Application clinique de l’ECG dans les douleurs thoraciques et l’infarctus aigu du myocarde
Utilisation de l’ECG chez les patients souffrant de syndromes coronariens aigus et de douleurs thoraciques
Un ECG doit être réalisé sur tous les patients qui consultent un médecin en raison d’une gêne thoracique ou d’autres symptômes pouvant être causés par une ischémie myocardique. Parmi les autres symptômes, citons la dyspnée, des douleurs irradiant vers le bras, l’épaule ou la gorge gauches, des palpitations, des maux de dos et certains cas de douleurs dans la partie supérieure de l’abdomen. L’enregistrement d’un ECG coûte environ 10 euros et peut réduire considérablement la morbidité et la mortalité chez les patients atteints de syndromes coronariens aigus. Il est important de noter que les résultats de l’ECG dictent la prise en charge des syndromes coronariens aigus. Un ECG doit donc être réalisé et interprété dans les 10 minutes suivant l’arrivée à l’établissement de soins (généralement aux urgences). Il est recommandé d’utiliser l’ECG à 12 dérivations (ECG classique) pour interpréter l’ischémie. Tous les critères ECG disponibles pour l’infarctus aigu du myocarde et l’ischémie sont basés sur un ECG classique à 12 dérivations. Les critères ECG établis ne s’appliquent pas aux ECG à 12 dérivés mathématiquement (par exemple EASI, pistes de Frank, etc.).
Notez que dans certaines situations, il est approprié de connecter des électrodes supplémentaires afin de détecter un infarctus du ventricule droit (pistes V3R, V4R, V5R, V6R) et un infarctus postérolatéral (pistes V7, V8, V9). Les critères d’ischémie ou d’infarctus ont été établis pour ces sondes (veuillez vous référer aux sondes ECG ou aux sondes supplémentaires en cas d’infarctus aigu du myocarde).
Importance de la réalisation d’un ECG en cas de douleur thoracique persistante
Il est d’une importance capitale d’enregistrer l’ECG en cas de douleur thoracique persistante, si l’occasion se présente. Un ECG sans modification ischémique de la ST-T lorsqu’il est enregistré en cas de douleur thoracique n’est pas compatible avec une ischémie myocardique. En d’autres termes, les douleurs thoraciques causées par une ischémie se traduisent toujours par des modifications ischémiques du ST-T. Cela est reconnu dans la dernière recommandation publiée par l’International Society for Holter and Non-Invasive Electrocardiology, selon laquelle il est extrêmement rare de passer un ECG non ischémique (absence de modification du ST-T) en cas de douleur thoracique causée par une ischémie myocardique. Cela est corroboré par des millions de tests d’effort physique, selon lesquels les modifications ischémiques de l’ECG précèdent toujours les symptômes d’une ischémie. En résumé, si un ECG enregistré lors d’une douleur thoracique ne révèle aucune ischémie, cela signifie que la douleur thoracique n’est pas causée par une ischémie myocardique. La cascade ischémique explique pourquoi des symptômes subjectifs (douleurs thoraciques) apparaissent toujours après les modifications de l’ECG en cas d’ischémie myocardique.
Comparaison avec des enregistrements ECG antérieurs
L’ECG doit être comparé à des enregistrements ECG antérieurs, s’ils sont disponibles. Les modifications du segment ST-T sont extrêmement fréquentes dans toutes les populations. Par exemple, près de 80% des hommes présentent des élévations du segment ST qui ne sont pas dues à l’ischémie et une proportion significative présente des modifications du segment ST-T dues à d’autres conditions pathologiques (telles que des blocs de branche). La comparaison des enregistrements ECG peut révéler si les segments ST-T diffèrent ; toute différence peut suggérer une ischémie myocardique.
Il est également important de contrôler l’emplacement des électrodes. Un placement incorrect des électrodes, ou une variation du placement entre des enregistrements répétés, peut entraîner des variations significatives des formes d’ondes ECG.
Importance des enregistrements répétés de l’ECG
Les syndromes coronariens aigus sont des processus dynamiques. Les facteurs qui favorisent la thrombose (facteurs pro-thrombogènes) sont constamment en lutte avec des facteurs qui s’efforcent de lyser le thrombus (facteurs pro-thrombolytiques). L’équilibre entre les facteurs pro-thrombogènes et pro-thrombolytiques varie d’une minute à l’autre, ce qui peut entraîner des variations dans la taille du thrombus. Cela signifie qu’un patient qui a ressenti une douleur thoracique à son domicile peut être asymptomatique lors de l’évaluation aux urgences, puis développer une douleur thoracique sévère et un magnifique sus-décalage du segment ST quelques minutes plus tard. Il est important de noter qu’un ECG traditionnel à 12 dérivations ne présente que quelques secondes d’activité électrique du myocarde et qu’il est possible que des épisodes ischémiques ne soient pas détectés. En effet, des études (avec surveillance continue du segment ST) montrent que 60% à 75% des épisodes ischémiques au cours des syndromes coronariens aigus sont asymptomatiques. Il est donc recommandé d’effectuer des ECG à 12 dérivations répétés aux urgences et dans le service. Les patients présentant un risque élevé de syndromes coronariens aigus doivent faire l’objet d’une surveillance continue de l’ECG (segment ST). L’évaluation continue des modifications du segment ST-T augmente la probabilité de découvrir des modifications ischémiques de l’ECG.
L’ECG dans la maladie coronarienne stable : l’angine de poitrine
L’angine de poitrine stable survient lorsqu’une plaque d’athérosclérose provoque une sténose d’au moins 70 % de l’artère coronaire. Les plaques provoquant une sténose inférieure à 70 % provoquent rarement une angine de poitrine stable. Bien que 70 % puissent sembler autant, ce n’est pas suffisant pour provoquer des modifications ischémiques du ST-T au repos (c’est-à-dire sur un ECG à 12 dérivations au repos). Un test d’effort physique sur tapis roulant ou vélo est nécessaire pour détecter les modifications ischémiques de l’ECG chez les patients souffrant d’angine de poitrine stable. L’augmentation de la charge de travail du myocarde pendant l’exercice peut provoquer une ischémie et donc des modifications ischémiques du ST-T (dépressions du ST et inversions des ondes T). En résumé, une coronaropathie stable (angine de poitrine) ne peut être diagnostiquée à l’aide d’un ECG à 12 dérivations au repos.
L’ECG préhospitalier
L’ECG est d’une valeur inestimable en milieu préhospitalier. Il est utilisé pour diagnostiquer, stratifier les risques et orienter le traitement des patients atteints de syndromes coronariens aigus. L’ECG à 12 dérivations, avec placement classique des électrodes, doit être utilisé en milieu préhospitalier. De temps en temps, le personnel préhospitalier place les électrodes des membres sur le torse (c’est-à-dire des électrodes Mason-Likar). Cela donne un ECG presque identique à l’ECG classique à 12 dérivations, mais presque. Le placement des électrodes Mason-Likar n’est pas approuvé pour l’interprétation de l’ischémie lors de l’enregistrement initial (car les amplitudes et les intervalles peuvent différer de ceux d’un ECG classique à 12 dérivations). Cependant, le placement des électrodes Mason-Likar peut être utilisé pour la surveillance de l’ECG (ce sujet sera abordé plus tard).
Des études montrent que les ambulanciers sont d’excellents interprètes de l’ECG. Cependant, il est fréquent que l’ambulancier transmette l’enregistrement de l’ECG à l’hôpital le plus proche afin qu’il soit examiné par un médecin, de préférence un cardiologue.
Avantages de l’ECG préhospitalier
L’ECG est peut-être la partie la plus importante de l’évaluation préhospitalière des syndromes coronariens aigus, car il oriente les traitements et les interventions ultérieurs. L’ECG préhospitalier présente les avantages suivants :
- Un diagnostic d’infarctus du myocarde/ischémie peut être posé dès le stade préhospitalier.
- Le délai d’intervention est réduit car le diagnostic est établi plus tôt.
- L’unité de soins coronariens ou le laboratoire de cathétérisme peuvent être préparés à l’avance.
- Le délai avant la thérapie de reperfusion (thrombolyse ou ICP) est réduit.
- Le délai d’administration des médicaments fondés sur des preuves (bêta-bloquants, statines, aspirine, ticagrelor, clopidogrel, etc.) est réduit.
- Il est très probable que la mortalité soit réduite.
L’ECG préhospitalier est également un excellent ECG de référence auquel l’enregistrement ultérieur (par exemple aux urgences) peut être comparé.
Il convient de noter que la mortalité des patients utilisant le SAMU (système médical d’urgence) est généralement plus élevée que celle des patients capables de se transporter eux-mêmes aux urgences. Cela s’explique par le fait que les personnes qui font appel au SAMU sont plus âgées et présentent davantage de comorbidités. Dans certaines études réalisées aux États-Unis, près de 50% des patients qui ont appelé le SAMU en raison d’une douleur thoracique présentent des modifications ischémiques à l’ECG.
Surveillance ECG continue de l’ischémie (surveillance du segment ST)
Comme nous l’avons vu plus haut, les syndromes coronariens aigus sont des processus dynamiques et le flux sanguin coronarien peut changer rapidement. Les modifications du débit sanguin coronaire ont un effet immédiat sur le potentiel de membrane du myocarde et donc sur l’ECG. La surveillance continue de l’ECG permet une évaluation ininterrompue de la perfusion myocardique. La taille du thrombus, et donc l’étendue de l’ischémie, se reflète principalement sur le segment ST. Toute déviation de la position du segment ST (élévation ou dépression du segment ST) est évocatrice d’une ischémie myocardique. La surveillance continue de l’ECG est supérieure aux ECG à 12 dérivations répétés, qui ne présentent que quelques secondes d’activité myocardique. La probabilité de détecter des épisodes ischémiques asymptomatiques (qui peuvent constituer 60-75% de tous les épisodes ischémiques chez les patients souffrant de syndromes coronariens aigus) est nettement accrue par l’utilisation d’une surveillance ECG continue. Toutefois, chez les patients présentant des modifications secondaires marquées de l’intervalle St-T dues à d’autres pathologies (par exemple le bloc de branche gauche), l’utilité de la surveillance continue de l’ECG est beaucoup plus faible et elle n’est généralement pas effectuée.
La surveillance du segment ST se fait soit au moyen d’un ECG à 12 dérivations (avec des électrodes de membre placées sur le torse selon Mason-Likar), soit au moyen d’une cardiographie vectorielle (VCG). Il a été mentionné plus haut que l’interprétation de l’ischémie n’est pas recommandée sur un système de dérivation autre que l’ECG à 12 dérivations. Ceci est vrai en ce qui concerne l’établissement d’un diagnostic sur l’enregistrement initial. Toutefois, à des fins de surveillance, l’enregistrement initial n’est pas intéressant, seuls les changements au fil du temps le sont, c’est pourquoi le placement des électrodes de Mason-Likars est approprié. Le placement des électrodes des membres sur le torse réduit les artefacts dus aux muscles des membres. Outre la VCG et l’ECG à 12 dérivations de Mason-Likar, il existe d’autres systèmes de dérivation pour la surveillance (par exemple EASI et TruST).
Patients souffrant d’un infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST (STEMI / STE-ACS)
Les patients atteints du STE-ACS doivent être surveillés pendant au moins 25 heures. Tous les patients atteints du STE-ACS traités par reperfusion doivent présenter une normalisation rapide de l’élévation du segment ST ; cela garantit le succès de la reperfusion. Chez les patients recevant une thrombolyse, l’élévation du segment ST doit être réduite de 50 % en 60 minutes, sinon une PCI de secours devrait être envisagée. Plus la normalisation de l’élévation du segment ST est rapide, meilleur est le pronostic.
Patients souffrant d’un NSTEMI et d’un angor instable (NSTE-ACS)
Les patients atteints de NSTE-ACS doivent être surveillés jusqu’à 24 heures après le dernier épisode ischémique. Le nombre, l’ampleur et la durée des épisodes ischémiques doivent être notés chez les patients en attente d’une angiographie. Plus l’ischémie est importante, plus l’angiographie est nécessaire rapidement. Chez les patients souffrant d’angine de poitrine instable, l’absence d’épisodes ischémiques pendant 12 heures suggère que l’état s’est stabilisé.