Dépression du segment ST dans l’ischémie myocardique et diagnostics différentiels
Dépression du segment ST due à une ischémie myocardique aiguë
Les dépressions du segment ST causées par l’ischémie sont caractérisées par un segment ST horizontal ou descendant. En effet, les directives nord-américaines et européennes affirment que le segment ST doit être soit descendant, soit horizontal. Dans le cas contraire, il est peu probable que l’ischémie soit la cause de la dépression du segment ST. La dépression horizontale du segment ST est plus spécifique que la dépression descendante. Voir Figure 1.
Critères pour la dépression ischémique du segment ST
Nouvelles dépressions horizontales ou descendantes du segment ST ≥0,5 mm dans au moins deux dérivations anatomiquement contiguës.
La transition du segment ST à l’onde T est plus abrupte en cas d’ischémie (la transition est normalement douce). Voir Figure 2.
Les dépressions ischémiques du segment ST se produisent à la fois dans le NSTE-ACS (NSTEMI et angine de poitrine instable) et dans le STE-ACS (STEM). Cependant, l’importance de la dépression du segment ST diffère nettement dans le NSTE-ACS et le STE-ACS. Dans le NSTE-ACS, les dépressions du segment ST sont les principales modifications ischémiques de l’ECG. Les dépressions du segment ST dans le NSTE-ACS sont souvent accompagnées d’inversions de l’onde T (ou d’ondes T plates), mais les dépressions du segment ST constituent la principale constatation ECG. En revanche, dans le STE-ACS, les dépressions du segment ST sont des observations secondaires et les observations principales sont les élévations du segment ST. Comme expliqué dans l’article précédent, les dépressions du segment ST dans le STE-ACS sont en fait réciproques (images miroir) des élévations du segment ST.
Les dépressions du segment ST avec remontée du segment ST sont rarement causées par une ischémie, à une exception notable près. L’apparition de dépressions du segment ST ascendantes avec des ondes T proéminentes dans la majorité des dérivations thoraciques peut indiquer une occlusion aiguë de l’artère descendante antérieure gauche (LAD). Ce schéma ECG est appelé ECG de Winter.
La figure 3 présente tous les diagnostics différentiels cliniquement pertinents, ainsi que leur aspect ECG, pour les modifications ECG ischémiques. Cette figure doit être étudiée attentivement.
Diagnostics différentiels dans les dépressions du segment ST
Veuillez vous référer à la figure 3 pour des exemples.
Dépressions normales (physiologiques) du segment ST
Les dépressions normales (physiologiques) du segment ST surviennent pendant l’exercice physique. Ces dépressions du segment ST ont un segment ST en pente ascendante. La dépression du point J 60 est généralement < 1 mm et se résorbe rapidement une fois l’exercice arrêté. Certains experts pensent que ces dépressions du segment ST représentent une forme bénigne d’ischémie sous-endocardique. Reportez-vous à Test d’effort pour plus de détails.
Hyperventilation
L’hyperventilation provoque des dépressions du segment ST très similaires à celles normalement observées lors d’un exercice physique.
Left ventricular hypertrophy (LVH), right ventricular hypertrophy (RVH), left bundle branch block (LBBB), right bundle branch block (RBBB) and pre-excitation
L’hypertrophie ventriculaire droite (HVD), le bloc de branche gauche (BBG), le bloc de branche droit (BBD) et la préexcitation (syndrome de WPW) peuvent tous être à l’origine de dépressions du segment ST. Il s’agit d’affections courantes dans lesquelles une dépolarisation anormale (complexe QRS) entraîne des anomalies de la repolarisation (segment ST-T). Par exemple, un bloc de la branche gauche (c’est-à-dire un bloc de branche gauche) signifie que le ventricule gauche ne sera pas dépolarisé par le réseau de Purkinje, mais plutôt par une propagation de la dépolarisation à partir du ventricule droit. La dépolarisation ventriculaire anormale entraîne une repolarisation anormale. Pour cette raison, ces modifications ST-T sont appelées modifications ST-T secondaires. On s’attend en fait à ce que ces pathologies présentent de tels changements ST-T secondaires ; l’absence de tels changements devrait conduire à suspecter une ischémie (si le patient présente des symptômes compatibles avec l’ischémie). Il en va de même pour les stimulateurs cardiaques artificiels (pratiquement tous les stimulateurs cardiaques stimulent les ventricules dans l’apex ventriculaire droit). On s’attend donc à observer des modifications secondaires du segment ST-T pendant le rythme du stimulateur cardiaque.
Digoxine
La digoxine (digitalis, digitoxine) provoque une dépression du segment ST en pente descendante avec un aspect “affaissé” caractéristique.
Stimulation sympathique et hypokaliémie
La stimulation sympathique et l’hypokaliémie provoquent des modifications non spécifiques du segment ST.
Insuffisance cardiaque
L’insuffisance cardiaque peut provoquer des dépressions du segment ST dans les dérivations gauches (V5, V6, I et aVL). Ces dépressions sont horizontales ou descendantes.
Tachycardie supraventriculaire
Tachycardie supraventriculaire peut également provoquer des dépressions du segment ST. Ces dépressions sont généralement horizontales ou ascendantes et tendent à être plus évidentes dans les dérivations V4-V6. Ces dépressions du segment ST disparaissent rapidement une fois que la tachycardie s’est résorbée.
Un nouveau syndrome cardiaque avec dépressions du segment ST concaves et ascendantes
En novembre 2018, des chercheurs du Danemark, des Pays-Bas et du Royaume-Uni ont signalé un nouveau syndrome ECG caractérisé par des dépressions du segment ST généralisées et un risque accru d’arrêt cardiaque soudain. Les chercheurs ont identifié cinq familles non apparentées dont les caractéristiques représentent un syndrome autosomique dominant jusqu’alors non reconnu (figure 4). L’ECG se caractérise par une dépression profonde et persistante du segment ST, concave et ascendante, dans de multiples dérivations des membres et du thorax. Les modifications de l’ECG sont stables dans le temps et s’accentuent à l’effort. Les patients présentent des épisodes syncopaux, une tachycardie ventriculaire (y compris torsade de pointes), une fibrillation ventriculaire et un arrêt cardiaque soudain.