L’arrêt cardiaque résulte d’une tachyarythmie, d’une bradyarythmie ou d’une asystolie. Les tachyarythmies comprennent la fibrillation ventriculaire (FV) et la tachycardie ventriculaire sans pouls (TV). Les bradyarythmies comprennent toutes les bradyarythmies, l’activité électrique sans pouls (AESP) et l’asystolie.
Les bradyarythmies sont abordées dans le chapitre Prise en charge de la bradycardie (bradyarythmie).
Rythme initial et évolution des arythmies pendant l’arrêt cardiaque
Le rythme initial lors d’un arrêt cardiaque est défini comme le premier rythme enregistré par l’électrocardiographe (ECG). Dans le cas d’un arrêt cardiaque extrahospitalier (OHCA), le rythme initial est enregistré par l’équipe du SAMU (Service d’Aide Médicale Urgente) à son arrivée sur les lieux. Si un DEA (défibrillateur automatique externe) a été branché, il doit être interrogé (si possible) pour déterminer s’il a enregistré des rythmes choquables. En cas d’arrêt cardiaque à l’hôpital, 20 à 30 % des victimes bénéficient d’une surveillance continue de l’ECG (télémétrie), ce qui permet d’identifier instantanément le rythme initial (Thorén et al.).
Le rythme initial a une importance considérable pour la survie en cas d’arrêt cardiaque, indépendamment de toutes les autres circonstances. Le rythme initial est un indicateur de l’étiologie sous-jacente, de la durée de l’arrêt cardiaque, de la qualité de la RCP et un indicateur pronostique de la survie. Dans le registre national suédois de réanimation cardio-pulmonaire, le taux de survie à 30 jours en cas d’OHCA, en fonction du rythme initial, est le suivant (Rawshani et al.) :
- Survie globale : 11 %.
- Rythme choquable (FV, TV sans pouls) : 35 %
- Activité électrique sans pouls (AESP) : 5 %.
- Asystolie : 1,6 %
La tachycardie ventriculaire sans pouls (TV), la fibrillation ventriculaire (FV), l’activité électrique sans pouls (AESP) et l’asystolie peuvent toutes survenir chez un même patient. La description typique de la mort cardiaque subite comme une transition progressive du rythme sinusal à la tachycardie ventriculaire (TV), à la fibrillation ventriculaire (FV) et finalement à l’asystolie et à la mort n’est pas une règle absolue. Si elle est souvent vraie pour les arrêts cardiaques causés par une cardiopathie ischémique chronique ou aiguë, elle ne l’est pas dans d’autres circonstances (embolie pulmonaire, traumatisme, causes respiratoires, overdose de médicaments, etc.).
Parmi les victimes dont l’arrêt cardiaque a été provoqué par une TV ou une FV (ischémie myocardique aiguë ou chronique, insuffisance cardiaque, etc.), il est clair que plus l’ECG initial est enregistré tôt, plus la probabilité que le rythme soit une FV ou une TV sans pouls (c’est-à-dire choquable) est grande, et plus la probabilité de survie est élevée (puisque ces arythmies peuvent être défibrillées). De même, plus l’ECG est enregistré tardivement, plus la probabilité que le rythme se soit détérioré en AESP ou en asystolie est grande, et donc plus le pronostic est mauvais. Cela n’est pas toujours vrai. Par exemple, lors d’un arrêt cardiaque dû à une embolie pulmonaire, le rythme initial est typiquement une AESP, ce qui s’explique par le fait que l’embole empêche le sang de passer des poumons au ventricule gauche, qui se contracte donc sans précharge (le ventricule est vide ou presque vide).
Chez les patients présentant un rythme initial choquable, les compressions et la ventilation peuvent prolonger la durée du rythme choquable de plusieurs minutes, ce qui permet au SAMU ou aux personnes présentes de brancher un défibrillateur ou un DEA et de procéder à une défibrillation.
Watanabe et al. ont étudié 132 patients qui ont subi un arrêt cardiaque soudain alors qu’ils étaient surveillés par Holter ECG (les indications étaient des palpitations, des douleurs thoraciques, une syncope, etc.). Les résultats sont les suivants :
- 73 % étaient dus à des tachyarythmies ventriculaires, dont 45 % étaient des TV dégénérant en FV.
- 27 % étaient dus à des bradyarythmies, dont 74 % étaient des asystolies et 26 % des blocs AV.
Ces résultats ne doivent pas être interprétés comme étant représentatifs de la population qui subit des OHCA et des IHCA.
Rythmes choquables et non choquables
Tous les professionnels de santé doivent être capables d’identifier les rythmes choquables, c’est-à-dire les tachyarythmies qui peuvent être interrompues par défibrillation (choc non synchronisé) ou par cardioversion (choc synchronisé). La fibrillation ventriculaire (FV) et la tachycardie ventriculaire (TV) sont des rythmes pouvant faire l’objet d’un choc. L’asystolie, les bradyarythmies et l’AESP sont des rythmes non choquables. Alors qu’il n’existe pas de thérapie électrique pour l’AESP et l’asystolie, les bradyarythmies sont gérées efficacement en utilisant n’importe quelle méthode de stimulation temporaire (par exemple, la stimulation transcutanée).
Fibrillation ventriculaire (FV) et tachycardie ventriculaire sans pouls (TV)
- Survie à 30 jours lorsque le rythme initial est une FV/TV : 35 %
- Pourcentage d’arrêts cardiaques avec témoins présentant une FV/TV : 28 %
- Pourcentage d’arrêts cardiaques sans témoin (OHCA) présentant une FV/TV : 9 %
La grande différence entre les taux de FV/TV dans les arrêts cardiaques avec ou sans témoin s’explique par le fait que la FV/TV dégénère en asystolie et en AESP en quelques minutes, à moins qu’une RCP efficace ne soit pratiquée et maintenue.
Les contractions ventriculaires cessent pendant la fibrillation ventriculaire (FV), ce qui entraîne l’arrêt immédiat de la perfusion des tissus et l’inconscience de la personne. En cas de tachycardie ventriculaire (TV), une certaine contractilité subsiste et la fréquence ventriculaire est élevée, ce qui est souvent suffisant pour générer un débit cardiaque. Cependant, la tachycardie ventriculaire peut entraîner une perte de conscience et un arrêt cardiaque dans les situations suivantes :
- Si la TV est soutenue, elle épuise les ressources énergétiques du myocarde et dégénère en FV et en arrêt cardiaque.
- Si la TV est très rapide, la précharge et les fractions d’éjection résultantes deviennent trop faibles pour maintenir le débit cardiaque, malgré la fréquence ventriculaire.
- En cas de dysfonctionnement ventriculaire (par exemple, en cas d’insuffisance cardiaque), la fraction d’éjection pendant la TV peut être insuffisante pour maintenir un débit cardiaque minimal.
La TV qui entraîne une perte de conscience est appelée TV sans pouls. La pression artérielle systolique est généralement inférieure à 60 mmHg pendant la TV sans pouls.
La TV sans pouls est un rythme rapide et régulier avec des complexes QRS larges qui ne génèrent pas de pouls.
La fibrillation ventriculaire (FV) et la tachycardie ventriculaire (TV) peuvent généralement être défibrillées. La probabilité de réussir à défibriller une fibrillation ventriculaire dépend de l’état du métabolisme du myocarde. Au début de l’arrêt cardiaque, les concentrations d’ATP dans le myocarde sont élevées et la forme d’onde de la FV est grossière (grandes amplitudes fibrillatoires). La FV grossière est relativement facile à défibriller. Cependant, lorsque la durée de l’arrêt cardiaque (et de la FV) se prolonge, les concentrations d’ATP diminuent rapidement et la forme d’onde de la FV passe d’une FV grossière à une FV fine, qui est un précurseur de l’asystolie et qui est très difficile à défibriller. La FV fine est considérée comme un rythme non choquable.
La FV/TV réfractaire est définie comme une FV/TV qui résiste à 3 défibrillations consécutives. L’approche de la FV/TV réfractaire est abordée dans le chapitre Soins avancés de réanimation cardio-vasculaire.
Activité électrique sans pouls (AESP)
L’activité électrique sans pouls (AESP) était auparavant appelée dissociation électromécanique (DEM)
- Survie à 30 jours lorsque le rythme initial est une AESP : 6 %
- Pourcentage d’arrêts cardiaques dont on est témoin : 22 %
- Pourcentage d’arrêts cardiaques avec ou sans témoin : 9 %
L’activité électrique sans pouls (AESP) existe lorsque l’activité électrique organisée (complexe QRS sur l’ECG) ne produit pas de contractions efficaces ni de pouls. Ainsi, dans l’AESP, il y a des complexes QRS indiquant une activité électrique myocardique, mais il n’y a pas d’éjections significatives des ventricules. Il existe deux types d’activité électrique sans pouls.
AEP primaire : dans l’AEP primaire, les ventricules droit et gauche sont remplis de sang, mais la dépolarisation n’entraîne aucune contraction. L’AEP primaire est généralement un stade terminal et suggère une cardiopathie très avancée comme cause sous-jacente, ou un arrêt cardiaque prolongé en l’absence de cardiopathie avancée.
AEP secondaire : dans l’AEP secondaire, le ventricule gauche et/ou droit n’est pas rempli de sang. Cela peut s’expliquer par une embolie pulmonaire massive, une hémorragie, une tamponnade (avec ou sans hémopéricarde) ou un dysfonctionnement aigu de la prothèse entraînant une obstruction du flux à travers la prothèse.
ECG en cas d’activité électrique sans pouls (AESP)
Les complexes QRS peuvent être étroits ou larges en cas d’AEP, et la fréquence cardiaque peut être très lente (rythme agonal), normale, rapide, régulière ou irrégulière. La fréquence ventriculaire (évaluée sur l’ECG) dans l’AEP ne dépasse généralement pas 130 battements/min et il n’est pas possible de défibriller l’AEP.
Bradyarythmie (bradycardie)
La bradycardie menant à l’arrêt cardiaque exige que la fréquence ventriculaire soit inférieure à 20 battements/min. Dans ce cas, les contractions ventriculaires existent mais la fréquence est insuffisante pour maintenir une perfusion cérébrale adéquate, ce qui fait que la personne devient inconsciente. La bradycardie sinusale, l’arrêt sinusal, le bloc SA, le bloc AV 2 et le bloc AV 3 sont les bradyarythmies les plus courantes entraînant une perte de conscience. Pour plus de détails, reportez-vous au chapitre Prise en charge de la bradycardie.
Asystolie
- Survie à 30 jours lorsque le rythme initial est l’asystolie : 1,5 %.
- Pourcentage d’arrêts cardiaques dont on est témoin : 50 %
- Pourcentage d’arrêts cardiaques sans témoin : 82 %
L’asystolie est définie comme l’absence d’activité électrique et l’arrêt des contractions. L’asystolie est le stade final de tout arrêt cardiaque, car tous les rythmes mortels dégénèrent en asystolie. Un arrêt cardiaque peut également commencer par une asystolie, ce qui témoigne d’une maladie cardiaque sous-jacente avancée.
Tachycardie sinusale (tachyarythmie supraventriculaire)
Une tachycardie sinusale ou d’autres tachyarythmies supraventriculaires juste avant et/ou pendant un arrêt cardiaque suggèrent une hypovolémie, une précharge insuffisante (embolie pulmonaire, hémorragie) ou une obstruction de l’écoulement.
Arythmies typiques en cas d’arrêt cardiaque
- L’arrêt cardiaque peut commencer par une fibrillation ventriculaire, sans autre arythmie précédant la fibrillation ventriculaire.
- L’arrêt cardiaque peut commencer par une asystolie, sans qu’aucune autre arythmie ne précède l’asystolie. Cela implique l’existence d’une maladie cardiaque sous-jacente avancée.
- La fibrillation ventriculaire se transforme pratiquement toujours en asystolie, à moins qu’une défibrillation ne soit tentée et réussie. La conversion spontanée de la fibrillation ventriculaire en rythme organisé est rare.
- La fibrillation ventriculaire est souvent précédée d’une tachycardie ventriculaire, en particulier en cas d’ischémie myocardique, d’insuffisance cardiaque, de cardiomyopathies et de syndrome du QT long (congénital ou acquis).
- Occasionnellement, la fibrillation ventriculaire se transforme en PEA avant que l’asystolie ne survienne.
Tachyarythmies en cas de maladie coronarienne
Pour qu’une ischémie ou un infarctus induise des tachyarythmies potentiellement mortelles, il faut à la fois un déclencheur et un substrat (c’est-à-dire un myocarde vulnérable). Toutes les études expérimentales et l’expérience clinique montrent qu’un déclencheur est rarement suffisant pour induire une fibrillation ventriculaire ou une tachycardie ventriculaire dans un myocarde normal. Il est également clair que l’ischémie myocardique est rarement suffisante pour induire une tachycardie ventriculaire ou une fibrillation ventriculaire. C’est ce que montrent les observations suivantes :
- Chez les personnes atteintes d’une maladie coronarienne stable, les épisodes quotidiens d’angine de poitrine (c’est-à-dire l’ischémie symptomatique) sont fréquents, et les épisodes ischémiques asymptomatiques le sont encore plus. Malgré cela, la fibrillation ventriculaire et la tachycardie ventriculaire sont inhabituelles. Compte tenu du grand nombre d’épisodes ischémiques, il est clair que l’arrêt cardiaque est une conséquence rare de l’ischémie.
- L’objectif de l’épreuve d’effort cardio-pulmonaire est d’induire progressivement une ischémie en augmentant la demande en oxygène du myocarde. La tachycardie ventriculaire, la fibrillation ventriculaire et l’arrêt cardiaque sont extrêmement rares pendant le test d’effort (<1/50000 examens).
Par rapport à l’angor stable (ischémie), la FV et la TV sont significativement plus fréquentes (en ce qui concerne la proportion de cas menant à une FV/TV) dans le syndrome coronarien aigu (SCA). Cela s’explique par le fait que l’événement aigu induit une série de changements électrophysiologiques et biochimiques qui provoquent immédiatement une instabilité électrique. Ces changements comprennent des perturbations du flux de calcium intracellulaire (accumulation de calcium intracellulaire), du flux de potassium (efflux profus de potassium), une concentration élevée de potassium extracellulaire, une diminution du pH extracellulaire, une augmentation du tonus sympathique et une altération de la fonction des adrénocepteurs. Le risque de tachyarythmie est le plus élevé dans les 30 premières minutes et diminue ensuite progressivement. Le risque de tachyarythmie est plus élevé en cas de myocarde anormal (infarctus antérieur, remodelage, hypertrophie).
Il convient également de mentionner que les augmentations brusques de la perfusion myocardique peuvent également induire une instabilité électrique, comme le montre le risque élevé de tachycardie ventriculaire observé pendant et immédiatement après la reperfusion (après ICP, thrombolyse et reperfusion spontanée) et après la disparition du vasospasme coronarien.
Références
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