morphologie classique de la courbe électrocardiographique. Les dérivations précordiales V1 et V5 ont été choisies ici à des fins pédagogiques, car elles enregistrent principalement l’activité électrique se propageant dans le plan horizontal. Cette orientation est liée à la position respective de l’électrode exploratrice et de l’électrode de référence. L’électrode exploratrice est placée à la face antérieure du thorax, tandis que la référence est obtenue par la moyenne des potentiels mesurés aux électrodes des membres (bras droit, bras gauche, jambe gauche), ce qui correspond à un point de référence électrique situé approximativement au centre du thorax (Figure 7). Nous reviendrons sur ce principe dans le chapitre suivant ; pour l’instant, il suffit de retenir que l’électrode exploratrice se trouve en avant du thorax et que la référence est localisée virtuellement à l’intérieur de celui-ci. Nous allons à présent analyser les principaux vecteurs électriques cardiaques et leur traduction dans les dérivations V1 et V5. L’examen attentif de la Figure 7 permettra de comprendre la genèse et l’aspect des ondes P, Q, R et S sur le tracé électrocardiographique.

Figure 7. The main electrical vectors in the horizontal plane. V1 and V5 are exploring electrodes and the reference point is composed of the average of the electrodes placed on the limbs (this reference is called Wilson's central terminal).
Figure 7. Les principaux vecteurs électriques dans le plan horizontal. V1 et V5 sont des électrodes exploratrices et le point de référence est constitué par la moyenne des électrodes placées sur les membres (cette référence est appelée borne centrale de Wilson).

Le premier vecteur : activation auriculaire

Le premier vecteur correspond à la dépolarisation auriculaire. Celle-ci débute au niveau du nœud sinusal, puis se propage à travers l’oreillette droite avant d’atteindre l’oreillette gauche. Lors de l’activation de l’oreillette droite, le vecteur est orienté vers l’avant, la gauche et légèrement vers le bas. Lorsque la dépolarisation gagne l’oreillette gauche, le vecteur s’oriente davantage vers la gauche et légèrement vers l’arrière, ce qui confère au vecteur auriculaire une trajectoire légèrement incurvée (figure 7). En dérivation V1, le vecteur initial dirigé vers l’électrode produit une déflexion positive correspondant à l’onde P. Lorsque l’activation atteint l’oreillette gauche, le vecteur s’éloigne de V1, ce qui peut se traduire par une petite déflexion négative en fin d’onde P (figure 7). En revanche, la dérivation V5 enregistre des vecteurs orientés vers elle, avec des angles variables, tout au long de l’activation auriculaire, générant ainsi une onde P uniformément positive.

Le deuxième vecteur : le septum interventriculaire

Le septum interventriculaire reçoit principalement des fibres de Purkinje issues de la branche gauche du faisceau de His, ce qui entraîne une dépolarisation se propageant de gauche vers droite. Le vecteur résultant est orienté vers l’avant et la droite. En raison de la petite taille du septum, la dérivation V1 enregistre une onde r de faible amplitude, tandis que la dérivation V5 présente une onde q discrète. Ainsi, un même vecteur électrique est responsable de l’onde r observée en V1 et de l’onde q observée en V5.

Le troisième vecteur : activation de la paroi libre du ventricule.

Les vecteurs résultant de l’activation des parois libres des ventricules sont orientés vers la gauche et vers le bas (figure 7). L’explication en est la suivante :

  1. Le vecteur résultant de l’activation du ventricule droit n’est pas visible, car il est masqué par le vecteur, beaucoup plus important, généré par le ventricule gauche. Ainsi, lors de l’activation des parois libres ventriculaires, le vecteur observé correspond en réalité à celui produit par le ventricule gauche.
  2. L’activation de la paroi libre ventriculaire se fait de l’endocarde vers l’épicarde. En effet, les fibres de Purkinje traversent l’endocarde, où elles délivrent le potentiel d’action aux cellules contractiles. Le potentiel d’action se propage ensuite d’une cellule contractile à l’autre, en commençant par l’endocarde et en se dirigeant vers l’épicarde.

Comme l’illustre la figure 7, le vecteur de dépolarisation de la paroi libre du ventricule gauche est orienté vers la gauche et vers le bas. L’électrode précordiale V5 enregistre ainsi un vecteur de grande amplitude dirigé vers elle, ce qui se traduit par une onde R prédominante. À l’inverse, l’électrode V1 capte un vecteur s’éloignant, générant une onde S profonde.

Le quatrième vecteur : régions basales des ventricules

Le dernier vecteur résulte de l’activation des régions basales des ventricules. Il est orienté vers l’arrière et vers le haut, s’éloignant ainsi de l’électrode V5, qui enregistre une onde S négative. L’électrode V1 ne capte pas ce vecteur.

Le vecteur de l’onde T

L’onde T correspond à la phase de repolarisation ventriculaire rapide (phase 3 du potentiel d’action). Elle doit être concordante avec le complexe QRS, c’est-à-dire orientée dans la même direction que la déflexion prédominante de celui-ci. Ainsi, un complexe QRS globalement négatif doit être suivi d’une onde T négative, tandis qu’un complexe QRS globalement positif doit être suivi d’une onde T positive. Lorsque l’onde T présente une orientation opposée à celle du complexe QRS, on parle d’onde T discordante (figure 8).

Figure 8. Concordant and discordant T-waves.
Figure 8. Présentation des ondes T concordantes et discordantes.

Il pourrait sembler contre-intuitif que le complexe QRS et l’onde T présentent généralement la même orientation sur l’ECG, alors que les flux ioniques au cours de la dépolarisation et de la repolarisation sont de sens opposé. On pourrait en effet s’attendre à ce que ces deux phénomènes électriques se traduisent par des vecteurs orientés en directions inverses. Or, ce n’est pas le cas : non seulement les flux ioniques sont opposés, mais la direction du vecteur électrique l’est également, ce qui aboutit à une concordance apparente des polarités. Rappelons que la dépolarisation de la paroi libre ventriculaire progresse de l’endocarde vers l’épicarde. À l’inverse, la repolarisation débute dans l’épicarde et se propage vers l’endocarde (Figure 9). Cette séquence s’explique par la durée plus courte du potentiel d’action des cellules épicardiques, qui amorcent leur repolarisation plus précocement que les cellules endocardiques. Se reporter à la Figure 9 pour une représentation schématique de ce mécanisme.

En conclusion, puisque (1) les flux ioniques et (2) la direction du vecteur électrique sont opposés durant la repolarisation, l’effet net sur le tracé électrocardiographique est nul, et l’onde T apparaît concordante avec le complexe QRS.

Le vecteur de l’onde T est normalement orienté vers l’avant, légèrement vers la gauche et vers le bas. Chez l’enfant et l’adolescent, il peut toutefois être dirigé davantage vers la gauche et vers l’arrière, entraînant l’apparition d’ondes T négatives dans les dérivations précordiales droites (V1 à V4). Ces ondes se normalisent, c’est-à-dire deviennent positives, au cours de la puberté. Il convient néanmoins de noter qu’une onde T négative en V1 est fréquente et concorde avec la polarité du complexe QRS, généralement négatif dans cette dérivation (ces aspects seront détaillés ultérieurement).

Figure 9. Le vecteur de l’onde T. L’explication de la concordance entre l’onde T et le complexe QRS est présentée dans les panneaux 1 à 3.

Enfin, il convient de noter que les ondes P et T présentent une morphologie lisse, tandis que le complexe QRS se caractérise par des déflexions abruptes. Cette différence s’explique par le fait que les ondes P et T résultent d’activités électriques de basse fréquence, alors que le complexe QRS correspond à une activité électrique de fréquence nettement plus élevée.

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